Camille Claudel, une mise au tombeau
de Jean-Paul Morel

critiqué par Sahkti, le 11 septembre 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Qui a aidé Camille Claudel ?
La triste destinée de Camille Claudel est connue. Artiste talentueuse, sculpteur de génie, elle a peu à peu abordé les rivages de la détresse pour se voir finalement enfermée pendant plus de trente ans dans une maison d'aliénés. Trente années pendant lesquelles elle ne cessera de réclamer sa remise en liberté, la restitution de ses oeuvres dispersées, la visite de ses proches, cette famille qui l'a condamnée à l'exil et préfère la dire morte.
Un destin décliné en film, en livre, au point qu'une aura de mystère entoure aujourd'hui ce personnage devenu romanesque, voire romantique. Et pourtant, quelle vie chaotique et gâchée que la sienne !

Jean-Paul Morel, à travers des correspondances, des articles de presse, des registres d'hopitaux et des lettres administratives, tente de retracer le parcours "à l'écart des autres" de cette femme exceptionnelle, mais peut-être trop moderne pour son entourage. Entre un père qui la plaint mais demeure impuissant, un frère plus lâche que tout, une mère intransigeante et un amant perdu, Camille Claudel voir son univers s'effondrer. Certes, ses visions hallucinées, son obsession du complot et sa hargne face à la bande à Rodin ont contribué à la faire passer pour folle. Alors la soigner pourquoi pas... mais de là à l'enfermer trente ans alors qu'elle aurait pu vivre dans une relative autonomie, il y a un pas que sa famille n'a pas hésité à franchir (elle qui les aimera plus que tout jusqu'au bout !), quitte à détruire à tout jamais la vie de leur fille et soeur.

Jean-Paul Morel a pris d'emblée le parti de Camille Claudel. Le ton est donné dès les premières pages. Ûn parti-pris qui ne l'empêche pas de rendre à Rodin ce qui est à lui. Non, le sculpteur n'est pas aussi machiavélique qu'on a bien voulu le faire croire au grand public. Lui aussi a souffert de cette situation et a fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider Camille, faire vivre son oeuvre et l'aider à progresser et évoluer dans la société. Mais il a été tellement simple, vu les délires passionnels de Camille amoureuse aveugle, de tout mettre sur le dos du sculpteur; ce dont ne s'est pas privé Paul Claudel. Un Paul Claudel qui ne ressort pas très glorieux de cette étude. L'homme avait beau être diplomate et amoureux de culture, il a fait bien peu pour aider sa soeur à s'en sortir, ne serait-ce déjà qu'en ne lui rendant jamais visite, elle qui l'a réclamé maintes fois.

La détresse de Camille est perceptible dans sa correspondance, tout comme cette folie qui la guette. Fallait-il pour autant gâcher trente années d'une vie qui ne demandait qu'à s'épanouir? C'est une des questions posées par Jean-Paul Morel et les réponses apportées à cela, à travers les documents fournis, font froid dans le dos. Rendent triste aussi tant le sentiment de gâchis et d'acharnement est présent.
Remercions l'auteur pour ses recherches et cette documentation mise à disposition des lecteurs. De quoi éclairer d'un jour nouveau, dans la prolongation des travaux de Jacques Cassar, la destinée brisée de Camille Claudel. Le livre est richement documenté, les arguments sont développés et JP Morel présente plusieurs hypothèses expliquant tantôt l'éloignement tantôt la douleur.
Agréable, même si amère, plongée dans le destin d'une artiste hors-norme que son époque n'a pas comprise. Quel dommage !