Ordalie
de Cécile Ladjali

critiqué par Garance62, le 11 septembre 2009
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Précieuse lecture
Fiction autour d'une histoire réelle, récit imaginé et merveilleusement écrit sur la passion physique et intellectuelle entre deux écrivains Ingeborg Bachmann, autrichienne née en 1926 et Paul Celan poète juif roumain né en 1920.

Deux feux, deux tempêtes qui s'aiment, s'alimentent, se nourrissent et se détruisent.
De la réalité ou de la fiction nous ne saurons que ceci noté à la fin du livre, avant la bibliographie fournie dont s'est librement inspirée Cécile Ladjali : « Ordalie a intégré librement la matière des œuvres d'Ingeborg Bachmann et de Paul Celan. Sous forme de citations, parfois de simples allusions, leurs romans, poèmes, essais ou pièces forment le palimpseste du livre »

Dans la fiction, Ingeborg devient Ilse, Paul devient Lenz et le narrateur, cousin amoureux éperdu et malheureux d'Ilse se nomme Zak.

Plusieurs histoires d'amour se vivent, se répondent et les âmes malheureuses sont ici légion : Zak aime sa cousine Ilse d'un amour caché, torturé qui fait de lui un homme aigri, heureux à voir se détruire les amours d'Ilse, malsain à ne se réjouir que d'une chose : l'éloignement d'Ilse et de Lenz, fous éperdus d'amour et liés par leur passion commune de la littérature.

C'est aussi l'histoire d'amours impossibles car pollués par une histoire nauséabonde : celle de l'antisémitisme, doublement lestée dans l'histoire familiale par, d'un côté des parents nazis et de l'autre par des parents juifs disparus.

C'est aussi, plus largement, le sens à donner à la littérature dans cette période inhumaine et dans ces lieux fortement impliqués.

L'histoire commence en 1989, au moment de la chute du Mur de Berlin, évènement qui permet d'aborder l'histoire : « Je ne suis pas écrivain. Pourtant il me presse d'écrire. Sur elle. Elle aurait été si contente de vivre ce grand soir-là, mon Ilse. ».

Ce mur physique qui tombe alors qu'un autre va perdurer dans l'histoire :
« Ilse s'était acharnée à faire fleurir les pierres. Or Lenz s'en tenait aux pierres. Exclusivement. A leur froide exigence de tombe et de silence. Et c'étaient toutes ces pierres, tous ces mots qui avaient érigé un mur entre eux. ».

Il est difficile de parler de ce livre tant l'histoire en est riche.
Il m'est aisé de dire combien j'ai éprouvé d'émotion, ressenti de sensation de beauté à travers le récit, imaginé la force des sentiments des amants, lu avec gourmandise les phrases raffinées et poétiques de Cécile Ladjali.

Une lecture précieuse. Un grand, un beau, un excellent moment.

Pour ceux qui voudraient aller plus loin :
http://monumenta.com/2007/index.php/…
http://jose-corti.fr/titresetrangers/…
Deux mondes à découvrir.