Roseanna
de Maj Sjöwall, Per Wahlöö

critiqué par El grillo, le 9 septembre 2009
(val d'oise - 50 ans)


La note:  étoiles
Fichtre, frustré...
Une femme est repêchée dans un canal de la petite ville paisible de Motala en Suède, violée et noyée. L'occasion pour nous de faire connaissance avec Martin Beck, inspecteur de son état, et de son équipe de fins limiers. Ici, c'est l'école Suédoise, on prend son temps. D'autant que les indices sont très maigres, l'enquête piétine et est au point mort. Beck rumine plusieurs mois jusqu'à ce qu'une piste, infime, réveille la flamme de l'inspecteur.

Premier volet de la série consacrée à l'inspecteur Beck qui a fait la réputation et posée la base du polar nordique, Roseanna est un roman lent, précis. Sjöwall et Wahlöö nous présentent leur inspecteur, déprimé, en rupture avec son environnement familial, ne vivant que pour le boulot dans lequel il excelle, ça ne vous rappelle personne ?
On est donc à l'origine de ce qui fait le succès du polar venu du froid, les amateurs de Staalesen, Mankell et autre Indridason ne seront pas perdus. L'écriture est franche, les dialogues très agréables, avec un brin de cynisme par moments.
Il s'agit d'une enquête longue, minutieuse dans sa première partie, puis ça s'emballe dans la seconde, pas trop tôt, quand Beck met la main sur son suspect. Et paf, c'est là que le bât blesse et que ma note flanche: on ne sait absolument pas pourquoi cet inspecteur si doué jette son dévolu sur son suspect. Parce qu'il est doué, voilà la seule solution, mais niveau explication, on n'a pas grand chose, juste la persuasion que notre chef a de l'intuition, ça fait maigre.
Il manque aussi les motivations du tueur, mais bon, à force de ne lire que du polar, on veut tout savoir. Dans les années 60 on faisait pas dans ce genre de détail. Dommage, des détails, on en a pourtant tout du long concernant l'enquête, bien menée, on ressort frustré quand il en manque à la fin...
Impeccable 9 étoiles

C'est le premier roman d'une série de 10 écrits par un duo d'écrivains (un couple ; en tout cas, une femme et un homme, dans l'ordre de crédit) suédois dans les années 60 et 70, celui-ci date de 1965, et l'homme du duo mourra 10 ans plus tard (et l'autre, en 2020). Cette réédition proposant le texte intégral (mais traduit de la version traduite en anglais, plutôt que traduit du suédois directement, ce qui est un peu gênant, et rien que pour ça, je ne donne pas la note maximale), le roman ayant à la base été publié en France en 1970 dans une édition tronquée, est préfacée par un des plus grands auteurs de polars suédois, Henning Mankell, lequel s'avoue être fan de ces romans, et de "Roseanna" en particulier, depuis sa première lecture, au moment de sa parution originale.
C'est à la fois intense et prenant son temps (comme Mankell le dit dans sa préface, ici, le temps a son importance, et des fois, comme dans toute enquête policière, il ne se passe pas grand chose parce que l'enquête piétine un peu, avant qu'un détail ne relance tout), avec des personnages très réalistes (et notamment le personnage principal de la série, l'inspecteur Martin Beck, sorte de Martin Servaz - romans de Bernard Minier - avant l'heure), des dialogues parfois un peu bof mais un sens du suspense redoutable et un dénouement efficace. Une jeune femme est retrouvée, nue et étranglée et violée, dans un canal dans la ville de Motala. Les flics locaux, aidés d'un as de Stockholm, vont essayer de retrouver son assassin, mais d'abord, il faut découvrir qui elle est, elle...
Court et prenant, il m'a été absolument impossible de le lâcher avant de l'avoir fini.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 10 juillet 2023


Un grand classique 8 étoiles

Le roman policier nordique s’impose aujourd’hui incontestablement comme un sous-genre à part entière. Depuis quelques dizaines d’années, c’est une véritable floraison d’auteurs qui est apparue sur les étals des libraires. Henning Mankell, Arnaldur Indridasson, Stieg Larsson, Jo Nesbø, Arni Thorarinsson sont probablement les plus illustres d’entre eux. Mais sait-on que c’est un couple d’écrivains suédois qui, entre 1965 et 1975, a été l’initiateur de ce qui, par la suite, a connu et connaît toujours un engouement assez impressionnant ? Maj Sjöwall, qui vient de décéder le 29 avril dernier, et son mari Per Wahlöö (décédé dès 1975) écrivirent une dizaine de romans considérés aujourd’hui, à bon droit, comme des classiques.
Le premier d’entre eux porte pour titre le nom d’une jeune femme, Roseanna, dont on apprend, dès la première page, que le corps a été retrouvé, par hasard, du fait d’une opération de dragage, au fond des eaux d’un canal. Le corps est en bon état de conservation, il n’a pas séjourné longtemps dans l’eau et l’on suppose que la rapidité de cette découverte facilitera l’enquête. La suite du roman montre qu’il n’en est rien. Les enquêteurs chargés de cette affaire vont devoir s’armer de patience et mener un grand nombre d’investigations pour le moins fastidieuses.
Car c’est une des particularités des polars nordiques, à commencer par ceux de Maj Sjöwall et Per Wahlöö, que de ne pas épargner aux lecteurs les lenteurs et les temps morts inhérents à une enquête criminelle de quelque importance. La jeune femme dont le corps a été retrouvé au fond du canal a été violée et assassinée, c’est sûr, mais par qui et dans quelles circonstances ? Et quand il apparaît que, très probablement, cela s’est passé sur un bateau effectuant la traversée d’un lac, les policiers comprennent qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines, car, sur le bateau en question, il y avait beaucoup de monde.
Cela étant, les deux auteurs du livre se sont gardés d’écrire un polar ordinaire, leur ambition ne se limitait pas à tenir le lecteur en haleine jusqu’à la résolution d’une énigme. Qui est l’assassin ? Certes, cette question est bien présente tout au long des pages, mais l’originalité du roman ne repose pas là-dessus. Maj Sjöwall et Per Wahlöö se soucient, bien davantage, de donner chair à leurs personnages et de faire ressentir ce que c’est que de mener une investigation de cette sorte. Ils savent également, par la mention de nombreux détails, situer parfaitement leur récit dans l’espace et dans le temps.
Comme le fait remarquer Henning Mankell dans sa préface à Roseanna, en 1965, les gens ne se baladaient pas avec un téléphone portable ni ne disposaient d’ordinateurs. C’est vrai. Pourtant, si, malgré son âge, le roman ne semble pas avoir beaucoup vieilli, s’il n’est pas besoin de faire un gros effort pour être captivé par sa lecture, c’est parce que ses qualités d’écriture restent résolument modernes. Elles ne sont aucunement dépassées. Les personnages y sont décrits avec un tel souci d’authenticité, une telle moisson de détails, qu’on a vite fait d’avoir le sentiment de les connaître. Ce qui ne signifie pas, d’ailleurs, même si les auteurs ne craignent pas de nous fournir une abondance de renseignements, que nous ayons le sentiment d’être submergés, en tant que lecteurs. Non, au contraire, il reste encore de la place pour faire fonctionner notre sensibilité et notre imagination.
Martin Beck et les autres policiers intervenant au cours du récit ont vite fait de devenir des personnages attachants, auxquels on peut sans trop de peine s’identifier. On n’a pas affaire à des individus hors du commun. Martin Beck n’est pas quelqu’un d’infaillible, il se sent souvent mal, que ce soit parce qu’il est enrhumé, parce qu’il ne dort pas suffisamment, ou parce qu’il manque du temps qu’il devrait consacrer à sa famille. L’enquête piétine puis, du fait d’un détail, connaît un rebond et avance comme ça, cahin-caha. Elle fait intervenir divers protagonistes, y compris en Amérique, dans le Nebraska. En fin de compte, sa résolution n’est pas accompagnée de gloriole. « Que ce soit à Motala, écrivent Maj Sjöwall et Per Wahlöö, à Stockholm, ou à Lincoln, dans le Nebraska, ils avaient tous travaillé depuis leurs bureaux et élucidé l’énigme en employant des moyens que l’on ne pourrait jamais rendre publics. Ils avaient résolu le problème. Ils s’en souviendraient toujours, mais rarement avec fierté. »
Dans sa préface, Henning Mankell rappelle que Maj Sjöwall et Per Wahlöö affirmaient volontiers avoir été influencés par les auteurs américains de romans noirs, en particulier Ed McBain. Mais, pour lui, pour Henning Mankell, on peut aussi bien se référer à Edgar Allan Poe et même remonter jusqu’aux drames de la Grèce antique en passant par Shakespeare. Je le crois volontiers, moi aussi. Les grands écrivains de polars s’inscrivent dans une tradition vieille comme le monde, chacun s’efforçant d’y apporter sa petite part d’originalité. Maj Sjöwall et Per Wahlöö comptent parmi ceux qui ont le mieux réussi à tenir cette gageure.

Poet75 - Paris - 68 ans - 17 mai 2020


Enquête "vieille école" 7 étoiles

J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce polar "old school". J'ai trouvé vraiment agréable de voir des enquêteurs qui pour résoudre l'enquête se torturent les méninges. Pas d'ADN, pas d'anthropologie judiciaire, à peine un médecin légiste, ça change vraiment des polars actuels où les héros se contentent de mettre les empreintes dans une base de données, de mettre les échantillons dans un spectromètre de masse et ont les réponses en 5 minutes (ce qui n'est d'ailleurs pas du tout réaliste par rapport à la vraie pratique de la police scientifique).
Le seul bémol que je peux mettre à ce livre, c'est la fin plutôt prévisible.
Je vais sans doute lire le tome suivant !

Mithrowen - La Chaux-de-Fonds - 35 ans - 27 juin 2012


Un grand polar 9 étoiles

Deux maîtres du polar nordique, Sjowall et Wahloo, auteurs d'une série d'une dizaine de romans policiers entre 1965 et 1975, mettant en scène l’enquêteur Martin Beck et son équipe. Les personnages y sont aussi importants que l’affaire elle-même, on entre au sein du commissariat et dans l’intimité des enquêteurs.
Roseanna est la première des dix enquêtes. Le cadavre dénudé d'une jeune femme inconnue est retrouvé dans un canal proche de la petite ville de Motala, la victime semble avoir été violée. Martin Beck, de la criminelle de Stockholm, est envoyé en renfort auprès de l'équipe locale chargée de l'enquête.
Le style sans fioriture est juste, les actions sont bien détaillées mais sans longueurs, tout est décortiqué, bien ciselé avec un crescendo bien dosé.
Une série à découvrir et une lecture jubilatoire.

Dudule - Orléans - - ans - 18 juillet 2010


Le premier d’une série de dix 6 étoiles

Paru pour la première fois en 1965, ce livre est à présent réédité, et avec lui les neuf autres qui composent une série de romans policiers au héros récurrent : Martin Beck. Dans sa préface à l’édition actuelle, Henning Mankell ne tarit pas d’éloges, parlant d’un « classique moderne », d’une « intrigue construite de main de maître », d’un « livre fascinant ». Je le dis tout de go : je suis loin d’avoir été touchée de la sorte par ce livre. Son caractère légèrement suranné présente toutefois bien des charmes. Par exemple, l’ère des gsm n’ayant pas encore pointé le bout de son antenne, rendons grâce aux cabines téléphoniques qui permettent à l’un des enquêteurs de tenir son chef au courant de l’évolution de sa filature !

Lorsque le cadavre d’une jeune femme est repêché dans un canal d’une petite ville, l’équipe locale, quoique dirigée par un enquêteur hors pair, piétine rapidement. Même l’identité de la victime leur échappe. C’est alors qu’un inspecteur de la section criminelle de Stockholm vient les épauler. L’inspecteur Martin Beck commencera lui aussi par patauger dans les marasmes de l’intrigue. L’identification de la victime permettra à l’enquête proprement dite de démarrer. Roseanna, puisque c’est son nom, a disparu alors qu’elle effectuait une traversée à bord d’un bateau, le « Diana ». Peut-être l’assassin est-il à rechercher parmi les autres passagers ? Ou parmi les membres de l’équipage ? C’est à petits pas que Martin Beck progresse…

Beaucoup de dialogues dans ce roman policier, ce qui lui donne le rythme nécessaire pour contrebalancer la lenteur des découvertes. Un léger suspense, mais une fin malheureusement sans surprise… Cela ne m’empêchera pas de lire le deuxième tome des aventures de Beck : qui sait, celui-ci n’était peut-être qu’une mise en bouche ?

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 17 mars 2010