Opération Vent printanier, tome 2
de Philippe Richelle (Scénario), Pierre Wachs (Dessin)

critiqué par Shelton, le 5 septembre 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Suite et fin, mais toujours aussi bon...
Nous voici donc dans le second volet de cet hommage en bande dessinée aux Juifs de France arrêtés en juillet 1942. Il ne s’agit pas d’un récit historique mettant en scène tous les responsables politiques du moment. Les auteurs ont pris le parti pris de nous offrir une grande fresque de cette période en peignant des Français désarçonnés par les évènements, des Juifs dociles aux autorités tandis que d’autres sont beaucoup plus méfiants et dubitatifs, des policiers obéissants et d’autres écœurés, des occupants humains et d’autres qui ne pensent plus depuis longtemps, des industriels tentant de faire fortune… et certaines personnes aimant la musique, le sport et percevant la naissance d’un sentiment délicat et parfois cruel que l’on nomme l’amour… Oui, juillet 1942 aurait pu être un mois d’été comme les autres et c’est ce qui le rend d’autant plus cruel et tragique, inhumain et insupportable…

Le scénario de Philippe Richelle demeure grandiose par la façon détachée de dépeindre la cruauté banale, l’injustice et l’insouciance, l’amour et la tragédie… Le dessin de Pierre Wachs est totalement adapté à cette narration. Le lecteur est saisi et a bien du mal à se réveiller, à réagir… Il ne peut pas faire autrement que s’interroger sur ce qu’il aurait osé faire s’il avait vécu en ces temps délicats… Il n’ose pas répondre trop vite car tous les personnages rencontrés dans cette bande dessinée portent en eux quelque chose de chacun d’entre nous… Terrible ! Qu’aurions-nous été en juillet 1942 ? Un traitre ? Un salaud ? Un indifférent ? Un courageux ?

La lecture de ce récit ne donne aucune réponse mais pose les bonnes questions qu’il faudra oser se poser si jamais… Mais, comme chacun sait, ça n’arrivera plus ! Quoique…

Vous l’aurez bien compris, cette bande dessinée, en deux volumes, devrait être dans tous les collèges, dans tous les lycées, on devrait la faire lire à tous, au moins à tous les enfants et jeunes qui se limitent à la bande dessinée et qui n’ont jamais lu aucun autre ouvrage sur cette période… Et il y en a plus qu’on ne le croit…

Du très bon !
Atmosphérique 7 étoiles

« - Le Vél d’Hiv, c’est là où il y a des courses de vélos ?
- Oui...
- Ils ne sont pas en prison, alors ? Ils vont revenir bientôt ?
- Je ne sais pas... Je crois... Je crois qu’ils seront absents encore un certain temps... »

Dans le premier tome, on croit cerner les personnages, mais ici, on voit qu’il ne faut pas se fier aux apparences : un ami louche se révélera un vrai camarade en temps de crise, ainsi de suite. Une bande dessinée avec beaucoup de bouleversements, mais pas de grands coups d’éclats (sa plus grande qualité, mais aussi son plus grand défaut). J’ai beaucoup aimé l’atmosphère d’époque, les dessins à facture classique et suivre ces gens ordinaires, des gens « comme nous » et qui auraient pu être nous.

Nance - - - ans - 7 octobre 2012


Tout en subtilité 10 étoiles

Philippe Richelle et Pierre Wachs choisissent de nous montrer les terribles événements de 1942 et le destin des personnages avec subtilité et finesse, sans jamais verser dans le pathos. Tout est suggéré et mises à part deux cases représentant des actualités cinématographiques d'après guerre, on ne voit rien des camps de la mort. On se doute du sort tragique d'un des personnages qui choisira le Dr Petiot de sinistre mémoire pour tenter de s'enfuir, mais encore une fois, les auteurs ont pensé, à juste titre, que la suggestion est beaucoup plus puissante que l'étalage des brutalités et des souffrances.

L'album est, comme le relève mon ami Shelton dans son excellente critique, plutôt centré sur les réactions psychologiques des personnages face à cette abomination qu'est la déportation. Chacun a toujours le pouvoir de dire non et de garder sa dignité d'homme, mais il y a toujours un prix à payer, et pour certains, il est élevé, très élevé.

Il y a les salauds, ceux qui dès que le vent tourne, se font passer pour des résistants et des héros, alors que lors des événements ils se comportèrent de façon ignoble.

Il y a aussi le personnage émouvant de Walter, le soldat allemand fin et délicat, qui n'aspire qu'à la paix et qui finira dans un camp avec une étoile rose. Touchant Walter, qui nous rappelle le sort que réservait le troisième reich aux homosexuels...

Une œuvre magistrale, de très grande qualité.

Le rat des champs - - 74 ans - 5 septembre 2009