Secrets : Pâques avant les rameaux
de Frank Giroud (Scénario), Virginie Greiner (Scénario), Marianne Duvivier (Dessin)

critiqué par Shelton, le 1 septembre 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
A en pleurer... d'émotion !
Pour les connaisseurs, nous revoici dans la collection spéciale de Frank Giroud, « Secrets ». Chaque famille a ses secrets et, parfois, ils font souffrir tous les membres de la famille qui ne savent pas comment sortir de cette spirale du secret, du mensonge, de l’hypocrisie… Frank Giroud et Marianne Duvivier avaient inauguré cette collection avec une histoire terriblement humaine et tragique, L’écharde, récit qui m’avait conquis et m’avait donné envie de rencontrer Marianne ce que j’avais pu faire lors du festival d’Angoulême. La rencontre m’avait permis de constater la qualité de cette femme toute en subtilité, en humanisme, en profondeur… une très grande rencontre… j’attendais donc avec impatience cette nouveauté…

Premier plaisir de lecteur, c’est une histoire d’un seul tenant, un one-shot comme on dit de nos jours. C’est toujours mieux que d’attendre longtemps la suite d’un récit… On oublie le début, l’envie de la suite s’estompe et on est condamné soit à tout relire à chaque parution – mais ça peut prendre du temps – soit tout oublier et rejeter cette série aux oubliettes ce que le travail de ces deux auteurs ne mérite absolument pas… cette fois, donc, pas de soucis, la livraison des plus de cent pages vous donnera tout le destin entier des personnages, de cette Suzanne en particulier…

Une Suzanne qui a tout oublié, qui ne dit plus rien, qui est comme absente du monde des vivants… Ce refus de vivre est certainement le fruit d’une souffrance, le résultat d’un incident de vie incroyable, mais il convient de ne plus en parler… Le calme de la famille en dépend…

Qui peut être à l’abri d’un retour à la réalité ? Personne, d’ailleurs il suffit d’un nouvel incident, d’une nouvelle rupture du train-train quotidien, d’un accident pour que la mémoire de Suzanne se remette en route… En route, oui, mais vers quelle destinée ?

Suzanne va redécouvrir sa vie, ses choix, ses jours heureux et ceux qui le furent moins… Elle va se voir révéler, par elle-même, par sa mémoire retrouvée, le secret qui a tout provoqué dans cette famille qui voulait tout oublier…

Le drame est total et le silence de certains personnages n’est là que pour les protéger, du moins c’est qu’ils pensent, ou pour les faire dépérir… « Oui… le silence. C’est le silence qui tue… » et vous devrez découvrir seuls ce secret qui a failli emporter une famille entière dans la tombe… Je ne veux pas vous détruire la lecture en vous en disant trop…

Un scénario presque parfait, une histoire écrite par Franck Giroud et Virginie Greiner, une petite nouvelle dans ce milieu de la bédé. Une narration graphique parfaite et si touchante qu’elle me refait pleurer rien qu’en feuilletant l’album sans lire les textes… Le dessin de Marianne Duvivier est particulier. Ce n’est ni du réalisme ni rien de ressemblant à ce que vous connaissez. C’est le sien… Il est plein d’émotion, plein d’humanisme et de douceur. Ses visages sont expressifs et je pense que c’est dans ce registre qu’elle atteint des sommets alors qu’au premier regard vous vous dites que c’est banal… puis, d’un seul coup vous comprenez que par les visages, elle vous raconte tout, encore plus fort que tout ce que vous connaissiez avant…

Merci ! Mille fois merci ! On a envie de mettre 36 étoiles...
Un choc... 10 étoiles

Un électrochoc. Je n'avais pas osé critiquer cette bédé, tellement elle m'avait remué de fond en comble. Les mots me manquaient et je craignais de ne pas rendre justice à cette pure merveille. L'expression "Pâques avant les Rameaux" se dit de ces femmes qui se retrouvent enceintes avant de se marier, mais n'est-ce que cela le secret de Suzanne? Si elle a préféré sombrer dans la folie, tellement plus confortable que la vérité et que la confrontation à ce milieu minable de petits bourgeois, si prompts à juger du haut de leur petitesse tout ce qui les dépasse, c'est qu'il y a plus, bien plus que ça, plus horrible, plus noir, plus inavouable.

Que dire de plus que mon ami Shelton? C'est de l'art, du grand art, à tout point de vue. Frank Giroud est parfait, mais ça devient un truisme de le dire.

Quant à Marianne Duvivier, elle prend place, j'ose le dire, parmi les plus grands, avec un dessin à la fois juste, beau et terriblement expressif. Son travail est particulièrement mis en valeur par ce scénario époustouflant. Du génie.

Le rat des champs - - 74 ans - 1 septembre 2009