Construire un feu
de Christophe Chabouté

critiqué par Dirlandaise, le 30 août 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Un ennemi impitoyable
Nous sommes en 1896 dans la région du Klondike au nord du Canada. De riches gisements aurifères ont été découverts, attirant des milliers d’apprentis aventuriers dans ces contrés sauvages. Un homme et son chien marchent dans la forêt. Le froid est mordant. L’homme se dirige vers une ancienne mine où se trouvent déjà ses compagnons. Eux sont arrivés de la région de l’Indian Creek alors que lui fait le grand tour pour s’assurer des possibilités de se fournir en rondins au printemps sur les îles du Yukon. La température est d’environ quarante-cinq degrés sous zéro. L’homme espère atteindre le camp vers six heures du soir mais il doit lutter contre un ennemi impitoyable : le froid. De plus, la traversée de la rivière est dangereuse car quiconque se mouille les pieds ou les mains par un froid pareil est en danger de mort à moins de réussir à faire un feu.

Cette bande dessinée est une adaptation de la nouvelle de Jack London. Les dessins sont magnifiques. Chabouté y a ajouté un peu de couleur cette fois : du brun, du gris et du rouge pour le feu. Mais ce qui domine dans cet album, c’est bien sûr le blanc, ce blanc qui recouvre tout et qui contraste avec la noirceur des conifères. Il fait si froid que le crachat de l’homme gèle avant de se rendre au sol. Chabouté exprime avec ses dessins toute la solitude, la détresse, l’isolement, la rudesse et la sauvage beauté de cette contrée austère et livrée au grand froid du Nord. L’être humain et la bête sont confrontés à cette immensité, à cette nature hostile et impitoyable qui ne pardonne aucune erreur et aucune imprudence. Et surtout, il y a le feu, ce sauveur de vie, cet élément réconfortant qui seul peut assurer la survie de l’humain dans ce désert glacé. Mais le feu est difficile à obtenir surtout quand on a les mains et les doigts complètement gelés. Il ne faut pas rater son coup car le froid est un ennemi sournois et dangereux qui ne met pas beaucoup de temps à se saisir de sa proie.

Une histoire magnifique bien servie par les dessins sublimes et très vivants de Chabouté. Encore une fois, je suis impressionnée par tant de talent et de maîtrise. Plusieurs pages sont muettes mais nul besoin de beaucoup de textes car Chabouté sait mieux que quiconque tout exprimer par le biais de ses dessins si pleins d’émotions et de réalisme. Une autre belle réussite pour mon auteur de bd préféré.

« Mon pauvre ami… tu ne sais rien du froid… Le chien lui, le connaît bien… il sait… tous ses ancêtres l’ont connu… et lui a bien hérité de cette connaissance… Il sait qu’il faut s’abriter… mais il ne fera pas d’efforts pour te communiquer son appréhension… il ne se soucie nullement de ton bien-être… Il regrette le feu et sa chaleur bienfaisante… mais pour lui tu n’es que le maître qui menace, réprimande et vocifère… C’est pour cela et uniquement pour cela qu’il te suit… c’est cette soumission qui le fait marcher dans tes talons… »
Brrrr !!!! 8 étoiles

Bédé très éloquente sur les pérégrinations d'un homme au coeur du désert blanc. Accompagné de son chien, cet homme pris dans le froid ne se résigne pas face à ce froid sibérien. Difficile de ne pas attraper froid dans le dos. Les dessins sont superbement mis au service de l'histoire, qui pour moi européen, me rappellent ces hivers rêvés du grand nord canadien. Superbe.

Hexagone - - 53 ans - 12 avril 2010