Notre part des ténèbres
de Gérard Mordillat

critiqué par Le rat des champs, le 25 août 2009
( - 74 ans)


La note:  étoiles
Congelons-les, Camarade !!!!
La firme "Mondial Laser" qui fabrique des instruments de précision, bien que bénéficiaire, est vendue à un groupe de New Delhi, qui ferme l'entreprise pour la délocaliser en Inde, pour le plus grand bénéfice financier des actionnaires. Comme le personnel occupe l'usine, on envoie des gros bras armés de barres de fer pour y mettre le feu et chasser les grévistes. Expulsés, humiliés et sans emploi, Gary et ses collègues réussissent à s'emparer du bateau "le Nausicaa" où les voyous de la finance fêtent, une nuit de Saint Sylvestre, les millions engrangés et la plus-value de leurs actions. Et ensuite, cap vers le pôle Nord, avec les banquiers, les actionnaires vêtus de leur costume de bal costumé. Tout le personnel du bateau, y compris les musiciens de l'orchestre, est remplacé par des anciens employés de Mondial Laser.

Ces gens vont connaître la peur, le froid, la faim qu'ils infligent aux ouvriers de l'entreprise, juste retour des choses selon Gary et ses acolytes. Gary se considère comme en guerre. C'est en effet la lutte des classes, éternelle, entre un patronat qui ne songe qu'à augmenter ses bénéfices pourtant plantureux quel que soit le prix social, et les victimes, dépossédées de leur dignité. Gary est un terroriste assumé et revendiqué, mais qui considère qu'il ne fait que riposter à la violence qui lui est faite. Son comportement est répréhensible et condamné par la loi, et il le sait très bien, mais sa colère surpasse tout, y compris les valeurs morales auxquelles il a adhéré toute sa vie.

Il va de soi qu'un tel scénario relève de l'improbable, puisque chacun sait que les pédégés et les super-patrons sont avant tout préoccupés du bien-être de leur personnel et qu'ils sont moralement incapables de telles bassesses pour de vulgaires raisons de pognon.

On est donc dans un thriller admirablement construit, qui exprime avec beaucoup de force la révolte de l'auteur face aux agissements des patrons-requins. Si Zola vivait de nos jours, il aurait peut-être écrit "Notre part des ténèbres".

Ce livre de l'excellent Mordillat, bien connu pour les études historiques passionnantes qu'il a réalisées avec Jérôme Prieur sur Jésus et les débuts du christianisme, est en tous cas passionnant et actuel.