La grande patience, tome 2: Celui qui voulait voir la mer
de Bernard Clavel

critiqué par Megamousse, le 11 août 2009
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Un roman bon comme du bon pain
Celui qui voulait voir la mer a été écrit par Bernard Clavel, écrivain français contemporain, né dans les années 20. Cet auteur est à l'origine de plusieurs dizaines de romans, il s'est aussi aventuré vers l'ouvrage pour enfants. Ce qui le caractérise à mon sens, c'est son style à la fois très soigné, mais digeste, précis mais sans fioritures. Clavel, issu d'un milieu modeste, relève avec brio (avec qui?) le pari d'être simple et classe à la fois. Ah oui, petite précision, Celui qui voulait voir la mer est en fait le second volet d'une fresque en trois tomes, appelée La grande patience, et qui est au passage largement auto-biographique, même si cela n'est pas dit explicitement. Aucun problème cependant à ne pas avoir lu ni le tome I ni le tome III. C'est un roman tout ce qu'il y a de plus "autonome".

Bon, alors je le dis sans détour: j'ai kiffé. Pour vous dire, j'ai englouti ce (petit) pavé en un peu plus de trois semaines, ce qui n'est pas une petite performance pour moi. L'histoire est assez simple. Une famille recomposée moyenne, dans un bled paumé du Jura, au tout début de la seconde guerre. Le père, bon fond mais supra-bougon, le fils, bon fond aussi, un peu oisif mais débrouillard comme tout, et surtout la mère - je devrais presque dire la Mère avec un grand "M" - femme entière, anxieuse, car (trop?) investie dans l'amour qu'elle porte à son enfant, son "petit", son "grand" comme elle l'appelle. La mère est le personnage central du récit. Alors que Julien (le fils) revient tout juste d'un apprentissage de boulanger de deux ans, voilà-t-'y pas la guerre qui éclate, la menace germaine qui avance, et les Français qui se barrent vers ce qui deviendra la zone libre après la première capitulation. Les parents, eux, sont des vioques, et n'ont d'autre choix que de rester sur place, à la merci des éventuels bombardements dont tout le monde parle mais que personne ne voit. Julien, lui, a seize ans et ferait bien l'affaire de la Wehrmacht: il est jeune, fort, bref, tout ce qu'il y a de plus mobilisable. Du coup, il doit partir. Et cette exode malheureuse du Fils unique provoque le tourment presque pathologique de la mère (et celui du père, mais d'une manière différente), véritable fil rouge du roman qui est quasiment un huis-clos (puisqu'on ne sort jamais de ce petit village du Jura). On y voit défiler des personnages variés et plus ou moins attachants, des soldats, des déserteurs, des voisins...mais c'est surtout à ce couple de petits vieux qu'on s'attache, au père et à la mère, résistants à la mesure de leurs capacités physiques, mais résistants tout de même.

Ce qui m'a bluffé dans ce bouquin, c'est la justesse des mots, d'une part (mais ça relève du style de l'auteur et je l'ai déjà évoqué au début) et la profondeur des personnages d'autre part. La mère, bien sûr, dont on trouve par alternance qu'elle est fantastique ou qu'elle va trop loin, mais aussi le père, qui ne supporte pas l'idée de montrer ses émotions et se cache derrière une carapace. Carapace en outre, que beaucoup de personnages n'arrivent pas à percer, mais au sujet de laquelle le lecteur, lui, n'est pas dupe. Le fond historique n'est également pas sans intérêt, parce qu'il évoque une partie de la guerre qu'on connaît sans doute moins que les autres, à savoir les premières années, avant la capitulation signée par Pétain, et donc avant l'Occupation allemande. Et puis, ce ne sont pas les bombardements et autres exactions spectaculaires qu'on nous y décrit, mais le quotidien agité d'un village qui n'intéresse pourtant pas spécialement les Allemands. C'est aussi ça la guerre, invisible, mais latente, et pressante.