Démolir Nisard
de Éric Chevillard

critiqué par Nance, le 27 juillet 2009
( - - ans)


La note:  étoiles
Les oiseaux ont été créés dans l'unique but d'éloigner les plumes loin de la main de Nisard
Désiré Nisard doit disparaître ? Le narrateur veut anéantir de l’histoire cet académicien, mort en 1888 et oublié presque aussitôt, par tous les moyens pour l’empêcher de nuire.

« J'entends bien que l'on murmure de-ci de-là - Nisard a tant d'alliés qui s'ignorent ! -, que l'on estime infondées ou excessives certaines de mes attaques et que l'on me croit paranoïaque ou tout au moins délirant comme tendrait à le prouver cette fixation pathologique sur la personne d'un vieux critique littéraire oublié et désormais sans influence. »

Ce livre est vraiment trop bon ! Jubilatoire, bizarre et surréaliste. L’auteur a vraiment laissé libre cours à son imagination. Je suis moi-même une survivante de Nisard, mais on n’a pas besoin d’avoir lu du Nisard pour adorer ce livre, car Il est partout :

« Parmi les magiciens et les sorciers, Nisard est le désenchanteur. [...] Il est encore la souris de votre fromage, le chat de votre souris, le chien de votre chat, et le camion qui écrase votre chien - puis comment mieux nommer le virage où verse votre camion ? Triste litanie du monde avec Nisard. Inévitablement, à un moment ou à un autre, il surgit, fossile qui voudrait influer à nouveau sur le cours de l'évolution, intervenir encore, infléchir la trajectoire de l'émancipation et du progrès, et Louis XIV sera le chef restauré des grands singes. Sourcier qui ne trouvera jamais d'eau que pour arroser Versailles, Nisard. »

« C'est le fond vaseux de toute fontaine. Il y eut Nisard, irrémédiablement. Comment aimer les bancs, sachant que Nisard eut maintes fois l'occasion d'en faire usage ? Ma main caressante dans la fourrure du chat reproduit inévitablement un geste de Nisard. La fraise n'est pas si savoureuse, que goûtait fort Nisard. Je voudrais que s'éteigne maintenant le bon soleil qui réchauffa aussi Nisard - je ne me plongerais pas avec plus de dégoût dans son bain. S'il put s'éprendre d'une Élisabeth, comment ne pas éprouver douloureusement l'émoi amoureux ? Notre innocence rougit à chaque instant de sa grossière expérience des choses. Nisard a tout dévasté sur son passage, les villes et les paysages. S'il a un jour croqué une noisette, comment être attendri encore par l'écureuil ? Il eut froid, il eut faim, raisons pour lesquelles ces sensations nous sont aujourd'hui si pénibles. Nisard esquissa-t-il un seul mouvement que l'on aurait envie de suivre ou d'imiter ? Incarna-t-il autre chose que l'ennui d'être Désiré Nisard définitivement, pour les siècles des siècles ? »

« Bien sûr, ce livre est saturé de Nisard, mais cet excès, on l'aura compris, n'a d'autre but que de provoquer la nausée qui nous en débarrassera, ce vomissement libérateur qui est la saine repartie d'un organisme attaqué dans son principe vital et qui spectaculairement le soulage. »

À bas Nisard !
Qui est stupide ? Nisard ou Chevillard. 1 étoiles

Loin de moi l'idée de démolir Chevillard. Mais j'avoue qu'il m'a fortement déçu avec ce pamphlet. E. Chevillard nous a habitué à des textes plus caustiques, un humour décalé plus fin. Ce livre représente un vide sidéral, une suite d'élucubrations ridicules et enfantines autour d'un personnage devenu dès son décès au XIXème siècle un quidam totalement oublié et depuis longtemps inconnu. Certes, au second degré il existe aujourd'hui encore des milliers de Nisard : politiciens carriéristes prêts à tourner leur veste, hommes de lettres, critiques littéraires réactionnaires, personnages en quête d'honneurs, de postes prestigieux mais à l'apport personnel stérile. Est ce pour autant nécessaire de redonner vie à ce personnage englouti dans l'oubli ? Un pamphlet concerne en général une personnalité connue et d'actualité. C'est donc en se basant principalement sur le dictionnaire en 15 volumes de P. Larousse que notre écrivain tira fléchettes, boulettes en papier maché, vida son encrier et son pistolet à eau sur Nisard, sa vie, son oeuvre. Bref un remplissage de papier destiné sans doute à satisfaire urgemment la demande de production de son éditeur. De ce trio de vaudeville : l'auteur d'abord qui par ses pitreries et perfidies se met en bonne place, Métilde son épouse petit faire valoir du rédacteur, et Nisard pauvre souffre douleur, il ne restera pas plus que de la production de Nisard. De grâce, Chevillard, lorsque la page reste blanche ne vous éreintez pas à la noircir.

Lectio - - 75 ans - 27 mai 2015


Nisard est partout 8 étoiles

Sous des apparences de brûlot intempestif se cache en réalité l’obsession maladive d’un narrateur complètement cinglé. En endossant ce personnage singulier, presque dépourvu de rationnel, Chevillard peut nous époustoufler avec à sa prose truculente. De délire en délire on apprend un peu sur Nisard, on se régale de sarcasme et d’ironie. Les courts chapitres sont reliés par la quête du premier livre de Nisard « Le Convoi de la laitière », dont toutes les copies ont apparemment été détruites par ce dernier…

Du divertissement – intellectuel – de grande qualité.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 31 juillet 2009