Les années 30 furent une période de grande confusion autant qu'une période d'exaltation tant au plan des idées, que dans le domaine des arts ou de la littérature. En toile de fond cependant, la montée des périls totalitaires politiques que furent le fascisme et le communisme.
C'est dans ce contexte que Tarek, le scénariste, place son récit d'espionnage: un espion français cherche à mettre fin aux activités clandestines d'un lord anglais passé au service des nazis...
Si l'histoire est assez originale, son traitement pâtit de plusieurs biais qui la rendent moins intéressante. Tout d'abord, le scénariste instaure un manichéisme de mauvais aloi qui nuit à la crédibilité de l'histoire... les Français sont les gentils via leur agents Marchand, Abdallah et Lattour, intelligents, beaux et tandis que que le camp opposé est composé de traitres ou de brutes épaisses. On sent Tarek très influencé par l'historiographie officielle, ce qui se confirme à la lecture de l'avant-propos et de la bibliographie en fin d'ouvrage...il n'y a pas beaucoup de prise de recul et cela rend cette bande dessinée finalement assez quelconque.
Par ailleurs, il y a quelques incohérences ou imprécisions qui remettent une nouvelle fois en cause la crédibilité du récit: Lord Benton approche les nationalistes syriens afin de leur faire miroiter de l'aide pour leur révolte contre l'occupant français. Je comprends que ceci est une manoeuvre de diversion afin de leur soutirer de l'argent ou des armes... on ne comprend pas trop si c'est l'un ou l'autre, de toute évidence, ça ne peut pas être l'un et l'autre... beaucoup de petits détails de ce genre viennent polluer le récit et rendent la lecture de l'histoire malaisée.
J'ai quant à moi bien apprécié les dessins de Stéphane Perger (que je ne connaissais pas plus que Tarek) et qui s'adaptent assez bien à l'époque et à l'ambiance. Loin de la ligne claire, les contours des personnages et des décors apparaissent de façon assez floue comme pour souligner leur aspect ambigu. La colorisation de l'album est également très réussie avec ces contrastes de gris et noir participant à l'atmosphère assez lugubre de l'ensemble et qui "colle" bien avec le sujet traité. Un bémol cependant sur le lettrage des bulles qui n'est pas très agréable à la lecture.
En conclusion, un assez bon album dont l'originalité aurait pu être principalement sauvée par un traitement plus "objectif" des milieux politiques et du renseignement de l'entre-deux-guerres. Dommage que Tarek tombe trop facilement dans le piège inévitable du manichéisme.
Vince92 - Zürich - 47 ans - 18 mars 2017 |