L'Esclavage en Terre d'Islam
de Malek Chebel

critiqué par Amna abidi, le 27 juin 2009
( - 38 ans)


La note:  étoiles
Esclavage en terre musulmane...
Ces dernières années beaucoup d'historiens comme Olivier Pétré-Grenouilleau ont déploré l'absence cruelle "d'histoire globale" sur l'esclavage ("Les traites négriéres. Essai d’histoire globale", Paris, Gallimard, 2004, 468 p.). Une World History qui inclurait la traite occidentale, celle orientale et le commerce des esclaves Noirs à l'échelle du continent africain (cf. n°154 de la revue Le Débat, mars-avril 2009). Cette remarque lui a valu de s'en expliquer devant les tribunaux...
Moins polémique la "synthèse-enquête" de l'anthropologue Malek Chebel hausse également le ton et pointe du doigt l'absence de réflexion sur l'esclavage en terre d'Islam, parlant d'un "tabou bien gardé"... Il est surprenant de voir cependant que ce livre répond certes à une envie de M. Chebel de parler de l'esclavage en terre musulmane mais aussi de son éditeur qui veut "un document vivant, une enquête de terrain, riche en détails colorés, en rencontres, en discussions. Du vécu. Une enquête aux dimensions planétaires, sérieuse, incontestable" (p.10). Sérieuse? Incontestable?On peut en douter. Surtout quand l'auteur avoue quelques pages plus loin son "implication personnelle, au-delà des besoins de la recherche et de la part de subjectivité qu'elle recèle inévitablement" (p.12). Autrement dit cet ouvrage est le point de vue personnel de Malek Chebel sur l'asservissement des hommes par les musulmans.
Si l'intention de dénonciation de cette enquête est claire, difficile pourtant d'en comprendre la construction : divisée en deux parties et d'un dossier annexe, la première partie de l'ouvrage est intitulé "la doctrine" et en 90 pages l'auteur présente quatorze points sans lien évident. En effet, M. Chebel aborde aussi bien ce que les textes de l'islam disent de l'esclavage, l'asservissement et la sexualité, les routes de l'esclavage, le nombre et le prix des esclaves... On apprend essentiellement que le Coran n'interdit pas l'esclavage mais en condamne la pratique et pousse à l'affranchissement.
La deuxième partie tout aussi confuse est intitulée "Voyage au pays des esclaves", où M. Chebel fait un tour d'horizon de plusieurs lieu où fut pratiqué l'esclavage allant d'Istanbul, au Maghreb en passant par Zanzibar ou Brunei, sans aucune cohérence chronologique. Difficile de comprendre la logique d'une telle démarche.
C'est une partie de l'ouvrage intitulé "Annexes" qui est en fait la plus étonnante dans son contenu. L'auteur y a placé un tas de documents très intéressant certes, mais là encore sans aucune cohérence. On passe en huit point par l'esclavage dans le Coran, encore, à l'esclavage dans la littérature (avec un texte de Tocqueville, un autre de Venture de Paradis...), par les trois codes de l'esclavage en terre musulmane ou encore les lois d'affranchissement en Mauritanie, etc. Et l'enquête se clôt par un appel à la conscience à l'attention des présidents des pays musulmans pour les rappeler au devoir de mémoire et à donc à la reconnaissance de l'esclavage par ces mêmes pays.
Malek Chebel a cependant raison de dénoncer l'exploitation et l'asservissement d'hommes, de femmes et d'enfants dans certains pays musulmans, surtout quand ce sont les dirigeants eux-mêmes qui recourent à ces pratiques odieuses. Le travail de recherche n'a pas vraiment vocation à la dénonciation mais plutôt à l'interrogation et à la compréhension des phénomènes de société, ce qui ne signifie pas la justification d'une pratique aussi intolérable que inhumaine.