Pour le meilleur et pour l'avenir
de Rosalie van Breemen

critiqué par Marchris, le 18 juin 2009
( - 55 ans)


La note:  étoiles
Devenez une vraie « bitch » en deux leçons
Vous connaissez le jeu qui consiste à échanger des livres en laissant l’un des vôtres sur un banc pour prendre celui de quelque autre amateur de lecture, dans un jardin public ? Le hasard a voulu, dernièrement, que je trouve un ouvrage surprenant, d’une dame censée m’apprendre (selon la quatrième de couverture) à divorcer – comment manquer de le lire, quand on n’a jamais songé à se former dans ce domaine ? Cela promettait d’être divertissant, d’autant plus que la formatrice s’avérait l’ex de deux hommes connus, titre de gloire que son respectable éditeur a tenu à mentionner.
Il s’agit de Delon et d’Afflelou, dont « les travers […] sont des information valant de l’or », Van Breemen vous le déclare sans aucune gêne, en s’offrant à apprendre « à chaque femme » (sic) sinon comment attraper de tels maris, du moins comment en divorcer de façon très lucrative, en sachant « avaler des couleuvres pour mieux [leur] faire passer le boa quand vous serez chez le juge », ceci soit dit en « Prologue » - on n’aura pas sitôt fini de se frotter les yeux pour arriver à croire ce qu’on lit, entre deux fous rires. Plus loin, l’auteur précise : « À la base, je suis une gentille », ce dont personne ne saurait douter, surtout au vu des deux préceptes auxquels se résume son art de divorcer : contenir sa hargne jusqu’au tribunal, et prendre « le meilleur » avocat, c’est-à-dire « un qui coûte cher » (p. 117) – celles qui ont acheté le livre doivent se dire que la leçon valait son prix.
En compensation, Van Breemen s’étend sur elle-même, avec beaucoup d’humour involontaire. Elle affirme être « la femme parfaite », ce qui revient, à son sens, à faire beaucoup de jogging pour avoir « de jolies gambettes », à bien cuisiner et à porter des nuisettes affriolantes, outre le fait d’être « une bête de sexe ». « La fellation constitue l’un de mes passe-temps favori » (sic), précise-t-elle, l’autre consistant à dévaliser les boutiques les plus chères – toutes les marques sont citées, Chanel en tête -, car « voir tant d’achats nouveaux est orgasmique » (p. 124).
Pour qui douterait que c’est là le portrait robot de l’épouse idéale, Rosalie explique qu’elle est intelligente aussi, la preuve : elle a eu son bac avec mention, et se garde de l’avouer facilement, préférant « se faire passer » pour « une conne ». Elle précise : « D’une certaine manière, je suis terriblement pudique. Plutôt Q que QI, voilà comment je me présente. » (p.79). Et d’illustrer sa forme de pudeur en racontant que ses vibromasseurs tombent « toujours en panne de piles » juste « au moment crucial », ce qui l’oblige à les recharger en vidant, « vers trois heures du mat’ », les Gameboy de ses enfants (p. 125). À propos, le livre leur est dédié, en attendant que son chiffre de ventes finance les séances de psychothérapie qui risquent de s’imposer – le prochain portera sans doute sur l’art d’être mère.
Quant aux deux « ex-chéris », comme Van Breemen les appelle, le lecteur est censé les trouver impardonnables notamment d’avoir refusé de lire les livres qu’elle préfère, du genre « Be successfull, sois heureux ! » - l’idée ne l’effleure pas que les selfmademen en question ont peut-être réussi entre autres parce qu’ils ne lisaient rien de tel -, de l’avoir trompée malgré tous ses talents, et de lui avoir fait des scandales avant de finir par émettre, chacun à son époque, des doutes sur l’avenir de leur couple. Elle ne les nomme jamais, laissant le lecteur se repérer chronologiquement, et semble les confondre plus ou moins, souffrant d’une forme de myopie qui laisse les lunettiers impuissants, celle propre aux dames très soucieuses de faire alimenter leurs comptes bancaires (au pluriel) et qui se sentent désignées pour les boîtes affichant des soirées « Bitches only ». Par moments, elle y voit un peu plus clair, au point de se demander : « Est-ce que j’aime vraiment ou est-ce mon ego géant qui se sent flatté de sentir que quelqu’un a besoin de moi ? » (p. 189), mais à la différence du lecteur, elle hésite toujours sur la réponse.
Nous sommes donc censés plaindre Van Breemen qui nous raconte ses accès de déprime en disant se sentir « belle dehors et moche dedans » (admirons son style et la justesse involontaire de l’autoportrait), et nous étonner que ses ex aient pu se lasser d’elle, jusqu’aux derniers chapitres où elle nous offre un heureux dénouement en nous racontant ses coucheries récentes et son bonheur « d’avoir trouvé le grand amour : l’amour de soi. » Si vous arrivez à trouver le chapitre où elle a pu en manquer, éclairez-moi.
L’ouvrage regorge de formules encore plus hilarantes, et ne comptant pas le relire (c’était, de fait, ma première expérience du genre Be successfull, sois heureux !, assez dissuasive pour rester la seule), je vous l’offre. Si vous ne voulez pas vous fier au hasard dans un jardin public, je l’enverrai à la première personne qui aura jugé qu’il vaut les frais d’une enveloppe timbrée.