La Grande Muraille : Journal de La Déchirure (1960-1965)
de Henry Bauchau

critiqué par Donatien, le 9 juin 2009
(vilvorde - 81 ans)


La note:  étoiles
Saut dans le temps
Dans l'introduction, Henry Bauchau nous dit avoir entamé ce journal en même temps que son premier roman "La déchirure".
"Ces pages ont été écrites pour accompagner la difficile entreprise d'un premier roman".

Il est étrange de lire la chronique d'une époque donnée après avoir lu celles des années 1997-2001 "Passage de la Bonne Graine " et le dernier volume soit "'Le présent d'incertitude".
Découvrir un homme de 47 ans , grand skieur, après celui de 84 et 89 ans.
Mais déjà, son ton est installé, il note ses lectures, est attentif aux paysages alors que durant cette période il vit en Suisse. C'est pour lui un retour à la prose après une année presque uniquement consacrée à la poésie.
Ses amitiés avec les poètes Pierre-Jean Jouve, Jean Amrouche, la guerre d'Algérie, ses relations familiales , la psychanalyse, la mise en scène de certaines de ses oeuvres, constituent la matière de ces notations et réflexions.
La maladie et le décès de sa mère le marquent profondément. "J'écris tout ceci pour distraire ma pensée et me délivrer de l'angoisse pendant que maman, à la clinique agonise. " "Le visage est celui d'un être épuisé, la tête vacille dans un grand désir de repos, les bras jaunis , ridés, au bout desquels les mains ont l'air d'avoir grandi".

J'apprécie particulièrement ses courtes appréciations sur les livres qu'il lit. "Dans mon appétit de lecture, il y a un besoin d'évasion". Il enrichit également son journal de citations comme : "Ce qui ne veut que luire n'éclaire pas (Heidegger).
"Qui n'a pas de complaisance pour ses propres pensées n'en a aussi pour personne. Aussi chacun n'a-t-il à détrôner d'important que soi-même.".

Bref, ces journaux sont un bonheur pour qui aiment le compagnonnage des artistes sensibles et clairvoyants. Il me reste à trouver le chaînon-manquant soit , "le Journal d'Antigone". J'en ai l'eau à la bouche.

A savourer!
Porte entrouverte 8 étoiles

Depuis que j'ai découvert Henry Bauchau, je parcours son oeuvre jusqu'à plus soif, j'ai ainsi enchaîné "La déchirure" et ce journal écrit parallèlement à la rédaction de ce roman.

Comme il est poignant de découvrir le parcours créatif de l'écrivain, les questions qu'il se pose, ses doutes, ses incertitudes, ses moments de joie, de plénitude.

Pour Henry Bauchau écrire est un acte thérapeutique et qui le lit attentivement peut découvrir l'intime de cet écrivain...

On tremble avec lui, on respire avec lui sur ce chemin de création.

J'ai l'âge auquel il a écrit ces mots et suis particulièrement sensible aux moments où il fait le bilan.

Merveilleux Henry Bauchau, votre travail d'écriture nous laisse un legs émouvant où plus d'un lecteur trouvera une nourriture fécondante.

Bafie - - 62 ans - 8 mars 2014


Gratitude 9 étoiles

Les premières pages m’ont chavirée. Je n’étais alors plus que doutes et questions. Angoisse.
J’ai replacé le livre sur son étagère. Saine volonté d’oubli. Ce n’était pas le bon moment.
Coïncidence et humour : c’est au retour du voyage en Chine de mon fils que j’ai ouvert à nouveau La grande muraille – journal de La déchirure (1960-1965). Un peu plus loin sur le fil de ma vie.
Depuis, je mordille, je grignote, j’en reprends avec lenteur. Avidité sage.
Surtout en laisser. En laisser toujours. Surtout préserver un encore, un après. Temps sans prise, plaisir continu.
J’aime cette écriture simple et profonde. Ample et définitivement poétique. Cette langue qui s’adresse en multiples résonances à nos univers spirituels.
Merci pour ces joies et ces inspirations infinies.
Lecture. Relecture. Ne cessent.

Boudhakah - - 67 ans - 23 avril 2012