Pâques
de August Strindberg

critiqué par Dirlandaise, le 31 mai 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Le bonheur... timide rayon de soleil vite enfui !
Magnifique pièce de théâtre en trois actes écrites en 1900, donc postérieure à la crise relatée dans « Inferno » et contemporaine de « La danse de mort » rédigée la même année. Elle relate l’histoire de la famille Heyst déchirée par de nombreux drames. Le père est emprisonné pour fraude et détournement de fonds. La fille Éléonora internée, souffre d’une maladie mentale qui la pousse à commettre des actes qui pourraient lui valoir la prison également. Le fils aîné Elis, professeur de lycée, doit subvenir seul au besoin de la famille avec son maigre salaire. Fiancé à Katrina, il espère l’épouser prochainement si ses économies le lui permettent. Il y a aussi Benjamin, un lycéen qui loge chez la famille et Petrus, un linguiste, ami et ancien élève d’Elis. Pour terminer le tableau, l’ombre menaçante de Lindquist, le créancier de la famille, plane sur ce petit monde. En effet, la famille doit beaucoup d’argent à Lindquist et celui-ci peut les mettre à la rue du jour au lendemain. On le craint donc énormément et on redoute sa venue tout au long de la pièce. J'oubliais le personnage de la mère, plutôt effacé mais qui supporte courageusement tout sur ses frêles épaules, suscitant l’admiration de son fils Elis.

Voilà le genre d’univers strindberguien typique. Pas de bonheur en vue, rien que du malheur et de la souffrance. Mais dans cet enfer, il y a les fleurs… En effet, Strindberg a l’habitude de fleurir ses drames. Les fleurs étaient ce qu’il trouvait de plus beau en ce monde et il n’a eu de cesse de le proclamer encore et encore dans ses écrits. Curieusement, cette pièce très sombre se termine sur une éclaircie et le bonheur, tout comme le soleil printanier, montre timidement le bout de son nez. Mais comme il est mentionné si judicieusement dans la préface : « Avec Strindberg, le bonheur ne dure jamais longtemps ».

Le thème du créancier qui tient le destin d’une famille entre ses mains est aussi typique de l’œuvre de Strindberg. Il aime bien ce genre de personnage sombre, menaçant, qui reste dans l’ombre et qui rôde autour de ses proies pour finalement apparaître au dernier acte et refermer ses crocs sur ses victimes terrifiées et vaincues.

Cette pièce est empreinte de religiosité et de symbolisme. Sa lecture m’a touchée et j’y ai décelé un cri du cœur de l’auteur, un appel au secours, une plainte sourde qui ne m’a pas laissée indifférente. Je l’ai compris comme je le comprends dans ses autres écrits et je le rejoins dans sa souffrance et son mal de vivre. Cette pièce est très sombre mais en même temps lumineuse, remplie d’espoir et d’optimisme malgré tout. Le bonheur y apparaît aussi fugitivement qu’un rayon de soleil qui vient caresser de sa chaleur ceux qui s’aiment mais repart aussi vite qu’il était venu.

« (Benjamin) C’est bizarre qu’on ne m’ait pas parlé de toi ! — (Éléonora) Les morts, on n’en parle jamais ! »

« Tu entends le chant des fils téléphoniques…le beau cuivre rouge et tendre ne supporte pas les mots durs… quand les hommes disent du mal les uns des autres, le cuivre se lamente et accuse… et sur le livre chaque mot sera inscrit… et à la fin des temps il faudra régler la note. »

« Regarde vers l’avenir Elis ! Vers l’avenir ! — Il y fait plus clair ? — Essayons de nous en persuader ! »

« Comme il fait froid, tout d’un coup ! La haine s’est installée dans cette maison ! Tant qu’il y avait de l’amour, on pouvait tout supporter, mais maintenant, comme il fait froid ! »