Du côté des Bordes
de Henri Vincenot

critiqué par Hexagone, le 27 mai 2009
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Du côté du pays où les hommes vivent.
Une Borde, est de par chez nous, une petite exploitation agricole, a priori à l'écart du bourg. C'est dans l'une de ces fermes que Vincenot place son récit, il relate la vie d'un commis de ferme. Valeureux, courageux, ne posant pas le manche après la cognée. Satisfait de son état, plein d'allégresse, François évolue au sein d'une famille agricole qui l'a recueilli, étant d'état orphelin. Les travaux vont bon train, mais nous sommes en 1940. Les jeunes conscrits, ces fils de famille, partent vers l'inconnu. Puis l'armée d'occupation vient prendre ses quartiers dans le village et la borde. La cohabitation se passe plutôt bien, et là se trouve le talent de Vincenot. C'est qu'au sein de ces espaces bourguignons, il va placer une histoire d'hommes et de femmes, dépliant méticuleusement les caractères des uns et des autres, comme un papillon ses ailes en sortant du cocon. Car cette occupation va faire sortir les uns et les autres de leur chrysalide, les révéler. Les maîtres, les serviteurs, les soldats, les femmes, la cohabitation de ce beau monde va mettre en action des événements impensables à l'aube de la guerre. Tel cet homme prêt à manger son chapeau pour sauver son fils, telle cette fille papillonnante devenue grosse d'un allemand. Bref une belle histoire de terre, d'hommes, sans manichéisme de la part de l'auteur. Il y a des bons et des salauds des deux côtés. La gageure du livre était de tracer le trait complaisant d'une armée d'occupation sans verser dans la collaboration. Vincenot y parvient, la Bourgogne offrant un cadre de répit aux âmes mises à mal par la guerre. Une parenthèse qu'ouvre Vincenot pour nous dire à plusieurs reprises que les hommes restent ce qu'ils sont, les instruments de leviers plus puissants qu'eux, et que parfois un cadre, une rencontre, une circonstance peuvent changer le regard de manière définitive. Encore faut-il avoir le privilège de pouvoir les vivre. Du côté des bordes est l'un des premiers livres de Vincenot, qui trace là le sillon qu'on lui connaît et qu'il ne fera qu'approfondir au cours de son oeuvre. Ironie du sort, ce livre fut édité à titre posthume. Merci Monsieur Vincenot de nous avoir offert des livres où les hommes ont le front haut, l'immense richesse de cette dimension que nous avons égarée sur la route du progrès : le bon sens. Un livre plein d'humanité.
C'est la vie... 8 étoiles

Henri Vincenot, selon les dires de sa propre fille en préface de « Du côté des Bordes », aura écrit trois volumes sur la période de l'occupation, avec « le livre de raison de Claude Bourguignon », écrit en 1942 et publié en 1953 suivi de « Walter, ce boche mon ami », publié en 1954…
« Du côté des Bordes », son premier roman écrit en 1941 ne sera publié qu'en 1998, sept ans après sa mort…
Nous sommes en 1940, à la ferme de la Belle-Maria, en Côte-d'Or. Vivent là les fermiers, Ernest et sa femme, morts d'angoisse sans nouvelles de leur fils parti au front. Vivent également là deux « domestiques de culture » (des garçons de ferme : le Vatican et François Charmot, le narrateur réformé) et la belle Sidonie.
Comme chacun le sait, l'affrontement sera de courte durée entre les belligérants et jettera toute une population sur les routes, accompagnée d'éléments de l'armée française en déroute… Viendra l'armée d'occupation qui occupera fermes et châteaux ; et bien entendu la ferme de la Belle-Maria…qui sera bien obligée d'accueillir le châtelain, propriétaire, avec femme et enfants.
Henri Vincenot écrivit ce premier roman en 1941 : une chronique douce-amère retraçant les premiers temps de l'occupation en Bourgogne ; douce par les évocations d'une nature généreuse entre Morvan et les Côtes, et amère par la démonstration d'une nature humaine capable du meilleur comme du pire…
Du fermier prêt à tout pour tirer son fils du stalag ou il est prisonnier à la malheureuse qui « fricote » déjà avec l'occupant, de la naissance du marché noir jusqu'aux premiers signes de révolte en passant par l'occupant « pas si mal élevé » que ça, Henri Vincenot nous peint une galerie de portraits tous plus plausibles les uns que les autres, dans une France en manque de bras pour les travaux des champs.
Ajoutons à cela une ode à la terre nourricière… A la Bourgogne. Un ouvrage à conseiller à tout celui qui a connu l'odeur du foin qu'on rentre dans la touffeur d'un été… même en temps de paix.

Lecassin - Saint Médard en Jalles - 68 ans - 3 janvier 2013