Créanciers
de August Strindberg

critiqué par Dirlandaise, le 12 mai 2009
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Quand vient le temps de payer la note...
Pièce de théâtre en un acte écrite en 1888. Strindberg met en scène un couple à la mode en la personne d’Adolphe et de Tekla. Adolphe est peintre et sculpteur alors que la jeune femme est écrivaine. Le couple est très épris l’un de l’autre mais Tekla est volage et vogue de conquêtes en conquêtes. Adolphe est le deuxième époux de Tekla. Il n’a jamais rencontré le premier mari de sa femme et n’est pas intéressé à le connaître. Il a tout appris à sa charmante épouse, il lui a tout donné. Elle qui ne savait même pas écrire sans fautes a bénéficié des enseignements d’Adolphe et de sa bonté. Il l’a aidée dans sa carrière d’écrivain en l’introduisant dans plusieurs cercles littéraires. Il l’a mise à la mode en la peignant sans cesse dans ses tableaux. Adolphe est un homme vidé. Il a tout donné à sa femme et sa carrière est sur le déclin alors que celle de Tekla explose. Mais Tekla ne sait pas encore qu’Adolphe est son créancier et que l’heure des comptes approche. De même, le premier mari de Tekla, Gustave, refait surface et lui aussi présente sa note…

Une pièce dramatique et terrible où le destin des uns et des autres est lié inexorablement par ce qu’ils se sont donnés et pris. Ici, la femme est décrite par Strindberg encore une fois comme rouée, volage, vampire de son mari, prête à tout prendre sans rien donner, profiteuse mais aussi amoureuse et toute dévouée à son époux malade. Adolphe est le mari exploité, ridiculisé, abêti par son amour aveugle envers sa jeune et belle épouse. Elle fait ce qu’elle veut de lui et le mène par le bout du nez. Il l’adule, ne peut vivre sans elle, lui voue un véritable culte dont elle profite impunément. Mais le passé encore une fois refait surface en la personne du premier mari de Tekla qui viendra reprendre ce que sa volage épouse lui a volé : son honneur.

On ne peut échapper à nos créanciers et ils finissent toujours par nous rattraper quoiqu’on fasse. Telle est la morale de cette pièce où l’amour et le mariage sont au centre du drame qui se joue et dont les personnages ne sortiront pas indemnes. C’est beau, c’est grand, c’est Strindberg à son meilleur !

« Et ils font vœu de chasteté — ils jouent à cache-cache, mais pour finir par se retrouver dans un coin sombre où ils seront sûrs de ne pas être vus. Mais ils ont au fond d’eux-mêmes l’impression que quelqu’un continue de les voir à travers les ténèbres ; ils ont peur et parce qu’ils ont peur, la silhouette de l’absent leur apparaît comme un spectre — elle grandit, se transforme ; le spectre est bientôt le cauchemar qui trouble leur sommeil amoureux, le créancier qui frappe aux portes ; »

« Voyez-vous cet athée qui conserve la culte de la femme ! Ce libre-penseur incapable de penser librement sur les femmes ! Sais-tu ce qu’il y a de tellement insondable, de mystérieux, de profond chez ton épouse ? Sa bêtise, tout simplement. »