Des femmes bien informées
de Carlo Fruttero

critiqué par Gilles1949, le 10 mai 2009
( - 75 ans)


La note:  étoiles
Agréable et amusant.
Carlo Fruttero est un écrivain italien, né en 1926; il a donc plus de 80 ans. Quatre-vingt ans et je ne le connaissais pas et je n'avais rien lu de lui; vous m'en voyez honteux. Il a écrit plusieurs romans en partenariat avec Franco Luccentini; suite à la disparition de ce dernier, il nous offre avec Des femmes bien informées son premier roman en solo.

Des femmes bien informées c'est près de 250 pages de plaisir; je me suis senti, en le lisant, comme je me sens lorsque je passe une soirée agréable, en compagnie de personnes charmantes, à partager un bon repas et des discussions amusantes.

Il y a une histoire et elle est suffisamment intéressante pour nous amener à essayer de deviner qui a tué la jeune prostituée roumaine dont le cadavre a été découvert dans un fossé, près de Turin. L'enquête policière piétine et le livre donne la parole à huit femmes qui sont, chacune, mêlées de près ou de loin à ce meurtre. Plein de suspects donc.

Les chapitres sont courts et les huit femmes y prennent la parole à tour de rôle : la surveillante-chef en premier, puis la serveuse suivie de la carabinière, de la fille, etc. Ainsi, au début de chaque chapitre il faut faire l'exercice mental de ne plus écouter l'une mais l'autre ce qui ajoute au plaisir de la lecture.

Certaines « tournures de phrases » sont originales, comme : "Cela, parce que 1) pour peu qu'on soit au courant […] Et puis, 2) l'exemple vient d'en haut […]"; on retrouve souvent, aussi, la tournure : "Il y avait les miennes, de traces, et celles de la fille au lapin […]". Et ne vous inquiétez pas en voyant l'expression "tous azimuts" trois fois dans les neuf premières pages – ce n'est que chose de peu d'importance et ça ne gâche en rien le plaisir.

Le contexte économique, le climat politique, les canadiens de Montréal, les conflits en Irak et en Afghanistan vous désolent? Alors, procurez-vous sans tarder le dernier roman de Fruttero : vous allez beaucoup sourire et probablement même rire à certains moments. Et, comme moi, vous allez beaucoup aimer la serveuse et serez incapables de lire, sans rire un bon coup, le chapitre où elle envoie, un derrière l'autre, des courriels à son chéri.

Le roman débute ainsi :

La surveillante-chef

Oui, en pratique, c'est moi qui ai découvert le corps de cette femme dans le fossé et qui ai appelé les carabiniers, de mon portable, sans y réfléchir à deux fois. Qu'est-ce que je pouvais faire, rentrer tranquillement chez moi, me préparer un café et ne plus y penser, je n'ai rien vu, ce ne sont pas mes affaires, et la putain, quelqu'un d'autre la trouvera?

Je n'ai pas cette mentalité, sans compter que dans mon métier de surveillante-chef, je suis aimablement priée de toujours garder les yeux bien ouverts tous azimuts. Cesare, mon mari, ce n'est pas qu'il m'ait vraiment crié dessus, mais il est du genre à dire et à répéter – comme il l'a fait encore cette fois-ci – qu'il y a des choses dont il vaut toujours mieux rester à bonne distance, que tout ça est un monde dangereux, drogue, esclaves du sexe, maquereaux, clandestins de toutes races, et que pour peu qu'on mette un doigt dans l'engrenage, on ne sait jamais comment ça va finir. Un minimum de prudence, de bon sens, selon lui. Un maximum de trouille, selon moi, parce que Cesare est un trouillard, un gros lâche, j'en ai fait l'expérience mille fois. D'ailleurs, tous les hommes sont grosso modo comme lui : pas d'ennuis, par pitié, pas de complications. […]