Mon jardin et autres histoires naturelles
de August Strindberg

critiqué par Dirlandaise, le 10 mai 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Petit manuel strindberguien de chasse, de pêche et d'horticulture.
August Strindberg a écrit ce livre en 1888 essentiellement dans un but alimentaire. Il range donc sa hargne et son dégoût de la société pour devenir tout doux et adopter le ton badin et intimiste de la conversation entre amis. Ce livre reçoit d’ailleurs un accueil des plus favorables autant du côté de la critique qui parle de poèmes en prose, que de celui du public. Mais Strindberg déteste devoir écrire ce livre. Il le qualifie même de mineur et de « livre de merde sur la pêche à la ligne, la chasse, le jardinage, etc. ». C’est dire à quel point mon écrivain bien-aimé souffrait de sa dépendance à l’égard de son public et de son éditeur.

Donc, dans ce recueil de sept courtes nouvelles, Strindberg nous entretient de ses expériences de chasse, nous donne des conseils sur l’art de la pêche à la perche et sur la façon d’entretenir et de cultiver son jardin. Dans la nouvelle intitulée « Les secrets des fleurs», il s’interroge sur la signification des différentes couleurs affichées par les fleurs et essaient de trouver un fil conducteur à ce mystère. Il faut souligner que Strindberg adorait les plantes et les fleurs en particulier donc dans cette nouvelle, son amour transparaît mais aussi son immense curiosité de tout ce qui existe sur la terre. Le cerveau de cet homme était en constante ébullition et il voulait tout savoir, tout expliquer, tout observer de près, tout décortiquer. Je crois que le grand écrivain trouvait beaucoup de consolation et de réconfort auprès de la nature.

C’est donc écrit sur un ton badin, primesautier et parfois d’une irrésistible drôlerie. J’ai beaucoup aimé cette autre facette de Strindberg qu’il nous dévoile dans ce livre avec encore une fois beaucoup de sincérité dans le ton et dans les faits relatés. Les derniers paragraphes de la nouvelle « L’art de la pêche à la ligne » sont d’une beauté à couper le souffle. L’écrivain nous offre une belle description d’une fin de journée avec un coucher de soleil sublime et d’une incomparable poésie. Un amour de la nature qui rend l’homme encore plus cher à mes yeux car nous partageons cet amour comme bien d’autres passions. Nous sommes semblables en bien des points et je regrette amèrement qu’il ait vécu à une époque autre que la mienne…

Ce livre s’adresse aux amoureux de Strindberg. Le ton intimiste est savoureux et d’une émouvante tendresse. Il faut aimer l’homme mais aussi l’horticulture car on a droit à un véritable cours dispensé gracieusement par l’auteur. Cela ne plaira pas à tous les lecteurs mais moi, j’ai savouré et j’en redemande.

« Accroche un ver à l’hameçon, sans états d’âme : le système nerveux du ver est si peu développé que sa douleur ne peut pas être comparée à la tienne dans une situation identique, et ses cent cinquante anneaux peuvent être considérés comme autant d’individus. S’il se rompt au milieu, console-toi en pensant que voilà deux créatures au lieu d’une. »

« Alors commença cette marche singulière, en rond, comme celle d’un voilier dans la brume (…). La nature peut-être charmante, mais lorsqu’elle se montre menaçante, dangereuse, impassible, elle fait peur. »

« Il en est avec la chenille du chou comme avec les péchés : on les combat, on les combat, et pourtant ils sont toujours là. »

« Les flots érodent avec fracas les falaises et les récifs, le vent bruit dans les hautes bruyères, les corneilles et les corbeaux se dirigent en bandes vers l’intérieur de l’archipel à la recherche d’un arbre pour la nuit. Un brick glisse à l’horizon tel un fantôme ; les phares lancent leurs éclats et le disque lunaire rouge cuivre s’exhausse de l’eau noire. »