La Reine morte
de Henry de Montherlant

critiqué par Pétoman, le 9 décembre 2001
(Tournai - 48 ans)


La note:  étoiles
Tout passe par l'échafaud puis tout casse
Montherlant écrit ici une charmante petite pièce de théâtre sur le pouvoir et la lassitude qu'il entraine... non, une pièce sur toutes les faiblesses du pouvoir et sur ce à quoi il entraine, jusqu'à quelles extrémités son hypocrisie peut aboutir.
Le Roi Ferrante règne sur le Portugal, il a beaucoup de conseillers et a un passé sanguinaire ( comme de nombreux autres rois d'ailleurs ). Son fils Don Pedro, après avoir eu une liaison concubine à la fidèle Inès de Castro, l'épouse en cachette et celle-ci se retrouve enceinte. Cela rend Ferrante furieux, lui qui voulait que son fils épouse l'Infante... que faire alors? Le mieux, ne serait-ce pas de faire assassiner l'Infante, c'est du moins le conseil que l'on donne au Roi, pour que sa postérité soit assurée et synonyme de grandeur. Mais grandeur peut être suivie de décadence...
Une pièce immortelle 8 étoiles

Au crépuscule de sa vie, le roi du Portugal souhaite marier son fils à l'Infante de Navarre. Mais le prince Don Pedro est amoureux d'Inès de Castro qu'il a épousée en secret et dont il attend un enfant.
Le drame, condensé d'un fait historique réel, est posé en deux phrases. Mais la lâcheté stupide du Prince, le cynisme inconstant du Roi, l'assurance hautaine et généreuse de l'Infante et l'optimisme naïf d'Inès se combinent et se croisent en feu d'artifice intense. Les scènes de dialogues où ils s'affrontent deux à deux sont inoubliables, avec des répliques d'anthologie. On trouve la même profondeur philosophique que dans les autres pièces françaises du XXè (Sartre, Giraudoux...).
A lire à voix haute en imaginant la grandeur des personnages si on ne peut pas le voir au théâtre pour mieux ressentir cette langue somptueuse.

Romur - Viroflay - 50 ans - 1 août 2013


Différences du livre d'inspiration 9 étoiles

Inspirée en Luis Vélez de Guevara 1604 (reinar después de su muerte), mais avec des différences, la reine morte nous montre les différences entre le pouvoir et la lassiture:

Pièce espagnole : Pedro veuf d’un premier mariage. Inés et lui ont 2 fils dont l’aîné est un adolescent. Pedro prince accompli sans aucune faiblesse dont Montherlant l’a doué.
Roi hésitant comme dans la pièce française mais sa faiblesse n’est pas dissimulée sur la violence. Les personnages manquent de complexité. La Psychologie conventionnelle, préciosité de l’époque(Góngora)

Pièce Française: Equilibre et rupture, début trop rapide, disproportion observée déjà entre le roi et son fils. Répliques banales de Pedro comme son caractère. Ferrante semble seul sur scène et il parle seul ou presque. Espèce de petit monologue interrompu par un malaise qui présage le dénouement. À la fin de ce 1er Acte nous avons l’équilibre contre deux êtres de la même race et puis le déséquilibre . Tout cela provoque la grandeur de Ferrante et médiocrité de son fils Pedro

Formidable pièce pour y réfléchir. Cela vaut la peine

Morente - Granada - 47 ans - 1 juin 2005


Tradition shakespearienne 8 étoiles

Henry de Montherlant est né un peu avant l’aube du vingtième siècle, en 1895, époque industrielle un peu noire mais encore empreinte de ces rêves de modernisme, de grandeur et d'amélioration sociale. Il est ensuite mobilisé en 1916, à 21 ans. Il reviendra blessé et décoré, mais surtout meurtri et profondément marqué par la grande guerre. Puis vient la seconde guerre mondiale et l’occupation parisienne (sa ville natale) qu'il subit avec un peu moins de fougue et d'engagement que précédemment. D’aucuns lui reprocheront ses textes moins « vaillants ».
C'est dans ce contexte et fort de ses expériences qu’il écrit la Reine Morte en 1942. Tragédie en trois actes dans la plus pure tradition shakespearienne, ce drame est celui de tout monarque qui planifie des alliances et se voit contré !
Le roi Ferrante d’Espagne veut marier son fils à l'Infante de Navarre. Son fils refuse car il en aime une autre. Qu’à cela ne tienne ! Tu épouses l’Infante et tu fais de l’autre ta maîtresse (classique, voulu, demandé, légal, souhaité, applaudit… à l'époque). Euh, oui mais je suis déjà marié avec « l’autre » ! Zut de flûte, avec ce pape qui ne m’aime pas, ce ne sera pas évident de dissoudre ce mariage. Oui mais, je ne veux pas le dissoudre moi !
Je le résume de façon amusante, mais il n'en est rien dans ce texte ou de chaque page coule le sang versé par Ferrante dans sa course au pouvoir. Il est vieux, dans l’antichambre de la mort, mais il est encore fort et ne supporte pas la remise en question. ou alors, par faiblesse passagère. De longs dialogues ou monologues parsèment cette pièce dont la profondeur n'a d'égale que la noirceur. Mais, quelle verve !
Deux petites heures de lecture pour ce chef-d’oeuvre, laissez-vous tenter.

Pendragon - Liernu - 53 ans - 14 octobre 2002


J'ai bien aimé 10 étoiles

La plupart des affections ne sont que des habitudes ou des devoirs qu'on n'a pas le courage de briser C'est la première pièce que j'ai lu de cet auteur, et je l'ai beaucoup apprécié. L'histoire est simple, et l'on a affaire à un roi tourmenté qui finira par l'obliger à commettre un crime. Le roi m'a fait penser un peu à Auguste, dans "Cinna" de Corneille; un passé sanguinaire et le règne tourmenté par des intrigues. Mais à l'inverse de Auguste qui a su accorder sa clémence à Cinna et Emilie, le roi Ferrante a été jusqu'au bout de son intention, avec désinvolture teintée de regrets - mais vain- qui conduisit à la mort de l'Infante.
Outre l'engouement avec lequel on lit cette courte pièce de Montherlant, on peut également relever de forts belles citations. Par exemple: "Un remords vaut mieux qu'une hésitation qui se prolonge." "La plupart des affections ne sont que des habitudes ou des devoirs qu'on n'a pas le courage de briser" "Il est parfois moins admirable d'user de son pouvoir, que de se retenir d'en user." Ou encore don Pedro : "Vouloir définir le roi, c'est vouloir sculpter une statue avec l'eau de mer". .
Par contre, Port-Royal ne m'a pas plu du tout, je ne l'ai même pas fini tant je m'ennuyais, c'était plat, sans relief.

Platonov - Vernon - 40 ans - 3 janvier 2002


Je peux ?... 8 étoiles

Je ne suis pas d'accord avec les mots "charmante petite pièce de théâtre"... On peut dire de Montherlant qu'il écrit bien mais est rasoir, mais on ne peut pas dire que ce qu'il écrit est charmant ! "Debout ! homme, debout ! On est tout le temps à vous relever. Vous êtes tout le temps à genoux, comme les chameaux des Africains, qui s'agenouillent à la porte de chaque ville. Ah ! quand je vois ce peuple d'adorants hébétés, il m'arrive de me dire que le respect est un sentiment horrible."
Charmant ?... Je trouve cette pièce bien plus que cela ! N'hésitez pas à la lire, elle en vaut vraiment la peine !...

Jules - Bruxelles - 79 ans - 14 décembre 2001