Janua vera
de Jean-Philippe Jaworski

critiqué par Pendragon, le 20 avril 2009
(Liernu - 54 ans)


La note:  étoiles
Quand le Moyen-âge s'invite...
Huit nouvelles qui sont tout simplement extraordinaires ! Elles sont toutes fort différentes les unes des autres mais on y sent un Moyen-Âge entièrement et complètement maîtrisé par son auteur ! Que ce soit la petite fille qui rencontre un elfe, que ce soit l’assassin italien dans la splendeur du quattrocento, que ce soit le preux chevalier digne de la geste arthurienne, que ce soit enfin, le brave copiste dans un jour de guigne, toutes ces histoires fleurent incroyablement bon le vécu, le vrai, le réel ! C’est un Moyen-âge riche et dense qui vient frapper à la porte, on y sent toutes les peurs, toutes les superstitions, toutes les croyances d’un peuple dur et fort, de guerriers, de paysans, de clercs, de grands seigneurs ou de petites gens mais qui tous sont profondément enracinés dans leur mode de vie fait de guerre, de crainte de l’au-delà, de dur labeur et de croyances diverses, savant mélange entre l’ancien paganisme et le christianisme.

L’écriture est dense et précise, riche de culture, riche de mots, elle colle avec une précision presque magique avec le texte qui se déroule, elle nous aide à nous projeter au cœur des forêts de chênes et d’hêtres qui jalonnent ces contrées, elle semble toute droite sortie d’un trouvère du temps jadis… chapeau bas !

L’auteur a reçu le prix du Cafard Cosmique 2008, pour ceux qui ne connaissent pas le site (www.cafardcosmique.com), c’est ZE référence en SF et je trouve que ce prix est parfaitement mérité !

Ah oui, je ne résiste pas au plaisir de vous partager une petite phrase : « On se contente de chuchoter, pour répandre l’angoisse comme une contagion de l’âme, pour conjurer la peur individuelle par la peur collective. » Si ce n’est pas tout le Moyen-âge résumé de manière sibylline ça !
Très belle découverte 10 étoiles

Comme les précédentes critiques présentées ici, j'ai également été conquis par l'écriture et l'univers créé par Jaworski. Je félicite en effet l'auteur pour avoir réussi à imaginer huit nouvelles aux tonalités différentes tout en se déroulant dans le même monde et qui, pour ne rien gâcher, sont très bonnes ! Certes, même si j'avais trouvé la première sympathique tout en me faisant penser à du Edgar Allan Poe ou à du Dino Buzzatti dans un univers médiéval elle n'avait pas été non plus un gros coup de cœur mais à partir de Mauvaise donne, difficile dès lors de lâcher ce recueil. La première apparition de Benvenuto Gesufal est tout bonnement excellente et suivre ses (més)aventures, entre tension, action et une pointe d'humour fut fort plaisant.

La suite n'est pas en reste pour autant car Le service des Dames détourne assez habilement les récits de chevalerie tandis qu'Une offrande très précieuse, malgré un dénouement peut-être un peu cliché, a le mérite de présenter un personnage de guerrier bien plus touchant qu'à l'accoutumée. J'ai également été très sensible par la mélancolie qui se dégage du Conte de Suzelle ainsi que par l'humour évidemment de Jour de Guigne et je ne m'attendais pas à frissonner autant avec Un amour dévorant. Même Le confident qui ne propose pas un récit aussi ambitieux que les autres s'en sort bien grâce à sa narration et au petit twist final que je n'avais pas vu venir.

Ajoutons à cela la remarquable cohérence de l'univers du Vieux Royaume qui, petite touche par petite touche au fur et à mesure des nouvelles, en dévoile l'histoire ainsi que sa manière de fonctionner tout en s'intégrant très bien au récit en cours et l'on a ainsi affaire à un ouvrage de fantasy de très bonne qualité soutenant sans problème la comparaison avec les productions anglo-saxonnes. Cet ouvrage a donc été un vrai coup de cœur pour ma part et je suis ravi de savoir que Jaworski n'a pas laissé tombé ses personnages les plus prometteurs car c'est vraiment avec grand plaisir que je les retrouverai pour d'autres péripéties.

Koolasuchus - Laon - 35 ans - 30 juin 2024


Un travail d'enlumineur 8 étoiles

Cela a déjà été dit, mais je le souligne à nouveau : la qualité de l’écriture de Janua Vera tranche singulièrement avec les productions traditionnelles que l’on peut trouver dans le paysage de la Fantaisy anglo-saxonne ou francophone. A ce titre, Janua Vera, du point de vue littéraire, est très largement au-dessus des Chroniques des Crépusculaires d’un Mathieu Gaborit par exemple.

Il y a donc une vraie ambition dans ce recueil de nouvelles. Jean-Philippe Jaworski, tel un tailleur de pierre sculptant les volutes du fronton d’une cathédrale, s’avère être un artisan extrêmement doué, offrant à son lecteur un phrasé ciselé, d’une très grande richesse de vocabulaire, dont le rythme et les effets ont été, de toutes évidences, longuement polis sous le geste délicat de l’écrivain. Cela pourrait parfois un peu trop sentir le labeur ; la fluidité du récit permet cependant d’exposer sans heurt ce minutieux travail d’enlumineur.

Les nouvelles alternent contenus mystiques (Janua Vera, qui donne son nom au recueil) guerriers (Montefellóne), poétiques (Le conte de Suzelle), et même humoristiques (Jour de guigne, très pratchettien). La cohérence du recueil se fait grâce au décor, qui est celui de ce Vieux-Royaume, dont les repères géographiques et historiques nous deviennent peu à peu familiers au fil de la narration, tandis que la chronologie de cet univers progresse en même temps que les textes se succèdent entre eux.

La violence est une des composantes me semble-t-il de l’univers de Janua Vera. Qu’elle soit physique, dans les nouvelles mettant en scène des batailles armées ou des scènes de combat, armes à la main, ou qu’elle soit plus intérieure (Comment Blandin fut perdu, Le confident). Les personnages de Jaworski souffrent, dans un monde souvent dur, cruel, amoral et cynique.

Janua Vera est une lecture que je projetais depuis longtemps ; l’attente ne m’a pas déçu : j’ai été conquis et impressionné par le travail de Jean-Philippe Jaworski.

Fanou03 - * - 49 ans - 12 octobre 2015


Quelle écriture ! 9 étoiles

Si la Fantasy est souvent décriée dans la « littérature », c’est sans compter sur JP Jaworski.
Janua Vera est un recueil de nouvelles se passant dans un monde médiéval imaginaire mais pas de magie à outrance.
L’art de l’auteur, mis à part son écriture envoûtante, est également de nous présenter son monde et son histoire à travers ces nouvelles de façon complètement naturelle, il n’y pas de longueur descriptives inutiles et ce sont les histoires pas la diversité de leurs personnages et des lieux sur lesquels elles se déroulent qui nous amènent toutes les informations dont nous avons besoin sans nous poser de question. Pour les puristes les principales dates et évènements historiques de ce royaume sont consignés en fin de volume.
Je ne referai pas une énième description de ce livre mais chaque nouvelle, même si elles sont parfois inégales, fait vibrer une corde sensible et certaines donnent beaucoup de profondeur aux personnages. Mes nouvelles préférées sont : Mauvaise donne, le Conte de Suzelle et Jour de guigne. Maintenant, je file lire : Gagner la guerre !

MEISATSUKI - - 48 ans - 2 août 2012


Un mauvais titre pour un excellent recueil de nouvelles 9 étoiles

Quelle bonne surprise! Un excellent recueil de nouvelles dans un univers mediéval fantasy (bien que la fantasy soit très peu présente)! Les histoires sont toutes très différentes et j'ai été enthousiasmé, pour des raisons diverses, par chacune d'entre elles à l'exception de la première, Janua vera, qui donne son titre au recueil (mauvais choix!)
Le style de l'auteur est vraiment très riche et extrêmement raffiné, un plaisir (bien que tournant parfois un peu à la démonstration de virtuosité), les intrigues sont très consistantes, seul le dénouement n'est pas toujours à la hauteur pour certaines histoires (mais bon c'est pour chipoter).
Passons les nouvelles une par une :

1) Janua vera : 1/5
Le souverain de Léomance fait de drôles de rêves: que cela signifie-t-il?
Une nouvelle courte et sans grand intérêt dont je n'ai pas bien compris le sens.

2) Mauvaise donne : 4,5/5
Benvenuto est un assassin qui va se retrouver pris dans le tourbillon d'une intrigue politique qui le dépasse.
Il s'agit de la nouvelle principale du recueil. Vraiment très riche qui mêle action, intrigue politique et suspense! Pas de temps mort, on se laisse happer par l'histoire, seule la fin laisse un petit goût d'inachevé à mon sens.

3) Le service des dames : 4,5/5
Pour passer un pont 3 chevaliers vont devoir rendre un bien curieux service à la châtelaine maîtresse des lieux.
Nouvelle à la fois classique (le roman courtois du moyen age) et intéressante par le jeu de faux semblants et les réparties ironiques entre les personnages. La fin tient bien en haleine et j'ai beaucoup aimé la réplique finale

4) Une offrande très précieuse : 3,5/5
Cecht est un barbare dont la horde est tombée dans une embuscade. Gravement blessé il tente de s'échapper avec un ami et trouve une sorcière à qui il demande de les soigner, mais tout a un prix...
Une nouvelle assez onirique, dont je dois avouer que je n'ai pas tout bien compris! La fin notamment est déroutante! Un grand moment d'émotion néanmoins quand Cecht raconte son passé.

5) Le conte de Suzelle : 5/5
La jeune et étourdie Suzelle rencontre un jour un mystérieux baladin près d'un ruisseau. Elle rêve de le revoir mais celui-ci ne reparaît point et voilà Suzelle forcée de se marier.
Une nouvelle très attachante dans laquelle on suit toutes les étapes de la vie de Suzelle, de sa jeunesse effrontée, en passant par son mariage, la guerre qui fauche les siens et jusqu'à sa vieillesse. Pour le coup le dénouement est très réussi. Ma nouvelle préférée.

6) Jour de guigne : 5/5
Un académicien est victime d'un sort qui lui fait porter la poisse! Parallèlement un meurtrier insaisissable sévit dans les rues mal famées! La rencontre entre les 2 personnages est inéluctable mais que va-t-il arriver?
La nouvelle hilarante du recueil. Sans aller aux éclats de rire, on sourit aux malheurs de notre pauvre académicien! Intrigue bien trouvée!

7) Un amour dévorant : 3/5
Deux hommes cherchent désespérément une dénommée Ethaine dans la forêt. Mais qui sont-ils et pourquoi le village alentour les craint-il tant?
Nouvelle un peu en dessous des autres, même si elle n'est pas inintéressante, je n'ai pas vraiment accroché.

8) Le confident : 4/5
Un homme ayant fait voeu d'obscurité recueille les confidences de ses contemporains.
Une nouvelle courte mais dans laquelle on se lasse assez vite jusqu'au dénouement final qui permet de tout comprendre et donne un éclairage nouveau à cette histoire! Brillant!

Florian1981 - - 43 ans - 8 avril 2012


Fantasy pas fantaisiste 9 étoiles

C'est la critique dithyrambique qui m'a fait mettre les mains sur le livre, parce que je ne suis pas franchement amateur de fantasy.

En réalité, dans Janua Vera, la fantasy n'est pas du tout invasive, et il en faut peu parfois pour qu'on oublie que le monde décrit n'est pas le nôtre. Le contexte est imaginaire, mais il n'est pas là pour installer une narration affranchie de toute contrainte.
Ca a je trouve deux avantages. Le premier, c'est que l'auteur, par cette méthode, se donne le courage de nous décrire un monde riche, cohérent, sans tomber dans le piège de la facilité, sans verser dans une fantaisie extravertie qui se permet tout et n'importe quoi.
Deuxièmement, l’intérêt de ce contexte singulier mais facile à accepter comme probable, possible, c'est le fait qu'il ouvre la lecture à tout un tas de gens, pas forcément amateurs du genre.
D'autant que l'univers est largement inspiré, dans sa nomenclature, ses cultures, ses prénoms, du nôtre. On retrouve tout un tas de références italiennes, notamment.
Enfin, c'est en tout cas ce qui m'a le plus frappé.
C'est un point d'ailleurs que j'ai apprécié. Ce mélange d'inconnu et de familier, de création totale et de références auxquelles on peut s'identifier.

A part ça, il y a l'écriture.
Ce n'est pas de l'écriture libre et réinventée comme celle de Damasio. C'est une écriture plus classique, mais très ciselée, riche en vocabulaire sans être jamais, de mon point de vue en tout cas, artificielle.
D'ailleurs, selon les nouvelles, le style s'adapte en fonction des situations, des ambiances, des personnages. Conte, récit épique, monologue, aventure burlesque...
D'ailleurs c'est une des surprises, dans ce livre. Chaque nouvelle est traitée avec une approche particulière, on passe parfois complètement du coq à l'âne, même s'il y a quelques liens, comme la noirceur omniprésente. Il y a toujours un peu de cynisme, une dureté, ou de l’ambiguïté, un vague flou, un quelque chose qui ne conclut pas foncièrement en bien ou mal, heureux ou malheureux, mais qui laisse un goût d'amertume, nous rappelant que l'univers dépeint est moins une invention pure et libre qu'une métaphore du nôtre.

Les nouvelles sont donc variées sur tous les points, avec une d'entre elles, beaucoup plus longue, à l'intrigue dense, qui montre à quel point l'auteur à travaillé son univers, sur le plan social et politique.
En plus, le personnage principal, qu'on retrouve dans Gagner la Guerre, est assez savoureux. Moi, il me fait penser à un mélange des deux protagonistes de la bd De Capes et de Crocs, avec un côté "raclure" plus prononcé.

Janua Vera est un recueil de nouvelles qui vaut le détour, ne serait-ce que pour la finesse du propos qui se dégage de chaque histoire.
D'ailleurs, la narration s’appuie parfois subtilement sur le contexte fantasy, pour amener des pirouettes ou des réflexions qu'un contexte plus classique, réaliste, n'aurait pas forcément permises. Je pense notamment au Conte de Suzelle, une nouvelle courte et très anecdotique, à la géographie cloisonnée, mais à la conclusion frappante.

Bref, chouette bouquin, d'un auteur français (ce qui est quand même super pratique, plus de place pour les aléas de la traduction) que je recommande à tous ceux qui détestent les sorciers, dragons et esprits de la forêt.

Tortulut - - 44 ans - 17 juillet 2011


Fantasy de qualité, trop rare pour passer à côté 7 étoiles

Voici un livre de fantasy plutôt original et disons-le très agréable

Original a plusieurs titres :

- c'est un auteur français ce qui est plutôt rare dans le domaine
- c'est très bien écrit ce qui est encore plus rare
- ce sont des nouvelles et pas le début d'un cycle en 18 volumes et ça c'est bon.

Un recueil de nouvelle de fantasy donc. Le point commun entre toutes ces nouvelles c'est qu'elles se déroulent dans le vieux royaume mais c'est à peu près tout. Un univers plutôt proche de notre moyen-âge, avec peu de magie, pas de nain, pas d'elfe....

L'ambiance de l'une à l'autre est très différentes (intrigue quasi policière, humour à la Terry Pratchett...). Bref un petit livre très plaisant dans un genre où les mauvais livres abondent.

CptNemo - Paris - 50 ans - 24 février 2010


variation de nouvelles 8 étoiles

Ce que j'ai apprécié dans ces huit nouvelles ? La richesse du vocabulaire, le soin apporté à la construction narrative, l'évocation de tout un ensemble de territoires qui s'opère comme par un long et lent traveling.
Paru dans la collection Folio/SF, il ne s'agit ici nullement de science-fiction, d'aucuns y trouvent un air de fantasy, mais c'est cela, juste un air - de ressemblance -. Si se retrouvent quelques échos pratchettiens (Jour de guigne, Mauvaise donne), ils sont l'exception. Comme l'écrit Pendragon, le moyen-âge est à l'honneur, ses habits de largesse et de courtoisie laissés aux vestiaires comme dans le savoureux "Le service des dames".
A signaler qu'est paru récemment aux Moutons électriques "Gagner la guerre" qui développe sur l'étendue d'un roman l'univers de "Mauvaise donne" et de son personnage Don Benaventura.
Des nouvelles de qualités, aux tonalités variées, pour un auteur à suivre.

Pour ceux qui ont l'édition des Moutons, la nouvelle supplémentaire du folio/sf est disponible sur le net à cette adresse : http://couroberon.free.fr/Nouvelles/Unamour.pdf

Vda - - 49 ans - 20 avril 2009