Le baume du tigre
de Dražen Katunaric

critiqué par Sahkti, le 19 avril 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Avancer, malgré les heurts
Quatre nouvelles, quatre destins, autant de femmes et de voyages. La femme qui représente un élément central des différents récits, pour le rôle qu'elle joue mais aussi ce qu'elle pousse à commettre, par amour, par rage ou par désespoir.
Chacun des textes offre la vision d'une souffrance humaine, d'une quête désespérée du bonheur qui ne trouve pas nécessairement son aboutissement.
Qu'il s'agisse d'un fonctionnaire pensant faire de bonnes affaires en achetant des kilos de baume du tigre suite aux conseils d'une prostituée, d'un chercheur qui va se confronter à une femme dans une chambre d'hôtel ou encore d'un mari trompé qui surveille sa femme jusqu'au plus profond du voyeurisme, chaque histoire est celle d'un déracinement, d'une recherche de soi à travers l'autre.

Au milieu de toute cette douleur, Drazen Katunaric glisse beaucoup de poésie et de sensibilité. Sa langue est belle, elle s'écoule avec fluidité et qui ressort au final, au milieu de cette misère humaine, est cet espoir de renouer avec un bonheur passé. Une recherche qui guide les destins de ces êtres tourmentés et sert de fil conducteur général à ces vies qui s'écoulent, humainement et sensiblement, sous la plume de Katunaric. L'espèce humaine a beau être en proie à ses dérives, il reste toujours une part d'humanité et de beauté qui mérite d'être explorée. A l'instar d'auteurs russes dont la désespoir résigné se teinte de respect et de noblesse, Drazen Katunaric accorde beaucoup de richesse à ses récits et ses personnages, comme si tout était à reconstruire, parce que ça en vaut tout de même la peine. Pas étonnant sans doute quand on vient de Zagreb, comme l'auteur; il y a là une force de résistance qui doit être transmise.

PS: L'illustration de couverture est une peinture de Monique Thomassettie.
Un impossible amour 7 étoiles

Katunaric propose un recueil de quatre nouvelles qui évoquent toutes les relations d’un, ou plusieurs, homme avec une femme pour satisfaire un besoin charnel urgent ou une attirance particulièrement forte. Un jeune Croate séjournant en Chine pour un colloque, veut profiter de l’occasion pour s’offrir une jeune prostituée chinoise mais la démarche n’est aussi facile qu’il le croit. Un autre Croate réside au Maroc où il gagne sa vie sur les champs pétrolifères et voudrait passer le réveillon de l’an 200 avec une femme qu’il finit par trouver en la personne d’une superbe noire qui ne lui laissera pas que le souvenir d’une belle nuit d’amour. Robert et Stanko voyagent en Inde avec les médiocres moyens qu’ils ont pu réunir et quand ils séjournent chez les tziganes on leur propose d’épouser une belle jeune fille du clan mais ils n’ont les moyens de la payer. Et, la fille les manipulera de façon à gâcher la dernière chance que le chef de clan leur avait offerte. Et, pour terminer, un riche commerçant se fait très pressant auprès de la belle Miranda qu’il veut emmener avec lui loin, très loin, mais la belle aime son mari et l’affaire n’est pas facile à concrétiser.

Quatre histoires d’amour impossible, ou presque, tant les intrigues sont compliquées, presque aussi inextricables que la situation dans les Balkans, et échappent à l’entendement des hommes. Dans ces aventures, ces femmes pourraient symboliser les Balkans que les puissances veulent s’offrir sans se préoccuper de l’avis des intéressés. Une ode à la femme exploitée en même temps qu’une parabole sur le sort de ce pays qui ne connaitra jamais la paix, la liberté et la sérénité comme ces hommes en besoin d’amour, ou de soulager leur trop plein de désir, qui croient parvenir à aisément leurs fins mais qui rencontrent des obstacles qu’ils n’envisageaient pas a priori.

L’expression d’un certain désespoir et d’un réel pessimisme dans la possibilité de vivre en harmonie sur ce bout de terre et plus généralement un regard plus que perplexe sur la capacité des homes à vivre leur condition en dehors des conflits, des aléas malencontreux et autres arias.

Quatre nouvelles construites comme quatre véritables petits romans dans un style très élaboré, riche, pour faire vivre quatre intrigues à la mécanique très élaborée mais parfaitement huilée.

Débézed - Besançon - 77 ans - 7 septembre 2010