Les étoiles froides
de Michel Del Castillo

critiqué par Bluewitch, le 6 décembre 2001
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
Un roman qui fait mal...
Premier roman que je découvre de Michel Del Castillo alors qu'il est loin d'en être à ses débuts, je suis ébahie par la douleur qui émane de ce livre superbe, écrit avec force et brio. Inspiré de la propre existence de l’auteur, il laisse un goût amer qui ne s’efface que longtemps après la lecture de la dernière ligne.
Cette histoire est avant tout celle d'une femme, Clara Del Monte. Une femme comme on préfère ne pas en rencontrer. Une femme pour qui la trahison est une preuve d’amour, de sacrifice… Une femme qui sème la souffrance autour d'elle avec la même force qu’elle ne se fait aimer.
Son ombre plane sur l'Espagne de l’entre-deux guerres, elle naît avec les derniers essoufflements de la monarchie, elle est élevée dans le mensonge, la manipulation. Elle aime aussi sauvagement qu’elle ne détruit. Tout n’est que rôle, tromperie. Elle se rangera toujours du côté des forts… A n'importe quel prix. Aussi ultime soit le degré de trahison auquel elle se livre, en toute bonne conscience.
En parallèle, Garcia Lorca, dont les mots sont bien plus forts que lui et le dépassent. Lui dont la poltronnerie et l'homosexualité feront dramatiquement pencher la balance de son destin funeste.
Tous deux vivent et sont l’Espagne de la République naissante et déjà moribonde, l’Espagne de la Révolution et de l'agonie.
Ils sont sa brutalité et sa lâcheté.
Une histoire qui traîne sa souffrance, un roman comme il y en a peu et un livre qu’on referme avec l’esprit essoufflé. Tout le monde ne partagera peut-être pas cet avis mais, en ce qui me concerne, j'ai été bouleversée…
Ce roman est superbe. Rien d'autre à ajouter.
Senteurs ibériques 9 étoiles

"Je me suis longtemps demandé si ce n'est pas ce genre d'intérêt ethnologique que Clara del Monte provoquait chez tante Elisa. Certes, elles étaient du même sexe, nées toutes deux dans le même pays, à peu près vers la même époque; en cherchant, on aurait trouvé d'autres ressemblances, l'éducation, les lectures peut-être. Lorsqu'elle en parlait, tante Elisa n'en donnait pas moins l'impression de décrire une créature venue d'une autre planète. Quels crimes Clara del Monte avait-elle commis pour que sa voix, toujours égale, posée, tremblât d'épouvante ?"

De l'Espagne, dont ses parents sont natifs, Angelina Toldo, élevée en Suisse, ne connaît rien ou presque, à l'exception des vacances passées chez sa tante Elisa, grande biographiste qui termine l'histoire de la vie de Clara del Monte.
A la mort de ses parents, Lina part aux Etats-Unis pour y suivre des études et, dans ce cadre, travaille à la rédaction d'une thèse sur la fin réelle de Federico Garcia Lorca. L'Espagne la rattrape, la personnalité de Clara del Monte l'envahit.
Mélange de personnages réels et fictifs, quête d'identité et analyse des différences. Senteurs ibériques envoûtantes et bouleversantes, traversées des âmes et des êtres dans leurs meurtrissures les plus chères et leurs secrets si bien gardés. Une belle écriture digne et émouvante.

Sahkti - Genève - 50 ans - 11 mai 2004