Homo Pierrot, tome 1 : Homo Pierrot
de Pierre Lacroix

critiqué par Spiderman, le 5 avril 2009
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Une enfance auvergnate dans l'amour des lettres... et du prof de lettres
Pierre Lacroix entreprend ici le début de son autobiographie : enfance et adolescence.
Les amoureux de la littérature, de la chanson et les cinéphiles vont retrouver, dans ce récit, des émotions ressenties à l'écoute de vinyles, en tournant les pages de livres marquants ou au creux d'un fauteuil, dans une salle obscure où la lumière apparaissait dans un regard, une attitude, un zoom sur le regard qu'échangeaient deux hommes.
Le contexte est rural : une ferme auvergnate des années 60. La famille banale, mais le dernier regard d'une mère mourante, ses derniers mots pour son Pierrounel, âgé de douze ans, le sont moins. Il y a de l'amour, du respect et de la douceur dans cette maison. Pierre en aura besoin et saura y avoir recours lorsque son attirance pour les garçons lui apparaîtra comme une évidence à laquelle personne ne sera en mesure d'émettre une objection digne d'intérêt. « Vis comme tu es né, vis comme tu es " est la phrase qui guide Pierre.
Et le collège lui offre Erwan, un prof de français qui place l'ouverture de l'esprit et l'enrichissement culturel de ses élèves au-dessus des consignes pédagogiques ou des grilles d'évaluation. Le français n'est pas une discipline scolaire mais le moyen de s'ouvrir aux autres, de puiser dans leurs écrits la force et les moyens de façonner sa propre existence. Pierre est fasciné par Erwan, et si Erwan dépasse les limites de la pédagogie et de la loi dans sa relation avec son élève, le lecteur se retrouve au cœur d'un roman d'apprentissage sentimental, littéraire et humain où la passion emporte tout sur son passage.
Pierre absorbe tout : la musique, les giclées de sperme, les expériences américaines d'Erwan, les textes que Lagarde & Michard ont censurés. Il reste imperméable aux regards étriqués des autres collégiens, des esprits « bien pensants », des bigots laïques dévots du Dr Freud…
Dans un style beaucoup plus romanesque que l'immense poème qu'est Bleus (ErosOnyx, 2006), Pierre Lacroix montre une autre facette de son talent d'écrivain, une plume plus sobre, un style qui entraîne au cœur d'un être en formation avec qui l'empathie se fait sans violence ni artifices et qui laisse un goût d'inachevé au moment où Pierre va quitter sa campagne pour Paris.
Et Monsieur Lacroix sait aussi nous faire apprécier la douceur et la volupté de cette attente des tomes deux, trois et quatre…