Sous le règne de Bone
de Russell Banks

critiqué par Jules, le 5 décembre 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Une certaine vision du monde
Voilà un personnage de Russell Banks qui va aller par monts et par vaux pour secouer le cocotier. Il en a marre de sa vie, va tout envoyer promener pour aller découvrir d’autres cieux et tenter de renverser la roue du destin, celle du dangereux chemin qui se trouve, tout tracé, devant lui.
Bone vit dans une banlieue cradingue avec sa mère et son beau-père, Ken. Il fume des pétards, vole aux étalages, revend ce qu'il peut des objets qui se trouvent chez sa mère pour se procurer sa drogue et aussi en fournir à la bande des « Bickers » qui roulent tous en Harley. Ses rapports avec Ken sont des plus difficiles. Il a son ami Russ, qui forme toute sa famille se dit-il.
Un jour, à ses quatorze ans, il en a ras-le-bol et se tire avec Russ. D'ailleurs, l'endroit devient un peu « chaud » pour Russ et lui. Ils se baladeront un peu partout et feront la connaissance d'un autre jeune aussi paumé qu'eux. Ils s’installeront dans une superbe résidence secondaire, fermée pour des mois, dans laquelle ils finiront par faire pas mal de dégâts. Il faudra bien un jour la quitter et cela se passera assez mal.
Russ tente alors un retour chez sa mère, mais il sera de courte durée. Il espérait pouvoir prendre un nouveau départ, mais sa mère ne conçoit pas sa vie sans Ken. Alors, la réponse de Bone est vite donnée : « Rien. A. Branler. » Et le voilà reparti sur les routes aussi sec !
Il fera la connaissance de beaucoup de monde, aura pas mal de hauts et de bas, et va finir par se donner pour objectif de retrouver son père, qui était parti de chez eux depuis des années.
Toute une aventure ! Va-t-il le retrouver ? Où ? Et quel homme est-il ?.
Mais Bone dit à son copain noir I-Man : « Avoir des projets et des regrets, man, c’est une seconde nature chez moi. »
Un très bon roman de Russell Banks. Comment un jeune de quatorze ans, d’un milieu donné avec un environnement donné peut réagir pour tenter de trouver autre chose.
Je et Je 8 étoiles

Bon roman du grand Russell Banks, roman initiatique, road-movie, c’est le parcours d’un adolescent de 14 ans dans l’Amérique et la Jamaïque de la fin du XXe siècle.
Le récit est souple, les mots coulent comme un ruisseau (sans l’encombrement des signes liés aux dialogues), les chapitres se succèdent comme autant de jalons dans la recherche du Moi du jeune Chappie, délinquant affirmé qui se fera ensuite appeler Bone. Le héros qui se raconte va croiser des contemporains : des copains de lycée, des parents connus ou d’autres à (mé)connaître, des malfrats, des démunis comme lui, des rencontres de quelques jours et des rencontres de toute une vie. Le jeune garçon va goûter à toutes ces personnes, choisir l’une pour mieux rejeter l’autre, puis une autre sans plus de succès en encore une autre jusqu’à l’épisode final. Le personnage qui va certainement le plus l’influencer est le fantomatique I-Man, noir d’origine jamaïcaine, genre guru, grand fumeur de ganja et grand fournisseur de conseils de vie et de haschisch pour Chappie qui deviendra Bone. Le personnage est sublime mais en même temps, il fait partie de l’élément pour lequel j’ai eu constamment une certaine réticence car la référence à la drogue est tellement présente dans ce roman qu’on pourrait imaginer qu’elle fait partie -pour tout un chacun- du processus, du chemin qui mène à la découverte de son Moi, de son Je et Je … et plus d’une fois, cela m’a gêné. Je prétends qu’il est possible pour un jeune de 14-15 ans même issu de milieux défavorisés de trouver sa voie, son identité sans avoir recours systématiquement aux paradis artificiels. Peut-être faut-il lire ce roman sous un autre angle mais il est à lire de toute façon !

Ardeo - Flémalle - 77 ans - 4 janvier 2017


Faussement léger 8 étoiles

Première découverte de cet auteur pour moi, et très bonne surprise !

Le roman pourrait paraître une ode à la glandouille, aux trafics et à la défonce, mais Bone nous entraîne régulièrement vers des réflexions existentielles, philosophiques, qui donnent une vraie profondeur au récit. Bone nous séduit finalement par sa clairvoyance, sa curiosité, quelque-part son "bon fond" qui le pousse à ne pas sombrer dans la déchéance totale...

J'ai finalement beaucoup apprécié - au bout de plusieurs pages - le style du narrateur, grâce auquel on se glisse facilement dans la peau de ce "gamin" de quatorze ans issu d'une classe moyenne américaine désenchantée et pour tout dire assez misérable.

"La belle affaire", de T.C Boyle, aborde un peu le même thème, mais à mon sens avec moins de brio...

Araknyl - Fontenay sous Bois - 54 ans - 1 mai 2013


Une épopée quasi-cauchemardesque 3 étoiles

Je ne partage malheureusement pas les avis élogieux de mes prédécesseurs.
Ce petit jeune en rupture de ban prend son pied dans des virées empreintes d'alcool, de drogue et de sexe, au sein d'une cour des miracles, pour atterrir en Jamaïque où il joue les glandeurs magnifiques. En somme, c'est un hymne à la débauche et au je-m'en-foutisme, empreint d'une gangue assez franchement vulgaire.
Tout, dans ce roman, tire vers les bas fonds, qui sont présentés comme un paradis et un style de vie. C'est une provocation forte, qui ne manque pas d'humour, mais qui m'est apparue fort désagréable à vivre. Tout ça ne me fait pas rêver, loin de là, ni vraiment rire.

Veneziano - Paris - 46 ans - 25 février 2012


Excellent 10 étoiles

Magnifique livre par un de mes auteurs favoris.
Je conseille fortement sa lecture, je l'ai lu il y a pas mal de temps, j'en ai un très bon souvenir et je compte le relire bientôt.
5/5

Free_s4 - Dans le Sud-Ouest - 50 ans - 12 janvier 2011


Jah Love protect us! 8 étoiles

Bone est un ado de 14 ans, en conflit permanent avec sa mère et son beau père, qui finiront par le mettre dehors après qu'il ait encore dépassé les bornes. A partir de ce moment commence une nouvelle vie faite de petites arnaques, de vagabondages, de marie-jeanne et de rêves de devenir un hors la loi à jamais. Mais quand les choses ne fonctionnent pas comme il le voulait, Bone découvre sa véritable personnalité grâce à I-man, Jamaïcain en situation irrégulière aux Etats-Unis, qui va lui faire découvrir les bienfaits de la terre et l'aveuglement des américains qui en veulent toujours plus et ne savent plus vraiment comment être heureux. Cette amitié connaitra les chemins jamaïcains, verdoyants mais parfois très dangereux, la foi rasta, sincère ou folklorique, les limites et les faiblesses de chacun, y compris de lui-même, face aux engagements et à l'orgueil, mais aussi l'intégrité et le rejet des préjugés qu'on enseigne qu'à une seule école, celle de la vie.
Loin d'être un plaidoyer pour la drogue, ce roman montre que parfois la drogue douce peut mener vers des voies dangereuses et sans autre issue que la mort ou la prison mais qu'utilisée avec un peu de sagesse elle mène à autre chose que le crime, et que celui-ci n'a pas de couleur, ni de frontières, et qu'il peut même se cacher dans de luxueuses résidences secondaires ou d'innocents camions glorifiant la parole de dieu.

Zgili - Metz - 39 ans - 30 novembre 2009


La quête du hash 6 étoiles

C'est vrai que le roman est très agréable à lire.
La quête d'identité du héros est à mon avis est trop liée à la recherche de substances hallucinogènes qui est presque le fil conducteur du roman.
A certains moments le roman ne fait pas vrai quand Bone est à la fois acteur et spectateur de ses expériences.
C'est le premier roman que je lis de cet auteur, et J'ai été un peu déçu pas rapport à l'attente que j'en avais.

LeChauve - Toulouse - 74 ans - 9 novembre 2007


Individu en formation 8 étoiles

« Oh putain, mec ! a dit Russ et sa main gauche a claqué dans la mienne. T’as les os ! m’a-t-il dit. Je voyais que Russ aurait à présent préféré ne pas s’etre fait tatouer une panthère, mais c’était trop tard.
C’est comme ça que tu devrais t’appeler, a-t-il dit. L’os. Bone. A cause de ton tatouage. Laisse tomber Zombi, man, ça fait penser que tu fais du vaudou ou une connerie bizarre comme ça, de l’occultisme. De l’os, c’est dur, man. Dur. C’est universel, man.
Et voilà comment un petit gars de 14 ans, Chappie, fraîchement en rupture de ban avec sa famille (ou ce qu’il en reste) et avec la société, devient « Bone ». Le « Bone » dont Russell Banks va nous conter le règne.
A priori, pas sympathique le « Bone ». Drogue, chapardage, saccage, … une sacrée mauvaise pente ! Sauf que « Bone » restera toujours avec comme un fil ténu qui le retient dans le monde réel. Celui où il faut s’intégrer pour conserver ses chances. Et sympathique il restera tout au long du récit.
Le parcours de « Bone » ne va pas être particulièrement linéaire. Il y aura même un détour par la Jamaïque, ces îles antillaises chères à Banks. Des rencontres et des fréquentations qui, pour d’autres, auraient pu être destructrices. Pas pour « Bone ». Mais peut-être la grande chance de « Bone » est d’avoir Russell Banks pour papa. Un papa qui aime ses personnages, qui sait leur servir un destin hors de l’ordinaire, qui sait le raconter et nous attendrir ?

Tistou - - 68 ans - 27 mars 2007


L’adolescence 9 étoiles

Ce qui m’a frappée aussi dans cet ouvrage, ce sont les inattendues mais profondes et réelles préoccupations philosophiques et même spirituelles de ce jeune. Dans un sens, je n’aurais pas dû être étonnée. Il est bien normal qu’un adolescent de cet âge se cherche et cherche des réponses aux questions que la vie lui pose, et en particulier la vie d’adulte qui s’approche. D’un autre côté, il est normal que j’en ai été surprise, est-ce que je ne l’oublie pas également quand je considère, dans la réalité, les voyous plus ou moins inquiétants qui traînent dans certains coins ?
L’histoire de Bone, grâce à l’immense talent de Banks et à la justesse de son récit, m’a permis de comprendre cet être qui me ressemble si peu et même, de bien l’aimer, et à travers lui, ses semblables ou ses proches de la vie réelle. J’en ai été sincèrement étonnée. Lire, c’est cela, c’est s’enrichir. La lecture, c’est de la vie et de l’expérience supplémentaire. C’est même un supplément de vie et d’expérience qu’on n’aurait jamais pu avoir dans la vie réelle.

Sibylline - Normandie - 74 ans - 4 janvier 2006


Les vicissitudes de la délinquance 7 étoiles

Version moderne de « L’attrape-cœurs » mélangée aux aventures de « Huckleberry Finn », ce récit suit la dérive d’un adolescent américain, un personnage de perdant sympathique, un petit voleur avec un Mohawk, drogué, rebelle sans cause et végétatif. Un peu comme dans un journal, Bone nous raconte ses péripéties avec sa voix juvénile, ce qui a pour effet de simplifier la trame narrative et la rendre répétitive.

Bien qu’il s’agisse d’un roman initiatique avec ses bons moments, ce n’est pas particulièrement original ni percutant. Banks a fait mieux. Toutefois, on ne s’ennuie pas avec cette faune de bizarroïdes; I-Man le Jamaïcain – Buster le pornographe évangélisateur – les bikers etc. Si le message principal de bravoure face à l’adversité est fort louable, il aurait été préférable qu’il ne soit pas accompagné d’une apologie aussi catégorique de la criminalité.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 16 novembre 2005


Il y a un os... 7 étoiles

Une fois de plus, Banks nous raconte l’histoire d’une déréliction, celle d’un gamin de 15 ans qui est bien trop tôt livré à lui-même ! C’est aussi le récit d’une quête, c’est un road-movie qui mènera l’ami Bone de sa caravane parentale aux fins fonds de la Jamaïque, la ligne la plus courte entre ces deux points étant bien entendu la ligne blanche de la coke qui se vend et s’achète facilement quand il n’y que ça pour vous faire vivre…

Même si l’écriture est toujours aussi exceptionnelle, même si la psychologie et la justesse sociologique de Banks est irréprochable, je ne peux m’empêcher de trouver ce roman-ci un peu moins bon que les autres romans que j’ai eu la chance de lire ! Je l’ai trouvé un peu lent et puis, et surtout, je pense que j’ai eu du mal à m’identifier à Bone, il n’a que 15 ans et je ne me souviens plus guère de qui j’étais à 15 ans…

Pendragon - Liernu - 54 ans - 7 mai 2005


Initiation 8 étoiles

Quel plaisir de redécouvrir par les critiques des livres que j'ai aimés, au point que l'auteur fait un peu partie de ma "famille littéraire". Je me souviens du Règne de Bone comme d'un roman foisonnant, un véritable roman d'initiation, qui fleure le vécu personnel de l'auteur. Russell Banks fait partie de ces auteurs qui cassent le mythe du rêve américan, comme Dorothy Allison ou Philip Roth. Il décrit toujours cette classe moyenne, en perte de repères, de pouvoir économique, qui repose sur un fragile équilibre.

D'Artagnan - Tournai - 61 ans - 8 janvier 2002