Les corps tranquilles
de Jacques Laurent

critiqué par FROISSART, le 4 avril 2009
(St Paul - 77 ans)


La note:  étoiles
L'analyse de Patryck Froissart
Titre : Les corps tranquilles
Auteur : Jacques Laurent
Editeur : La Table Ronde (1958)
ISBN : 225306095X
1304 pages



Ce long roman de Jacques Laurent est paru en 1956 en Livre de Poche, aux Editions de la Table Ronde, en 3 tomes :
- La ritournelle, T1
- De l’utilité des femmes, T2
- Le suicide de Dieu, T3

Les titres de chacun de ces tomes correspondent parfaitement aux thèmes récurrents.
La création d’un fumeux « Institut International de Vigilance, de Recherche et de Lutte contre le Suicide » réunit, sur embauches, des personnages aux origines diverses qui forment une équipe hétéroclite d’employés à ne pas faire grand-chose.

Le plus attachant est Anne Coquet, le personnage central, un jeune écrivaillon qui s’ennuie et qui aime plusieurs femmes, tout en éprouvant à l’occasion des envies homosexuelles.

Comme Anne Coquet, le narrateur traînasse à dessein, se perd, nous perd dans de longues descriptions, à la subjectivité marquée, de la société parisienne, et provinciale, des années d’après-guerre.

La peinture est péjorative. La critique sociale est amère, précise, pointilleuse, et en même temps désabusée, comme l’est Anne Coquet. L’idéologie véhiculée est clairement celle de l’écrivain de droite qui critiquera férocement l’existentialisme. Le contexte est celui d’une époque déboussolée par l’immense tragédie de la Seconde Guerre Mondiale et le brutal bouleversement des mœurs qui lui succèdent.

La structure romanesque est inhabituelle, et dérangeante, et annonce le Nouveau Roman. Anne Coquet tourne en rond ; il s’en rend compte, souhaite de temps en temps rompre la boucle, mais en est empêché par sa propension à « ne vouloir rien provoquer » qui pourrait changer le cours de sa vie. De ce fait, les rêveries, les errances textuelles, les digressions sont nombreuses, parfois d’une longueur à agacer le lecteur.
Mais l’ensemble est prenant.

Il faut lire ce livre, auquel on n’a peut-être pas attaché l’importance qu’il mérite dans l’histoire littéraire française, peut-être à cause du passé maurrassien puis vichyste de l’auteur.

A noter : Jacques Laurent est beaucoup plus célèbre sous le pseudonyme de Cecil Saint-Laurent, l’auteur de « Caroline Chérie ».
En 1971, Jacques Laurent obtient le prix Goncourt pour le roman « Les Bêtises », et le Grand Prix de Littérature de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre. Il est élu à l’Académie Française en 1986, et meurt en 2000.

Patryck Froissart
Plateau Caillou, le 4 avril 2009