L'oeil de la NRF : Cent livres pour un siècle
de Collectif

critiqué par Jlc, le 1 avril 2009
( - 81 ans)


La note:  étoiles
L'alerte centenaire et le jeune CL
La Nouvelle Revue Française, la NRF, a tout juste cent ans ce qui est tout à fait exceptionnel pour une revue littéraire. A cette occasion, elle nous propose, en édition de poche, un recueil de critiques de cent livres qui ont marqué ce siècle. Encore une liste, direz-vous ! A l’évidence, le choix de l’éditeur est subjectif, c’est le principe du genre. N’y revenons plus car là n’est pas l’essentiel qui réside dans le fait que ce sont de grands écrivains ou de grands critiques qui nous parlent de livres sensés être importants.
Les fondateurs de la NRF voulaient en faire la « Défense et illustration de la langue française » et un « miroir de son temps ». Aussi faut-il regretter que l’éditeur ait déformé ce miroir en choisissant d’occulter la période de l’Occupation quand Drieu La Rochelle et une bande de « collabos » dirigeaient la publication.
La sélection est légitime même si on eût apprécié un travail éditorial plus construit qui aurait présenté en quelques lignes le livre et le contexte dans lequel il fut reçu. Le contributeur est lié au choix des livres encore qu’on puisse se demander si certains livres n’ont pas été choisis pour la notoriété du critique, de Mauriac à Malraux, d’Artaud à Kessel, de Cocteau à Queneau, de Sartre à Mac Orlan, de Dominique Fernandez à Robbe-Grillet.
Les textes sont inégaux ou jugés tels par chaque lecteur. Pour ma part j’ai beaucoup apprécié, entre autres, la critique magistrale de Marcel Arland du premier roman de Françoise Sagan, « Bonjour tristesse », où il détruit au dernier paragraphe, avec élégance certes et beaucoup d’humour, toutes les raisons du succès qu’il vient d’analyser ; la conclusion cinglante de Dominique Aury sur le livre de Nabokov : « Lolita n’est pas un scandale, c’est un chef d’œuvre » ; l’intelligence de Denis de Rougemont qui relie la théologie chrétienne aux situations que décrit Kafka dans « Le procès » ; Sartre parlant de la « déloyauté » de Faulkner ou Michel Leiris de la beauté du livre d’Hemingway « Mort dans l’après midi ». Mais vous-mêmes prendrez peut-être plaisir à l’analyse que Mauriac fait de « La prisonnière », au texte sur le dernier Modiano, etc. Ce livre est une sorte de self-service ouvert nuit et jour.
Un autre intérêt réside dans la lecture croisée de ce que dit la NRF et de ce qu’en pensent les lecteurs de « Critiques libres » (CL). En effet la plupart des titres choisis par l’une sont dans l’autre. J’ignorais Stephen Crane, Debezed pas. « Paludes » ne me disait pas grand-chose, Kinbote, Lucien et Cuné m’ont éclairé la critique de Valéry Larbaud avec d’ailleurs une conclusion très proche. Kinbote encore qui parle aussi bien que Gilles Quinsat du livre unique de Fritz Zorn « Mars ». Cette lecture croisée peut être aussi une leçon d’humilité. J’en prendrai pour preuve le texte de Dominique Fernandez sur « La semaine sainte » d’Aragon et celui d’un contributeur épisodique de CL. On mesure la différence entre un écrivain et un amateur appliqué =->
A cet attrait de découverte s’ajoute une différence d’approche que le temps révèle. Jules a fait une très belle critique d’ « À l’ouest, rien de nouveau », parlant d’un très grand livre. En 1929, Benjamin Crémieux qui a vraisemblablement fait la guerre de 14 dénie au livre le titre de « grand livre » car le héros exprime des sentiments qui ne peuvent être ceux d’un combattant allemand ou français et il évoque l’hypothèse d’un éclairage différent lié au fait que le livre a été écrit dix ans après les faits. Et Crémieux de conclure : « son héros n’est pas un type d’humanité générale ». Comme quoi un livre n’appartient plus très vite à son auteur mais à ses lecteurs venant d’horizons et d’ages différents.
Lire ces critiques donne bien évidemment envie d’ouvrir quelques uns de ces livres qu’on ne connaissait pas, allongeant ainsi la « liste à lire », merveilleux mélange de plaisirs futurs mâtinés de la frustration de choisir.

Un livre à lire avec, indispensable, CL à portée de mains.
Manière de ressortir des textes oubliés 8 étoiles

Cet ouvrage commenté précédemment présente deux qualités. La première consiste à nous présenter des critiques rédigées par des auteurs illustres à l'encontre de textes qui leur sont contemporains. En soi, leur participation au débat littéraire est substantielle. On voit dans les critiques précédentes les débats qu'une telle démarche a pu susciter.

Au-delà de ça, de par la qualité des critiques présentées, il s'agit d'un portail ouvert vers toute une série d'oeuvres parfois injustement oubliées. Ce livre donne l'envie de lire; ce n'est pas là son plus petit mérite.

Fa - La Louvière - 49 ans - 13 janvier 2010


J’attendais autre chose 5 étoiles

Les critiques de ce recueil ont mal vieilli, sont de qualité inégale et manquent tout simplement de verve. Instructif mais aride.

Béatrice - Paris - - ans - 31 juillet 2009


Quelques remarques 8 étoiles

Cher Monsieur,

J’ai lu avec grand intérêt votre excellent article dont je vous remercie. Je souhaitais répondre néanmoins à vos quelques critiques.

Mon but n’était pas d’occulter la période collaborationniste de la NRF. Les chroniques livrées par Drieu La Rochelle chaque mois sont particulièrement longues et ne concernent jamais un titre particulier. Elles ne pouvaient dès lors pas être intégrées à ce volume malgré leur intérêt historique et – parfois – littéraire (il faut lire les violentes attaques contre Aragon et Mauriac). Les années noires de la revue se trouvent néanmoins représentés dans L’œil de la NRF par deux notes (pour deux ans et demi de direction par Drieu La Rochelle) : celle d’Henri Thomas sur Sur les falaises de marbre de Jünger et celle de Fieschi – collaborateur notoire - sur Maigret de Simenon.

Il est, en revanche, vrai que j’ai choisi certaines des notes pour leur qualité et la notoriété de leur auteur. L’objectif du livre était de mêler, de la façon la plus harmonieuse et représentative possible, critiques de grands écrivains, de grands critiques et d’auteurs de qualité, aujourd’hui méconnus.

Il s’agissait de rendre compte de l’aventure intellectuelle singulière qu’est la NRF mais aussi de rafraîchir notre regard sur les œuvres analysées. Les notices biographiques à la fin du volume permettent aux lecteurs de mieux cerner la personnalité des contributeurs. Présenter le contexte de réception de chaque œuvre aurait orienté la lecture de ce livre. L’excellente étude par Denis de Rougement du Procès de Kafka paraît a priori anachronique ; elle conserve pourtant une grande partie de sa saveur. Les critiques rassemblées dans ce volume nous permettent paradoxalement, me semble-t-il, de mettre de côté les analyses qui se sont superposées aux grandes œuvres de ce siècle pour revisiter le cimetière qu’est chaque bibliothèque d’un œil vierge (ou presque).

Bien cordialement,

Louis Chevaillier

Camborios - - 43 ans - 16 avril 2009