Une enfance à l'eau bénite
de Denise Bombardier

critiqué par Nicole S., le 28 mars 2009
(Chicoutimi - 80 ans)


La note:  étoiles
Quelle pitié!
Une enfance à l'eau bénite

Si vous êtes une femme et que vous êtes née au milieu des années quarante, vous comprendrez aisément le dilemme dans lequel est plongée l'héroïne du roman de Denise Bombardier intitulé : Une enfance à l'eau bénite. D'ailleurs , le récit commence comme suit: J'ai fait ma première communion en état de péché mortel. Le sujet du roman est donc posé clairement et de façon assez abrupte.

Tout au long du récit, nous verrons notre héroïne , dès l'âge de six ans jusqu'à la fin de l'adolescence essayer de résoudre le conflit du bien et du mal qui habitent, de façon morbide, son âme.

C'est dans un petit quartier dans le nord de Montréal que se joue l'intrigue du roman. L'héroïne est une petite fille qui vit dans un milieu modeste sans être pauvre. Le père nous est présenté comme un être essentiellement dénué de tout sens moral. Cruel, insensible, mesquin , révolté de la politique de Maurice Duplessis et du clergé de l'Église catholique, voilà le portrait peu flatteur de cet homme qu'on apprend à détester jusqu'à la toute fin de l'oeuvre. Pour démontrer l'insensibilité de son père, l'héroïne dira de lui: Il ne m'a jamais appelée par mon prénom. D'ailleurs, cette quête du premier amour qu'une petite fille éprouve envers son géniteur, sera aussi omniprésente tout au long du récit. Cet amour qu'elle n'a pas reçu, elle en fera une quête à travers tous les personnages du roman. Quand elle aura à parler de lui, elle déformera la réalité pour l'embellir afin de cacher l'horreur de vivre avec un tel mécréant.

Quant au tableau brossé de la mère, c'est celui d'une personne qui veut à tout prix s'élever au-dessus de la pauvreté culturelle des gens qui l'entourent. C'est ainsi qu'elle inscrira sa toute petite fille à des cours de diction donné par un professeur de Radio-Canada. L'héroïne apprendra donc à bien parler le français, à connaître les règles de l'étiquette et de la politesse. En faisant de sa fille une petite fille bien élevée, bien éduquée, elle rehaussera son statut à elle. Par sa fille, elle s'élèvera d'une classe sociale défavorisée à celle des bien-pensants, des cultivés, des gens respectables et respectés , elle qui ne reçoit aucun respect de la part de son mari ni de ses propres enfants.

Quand la fillette entrera à l'école primaire, dirigée d'une main de fer par les religieuses, elle apprendra d'abord à les aimer pour parvenir à les détester avec acharnement. Les lois, les préceptes de l'éducation sont étroitement liés à ceux de l'Église catholique. Si au départ, la petite élève est grisée par la puissance du savoir, elle parviendra à saisir les dessous de cette éducation tordue et mesquine . Le péché est partout, dans le coeur de la petite âme fragile, dans le corps dont il faut sans cesse inoculer le sexe. Une bonne petite fille se doit d'être bonne en tout temps, les mauvaises pensées doivent être chassées de son esprit, tel est l'enseignement qu'elle reçoit, qu'on lui martèle dans la tête . Sois un robot et le Seigneur t'aimera.

Quand elle entrera au secondaire, le manège d'endoctrinement continuera de plus belle. Les jeunes filles doivent faire face aux garçons, symboles du diable incarné. Le sexe est montré comme un objet de malheur, de honte et d'impureté. Quand le vicaire de la paroisse fait son sermon aux élèves à l'occasion du carême, c'est la consternation dans l'école. Il dira à sa bergerie: «  Si vous donner un baiser mouillé, c'est-à-dire un french-kiss, à un garçon, vous commettez un péché mortel et vous devez vous en confessez. De plus , vous risquez de perdre votre état de grâce. Si les garçons exigent de vous cette preuve d'amour, sachez mes chères filles qu'ils sont des émissaires de Satan. » Après avoir décrit avec force détails, les mille et un exemples de péchés auxquels sont soumis les jeunes filles, afin qu'elles comprennent bien que le diable rôde autour d'elles tout le temps , ne leur accordant aucun répit, le vicaire les quitte, les laissant dans une terreur totale. Comment peut-on espérer vivre et être heureuses dans de telles conditions? À travers les diverses péripéties du roman, on verra de plus en plus se dégrader notre héroïne. Son moral, son engouement pour les études se détérioreront , la vie n'aura plus de sens. Quand sa mère, un dimanche matin lui ordonne d'aller à la messe, elle répondra qu'elle n'y va pas. - Tu es donc comme ton père,   rétorque la mère. - Eh bien, je suis pareille,  dira la fille . Voilà que pour la première fois de sa vie, elle se sentira vivre,vivre enfin!

Pour conclure cette critique de roman, je vous dirais que l'écriture de l'auteure est fluide et belle. J'ai vraiment aimé lire cette oeuvre que je trouve remarquable, magnifique et soignée. Quelle plume alerte possède Denise Bombardier! Laissez-vous vous emporter par le déroulement du récit qui se veut énergique et efficace. La plongée dans cet univers particulier des années quarante-cinq est spectaculaire et les personnages défilent devant nos yeux avec chacun une puissance psychologique à vous couper le souffle. On croit à chacun des protagonistes et les images qu'ils créent en nous se révèlent pleines de substance, de vérité et de beauté. Bravo à Denise Bombardier qui nous a ouvert grand son coeur pour nous faire vivre des moments de bonheur total.

Nicole Savard
Une morale bornée 10 étoiles

Ce roman se déroule à Montréal dans les années 1940 et 1950. L'héroïne du récit n'est encore qu'une enfant de six ans lorsqu'elle commence sa scolarité au milieu de religieuses et de curés qui lui manipulent le cerveau avec une morale biblique bornée, où tout relève du péché. En grandissant, elle devient une élève douée qui cherche à tout savoir, à tout comprendre, puis elle étudie d'une façon exemplaire. Puis, vint l'adolescence où elle se questionne, parfois elle se rebelle, mais remet vite les pieds sur terre, par peur du péché et de la damnation éternelle. Le roman est excellent, l'écriture est remarquable, et c'est impossible de décrocher de cette lecture.

Windigo - Amos - 42 ans - 13 octobre 2023


Les Ornières des Québécois 8 étoiles

Ce roman raconte l'enfance et l'adolescence de l'auteure à Cartierville. À l'image de la mentalité de l'époque, l'héroïne s'est heurtée à l'étroitesse d'esprit d'une société qui baignait dans l'eau bénite. Difficile de pactiser avec le diable quand tout ramène au service d'un Dieu exigeant. Quelle surprise pour l'auteure quand elle sent le corps de son partenaire en dansant un "slow collé". L'auteure attire l'attention sur les bornes que l'on imposait, mais qui n'avaient rien à voir avec la religion. Bien écrit, ce roman plaira surtout à ceux qui veulent revivre une époque fermée à tout horizon. Grand succès de librairie lors de sa parution.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 17 janvier 2016