Liar's Poker
de Michael Lewis

critiqué par Béatrice, le 14 mars 2009
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Money money money
Ce bouquin résume une époque, les années 80 à Wall Street, vues par un type qui a été partie prenante. Une écriture journalistique, des portraits haut en couleur et des aperçus faisant apparaître la crise de subprimes comme du déjà vu.

Ca se passe à la salle de marchés de Solomon Brothers. La salle de marché c’est la jungle.
Trois thèmes :
1/ le monde des affaires, les produits financiers et les stratégies pour les placer, les effets d’aubaine et les effets pervers, les causalités et les hasards
2/ les acteurs, traders et managers, les luttes intestines et les coups bas, les farces cruelles et les blagues de potaches, le management défaillant, les effectifs pléthoriques et surtout la cupidité et l’instinct de prédateur
3/ le parcours de l’auteur : embauche, stage et job en tant que vendeur des obligations, suivi par le départ vers d’autres horizons

En 1981 Solomon Brothers met la main sur une affaire lucrative : les obligations nanties par des prêts immobiliers (ça vous rappelle quelque chose ?). C’est le jackpot – facilité par deux circonstances : la naïveté des responsables des caisses d’épargne qui fournissent les obligations et le retard pris par la concurrence avant d’exploiter à leur tour le même filon.

Solomon Brothers croît de manière incontrôlée, laisse filer les meilleurs traders à la concurrence et ne fait rien pour dompter ses guerres fratricides. Exit Solomon, entre Drexel Burnham, qui gagne des millions en créant les junk bonds (les obligations pourries).

Ce qui me gène c’est la position ambivalente de l’auteur. Dans les deux premiers tiers il présente cette bande de voyous avec un recul jubilatoire, en laissant entendre « je suis au delà de tout ça, je suis parti ». Mais lorsqu’il évoque son propre parcours, l’embauche, les premiers deals et le moment doux-amer où il reçoit le bonus de fin d’année, on comprend qu’il faisait partie du système ; du coup sa démarche critique perd en crédibilité.

Certains personnages épisodiques reviennent dans d’autres grandes chroniques ou moments clé de l’histoire de Wall Street. Par exemple le human piranha - on le croise également dans le Bûcher des vanités de Tom Wolfe. Par exemple John Meriwether – c’est le type génial qui, accompagné par deux prix Nobel d’économie, a créé le fonds LTCM, triste souvenir pour le monde de la finance.

Sorti en 90, Liar’s Poker reste d’actualité. Frissons de dégoût garantis.