Bêtes sans patrie
de Uzodinma Iweala

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 23 février 2009
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
L’horreur en direct
On estime que 100,000 enfants-soldats sont impliqués dans des conflits armés en Afrique. Dans ce premier roman, ce jeune auteur d’origine nigérienne nous fait rencontrer l’un de ceux-ci.

Agu est recruté un peu par hasard par un groupe errant de rebelles, alors qu’il s’enfuit suite au meurtre de son père. La bande utilise les tactiques habituelles pour contraindre le garçon à serrer les rangs ; menaces de mort et endoctrinement. Bientôt, Agu renie tout de son passé heureux et se transforme en une machine à tuer sanguinaire. Sa conscience par contre ne le laisse pas tranquille. Il sait au fond de lui qu’il est un ‘méchant garçon’ en dépit du fait qu’il se répète que les soldats sont faits pour assassiner. Tout au long de son périple sans but, le lecteur est confronté à l’incroyable injustice dont est victime cet enfant capturé, qui n’a aucune autre alternative que de devenir un monstre.

Le sujet des petits soldats coincés dans les guerres civiles a déjà été abordé - par Kourouma et Dongala par exemple. Ici, l’utilisation de la voix de l’enfant est particulièrement réussie. Le style est simple, très visuel et les mots employés donnent beaucoup d’authenticité au récit du jeune narrateur. Nous sommes dans l’immédiat, au milieu de l’horreur à travers les yeux d’Agu.

Évidemment, il s’agit d’un voyage éprouvant dans les jungles reculées d’une Afrique gluante, puante et irrationnelle. Nombreux ne pourront soutenir les violences explicites. Boucheries, tortures et viols sont au menu. Bizarrement, parce que c’est un enfant qui nous parle, avec le langage coloré de l’innocence, ça se digère mieux, sans pour autant perdre son tranchant.

Un autre roman bouleversant nous rappelant que l’homme est si prêt de la bête.

(Prix John L. Rhys, B&N, L.A. Times 1er, Young Lions)
enfant soldat 10 étoiles

Un témoignage bouleversant, qui nous montre comment un enfant gentil comme tout peut se faire enrégimenter dans un pays en guerre et en venir à commettre les pires crimes contre l'humanité. D'une portée universelle, ce récit nigérian fait froid dans le dos. Le traducteur a su restituer d'une façon originale et tout à fait crédible le parler savoureux d'un enfant, pourtant doué, mais à qui l'école a été interdite: une langue qui fera sans doute se retourner dans sa tombe (si elle existe) la fameuse Princesse de Clèves si chère à qui vous savez...

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 20 septembre 2009