Vacance
de Cati Baur

critiqué par Shelton, le 11 février 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Et c'est parti...
Qui n’a jamais eu le fantasme de tout laisser tomber et partir sans se retourner vers un ailleurs inconnu et imprévisible ? Attitude égoïste ? Pure folie ? Abandon de poste ? De famille ? Lâcheté ? Oui, tous ces qualificatifs seraient bien réels s’il s’agissait d’autre chose que d’un rêve, d’une envie, d’une idée qui nous traverse un instant la tête lors d’une colère ou d’un désespoir, lors d’une grosse fatigue… Mais, quand il s’agit d’une réalité, alors on parle d’un « pétage de plombs » !
Marie est en vacances, à la montagne. C’est la fin de cet instant de détente, il va falloir rentrer à Vélizy, retrouver ses élèves, sa vie quotidienne… En a-t-elle envie ? Dans une station service sur le retour, le long de l’autoroute… la voilà qui franchit son Rubicon… Elle s’éclipse, elle quitte sa vie et se met, un instant, en vacance de la réalité.
Pourtant, Marie a une famille, un mari, un enfant… Mais, rien ne peut, du moins en cet instant, la retenir, la rattacher à la vie. Il lui faut partir ! Elle doit respirer ! Se remettre sur pied ! Cati Baur nous conduit alors dans une thérapie itinérante, celle qui donnera à Marie les moyens de vivre, de revenir chez elle et à nous, pauvres lecteurs, de vivre intensément, par procuration, l’équivalent.
Sur ce chemin, passant par le sud de la France et l’Italie, il y aura des moments de solitude, des rencontres, de la tendresse, de l’animalité, de la sensualité, de la richesse, de la pauvreté, du bonheur, de la détresse… Bref, la liberté prend tous ses visages, des plus beaux ou plus sordides…
Se faire baiser par un routier dans une chambre de Formule 1 peut relever du fantasme, de l’indicible mais ce n’est pas aussi poétique que de croiser le Prince Charmant sur son fier destrier… Mais, il n’y en a pas tant que cela sur l’autoroute du sud…
Egoïste ? Oui, si on considère les évènements avec méticulosité et analyse rationnelle : un mari abandonné qui souffre, un enfant qui s’interroge sur cette absence inexplicable, une mère qui revit le départ de son mari (le père de la fameuse Marie), des amis qui ne savent plus quoi penser, des économies qui fondent (au soleil)… Insouciance ? Oui, aussi, et inconscience du mal qu’elle peut semer y compris chez ceux qu’elle croise, qui attendaient, qui sait, plus de ces rencontres… Je pense à ce peintre qui finira par vendre de dépit ce portrait particulier dans lequel il avait mis toute sa fougue et, probablement, un peu d’amour…
Mais il fallait que Marie passe par cette phase décousue et débridée de sa vie, par cette confrontation avec ses pulsions destructrices pour se remettre en selle et reprendre goût à la vie, à sa vie !
Cati Baur n’est pas très directive ou catégorique sur la fin de l’histoire. Qu’adviendra-t-il de Marie ? Rejoindra-telle son mari et son fils ? Trouvera-t-elle une autre voie ? Cela est du au fait que Marie est aussi un peu Cati et qu’elle se laisse de l’espace pour écrire sa propre vie. Comment pourrait-elle s’enfermer dans une vie calibrée alors qu’elle a moins de quarante ans ?
Cette femme, auteure dans sa plénitude, veut, aussi, nous laisser choisir les orientations pour Marie – pour nous aussi – sans nous donner d’ordre, elle qui a toujours choisi la liberté !
Certains, les grands amateurs de l’eau de rose ou de la réalité qui chante imagineront Marie et Martin se retrouvant dans le bonheur doux de leur petit logement… D’autres préfèreront un nouveau départ avec un routier de passage… certains pourraient même imaginer une fin plus dramatique… Mais, là, dans cet album Vacance, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise solution, chacun écrira la sienne !
Cati Baur nous offre là une magnifique destinée, avec une narration graphique évocatrice de très grande qualité et d’une efficacité certaine à défaut d’un réalisme académique. J’aime beaucoup car on comprend tout, on touche tout, on sent, on ressent et vit au rythme de Marie durant plus de cent pages…
On avait pu suivre le travail de Cati sur son blog, puis dans un petit ouvrage de la collection Shampoing (J’arrête de fumer), mais avec Vacance, elle devient une grande auteure, oui, vous savez, une vraie… Et ça fait plaisir à voir, à lire ! Bravo Cati ! Il faut savoir aller au bout de ses envies, comme ton héroïne Marie. Bon vent ! Continue, dessine, raconte, enchante-nous !