Daphné disparue
de José Carlos Somoza

critiqué par Bluewitch, le 11 février 2009
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
Retrouver sa vie
"Je suis tombé amoureux d’une femme inconnue". Quelques mots écrits par lui-même qui mettront Juan Cabo, écrivain à succès, sur la piste de sa vie, disparue de sa mémoire après un accident de voiture.

Mince indice qu’il tentera de compléter par un retour en arrière, un passage par ses habitudes antérieures : par ce restaurant où chacun peut écrire ce qu’il veut en dînant et laisser là ses notes à reprendre plus tard. Notes où d’autres comme lui auraient évoqué une jolie femme à la table quinze mais qui auraient été étrangement modifiées. Poursuivant la recherche de sa propre histoire, Cabo finit dans le bureau d’un détective spécialisé dans les affaires littéraires et rencontre une « muse » pour les écrivains en panne d’imagination (femme qui lui évoque celle de la table quinze et qui pourtant, il le sait, n’est pas LA femme). Il se laisse emporter dans un tourbillon de dérapages de la réalité, où la folie ne manque jamais d’ouvrir sa bouche sans dents pour tenter de le happer.

Puissance de l’écriture, pistes troubles, jusqu’où peut aller ce pouvoir-là ? Celui de l’auteur, celui de ses mots, celui de l’inspiration, celui du détournement de la réalité, de son mélange à la fiction ? Qu’en est-il de la crédibilité ? Quelle importance a-t-elle, au fond, si le but est de nous faire perdre nos repères ?

Somoza aime terriblement jouer avec son lecteur, le manipuler, le prendre à témoin et le rendre, en fin de compte, acteur de son histoire.

Beaucoup de plaisir à lire ce roman, habilement structuré, au style toujours fluide, comme dans les précédents ouvrages de Somoza, même si ses deux premiers (La caverne des idées et Clara et la pénombre) restent pour moi, à ce jour, ses plus talentueux.
A la recherche d'une femme perdue 8 étoiles

José Carlos Somoza joue avec la littérature et ses romans sont toujours bien construits, un peu labyrinthiques. Ce roman est parsemé de réflexions sur l'art d'écrire, sur l'inspiration, sur la relation qui unit le lecteur à son livre ... Ne serait-ce que pour ces points j'ai trouvé le roman passionnant et me suis laissé embarquer dans cette histoire dont la structure rappelle le polar.

Juan Cabo est devenu amnésique suite à un accident de voiture. C'est à l'hôpital qui découvre qu'il est écrivain, un auteur célèbre de surcroît et récompensé par un prix littéraire. On lui conseille de prendre un carnet et de noter les épisodes marquants de ses journées ainsi que les personnes qu'il rencontre avec quelques qualificatifs afin de reconstruire son identité. Sur des notes écrites avant l'accident, il est attiré par le fait qu'il était tombé amoureux dune femme, vue de dos dans un restaurant. Il n'en sait pas plus sur elle.
Le personnage principal fait de nombreuses rencontres et espèrent trouver des informations sur cette femme.

Tous les personnages du roman sont liés à l'acte d'écrire. Dans ce restaurant, tous écrivent. C'est même le principe de ce lieu : on y mange à côté d'un calepin afin de rédiger en même temps. Des muses sont aussi engagées pour susciter l'inspiration des auteurs. Juan Cabo consultera donc de nombreux textes afin de démêler le vrai du faux et ce sera mission délicate.
En même temps que le personnage féminin se construit c'est celui du narrateur qui se développe aussi, lui qui ne sait plus qui il est.

L'intrigue en elle-même, qui est une enquête, est plaisante à découvrir mais n'est pas capitale à mes yeux. En revanche toutes les réflexions sur le livre, sur l'inspiration, sur le personnage de roman, sur la fiction et le réel sont très intéressantes. Les renvois aux "Métamorphoses" d'Ovide et le mythe de Daphné et d'Apollon permettent de découvrir un autre niveau de lecture, plus littéraire et plus séduisant.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 24 septembre 2017


Si on aime être ballotté... 6 étoiles

Un univers étonnant, une construction habile, rien de plus à ajouter. Sauf que si on n'est pas bien réveillé, on peut vite être dépassé.

Le lecteur peu familier de ce type de littérature sera malgré tout agréablement surpris par ce roman.

Mais dans le genre, je recommanderais de consommer à doses filées. Pas trop longtemps, pas trop souvent : la prise de tête n'est pas loin. Et, partant, le souvenir de cette lecture un peu complexe se dilue d'autant.

Lutzie - Paris - 60 ans - 11 octobre 2009