L'homme couvert de femmes
de Pierre Drieu La Rochelle

critiqué par Baader bonnot, le 10 février 2009
(Montpellier - 41 ans)


La note:  étoiles
Une profondeur hallucinante!!
Drieu La Rochelle est un auteur tracassé, tant par ses idéaux politiques que par des sentiments qu'il ne parvient pas à cerner.

Dans "l'Homme couvert de Femmes", il atteint une profondeur psychique jamais égalée dans un roman. Il creuse dans ce néant complexe qu'est le cerveau et établit une jonction entre mysticisme et réalité.

Dès les premières pages, le personnages principal, Gille, apparaît charmeur et indifférent à l'amour. Il joue à "je t'aime moi non plus" avec Finette, une veuve qu'il convoite avec paresse. Il commence donc par avoir des relations brèves et jetables avec les amies de Finette qui paraissent un peu plus avenantes à son égard. Finette, de son côté, utilise le prétexte du mari défunt pour éviter toute forme d'engagement tout en avouant l'égoïsme qu'elle cultive à l'égard des hommes.

Puis les langues se délient, les personnages se confient à Luc, le frère de Finette. On apprend que Gille a une conception étrange des femmes, une sorte de traumatisme qu'il traîne depuis son adolescence et qui le rend incapable de garder une femme. Resté longtemps solitaire, le jeune Gille s'est forgé une image quasiment parfaite de la Femme, si bien qu'il se focalise sur le moindre défaut lorsqu'il a une relation. Là interviennent les putains, thème récurrent chez l'auteur. Ecoutons-le: "C'est pourquoi il allait aux filles, parce que chez elles, rien ne venait en travers de son immédiat désir, il les avait tout de suite nues dans ses bras, son regard se portait directement à leur poitrail, et non pas à leur visage où, avec les autres, il s'égarait à un déchiffrement subtil".
Les putains lui permettent de ne faire attention à aucun défaut qu'il aurait remarqué en faisant la cour à une femme normale. Pour Gille, la femme n'est désirable que dans l'immédiat, lorsqu'il l'imagine encore dans son rêve, dans la conception qu'il s'en fait. En réalité, les femmes qu'il désire ne sont que fictives dans son esprit.

Puis arrive Jacqueline, une ancienne maîtresse qu'il a aimé. Dans sa tête, le combat est rude. Comment laisser la place à Finette si Jacqueline y est encore présente. Il tente alors de contrôler ses sentiments afin de faire le vide. Il appelle "Amour" la "Jalousie", en évoquant l'Amour qu'éprouvait Jacqueline envers son premier amant. Il tente de se persuader qu'il n'a jamais aimé Jacqueline et essaye de développer son âme dans ce sens-là. Le dialogue entre Gille et Jacqueline part très vite dans l'imaginaire tant la réalité s'avère faible pour fournir des raisons valables à tant de tourments. Gille parvient donc à une sorte de conclusion relativement pessimiste. Il affirme qu'aucune femme ne compte plus que les autres. Chacune apporte quelque chose et la dernière femme que l'on garde serait un signe de fatigue plutôt qu'une marque de qualité.

Le vide qu'a tenté de faire Gille dans sa tête ne lui a pas fait aimer pour autant Finette, qui en revanche, est tombée amoureuse de lui. Gille part et délaisse Finette, toujours tourmenté par ses sentiments qu'il n'a pas réussi à éclaircir.

"L'Homme couvert de Femmes" est un roman complexe qui va très loin dans sa réflexion sur la naissance des sentiments humains. Les femmes, principal sujet du roman, sont surtout abordées d'un point de vue masculin, de celui de Gille plus précisément. Mais elles reflètent également une certaine temporalité, éphémère comme éternelle. Un livre court mais intense qui vaut vraiment le détour.