Gregor von Rezzori présente le profil type de cette civilisation disparue, celle de la Mitteleuropa, terme qui regroupe cette région d'Europe qui englobe Pologne, les pays tchèques, le Nord des Balkans, les Carpates, l'Ukraine et les contreforts de la Russie blanche.
Fils d'aristocrate autrichien, son monde est confronté à sa chute née de la fin de la Première Guerre Mondiale: la dissolution de l'Empire habsbourgeois a donné lieu au redécoupage de la carte de la région et donné naissance à de nouveaux états. La famille von Rezzori voit ainsi la Bucovine, terre ancestrale devenir roumaine.
Les vieux antagonismes cependant n'ont pas pris fin, la méfiance réciproque entre "Nationaux" (Roumains), Allemands de souche et Juifs est omniprésente dans ce récit autobiographique de von Rezzori.
En particulier, la défiance des non-Juifs envers les Juifs constitue le fil rouge du livre qui, au fil des cinq chapitres qui le composent examine le rapport particulier qu'entretient le jeune Rezzori avec les membres de la communauté : un mélange d'attirance et de répulsion viscérale héritée de son éducation.
On comprend ainsi la montée d'un antisémitisme institutionnalisé entre les deux guerres. Très visible en MittelEuropa , la communauté juive cristallisera les frustrations et les ressentiments des populations jusqu'au point de non-retour que l'on sait.
Le style de von Rezzori sert admirablement le récit de sa jeunesse. On prend un réel plaisir à parcourir cette contrée si inconnue de nous, Européens de l'Ouest.
Des cinq chapitres, cinq tranches de vie, le dernier, intitulé Pravda, est cependant moins intéressant: les digressions habiles, les entrelacs audacieux qui émaillent le reste du texte se font ici confus et l'on se perd dans l'explication de l'auteur sur la fin de sa vie...
Malgré ces trente dernières pages décevantes, ce livre est à recommander!
Vince92 - Zürich - 47 ans - 16 janvier 2013 |