La triste histoire d'Elvira Madigan et du lieutenant Sixten Sparre
de Asger Schnack

critiqué par Dirlandaise, le 5 février 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
D'une incroyable beauté !
Le lieutenant Sixten Sparre appartient à une riche famille de l’aristocratie suédoise. Àgé de trente-quatre ans, il est marié et père de deux enfants. Mais son mariage est mort, ce n’est plus qu’une vilaine mascarade afin de sauver les apparences et préserver une situation sociale enviable. Sixten Sparre est non seulement lieutenant mais il est aussi poète et critique de spectacles. Un jour, il assiste à une représentation de cirque et tombe amoureux de la belle Elvira Madigan, une funambule gracieuse et belle à couper le souffle. Mais Elvira traîne avec elle une réputation de froideur glaciale et Sixten entreprend de la conquérir à coups de lettres enflammées et d’une passion débridée. Le temps finit par avoir raison des réticences d’Elvira et les deux amoureux s’enfuient, faisant de Sixten un déserteur recherché par la police et d’Elvira une fille perdue reniée par sa famille. S’ensuit alors une fuite éperdue dans toute la Suède et ensuite au Danemark. Le couple vit dans un rêve amoureux passionné jusqu’à ce que la réalité finisse par les rattraper…

Un livre merveilleux, un hymne à l’amour, une symphonie de sentiments et de passion, un voyage au pays du rêve, une orgie de beauté et une histoire triste à pleurer et si émouvante… L’écriture est incroyablement belle et poétique, elle relève souvent de la métaphysique et de l’abstrait. Cela demande un effort de concentration mais c’est d’une beauté irréelle et emporte le lecteur dans un monde hors du temps et de l’espace, un monde de fine sensualité, d’exaltation des sens, de sentiments d’une pureté non-terrestre.

Le premier chapitre est en fait le dénouement de l’histoire. C’est une merveille d’écriture, une forte dose d’émotions quasi-insoutenables, une prodigieuse et troublante débauche de sensualité pure. Ça touche au divin et lire cela, c’est entrer dans un univers de ravissement et d’allégresse dont on ne veut plus revenir et qui nous rend la réalité bien terne. Les autres chapitres relatent la vie de Sixten et celle d’Elvira avant leur rencontre foudroyante qui scellera leur destin. Euphorisant !

« Ils étaient sous l’effet d’un charme. Envoûtés. Peut-être évoluaient-ils dans un monde fictif. Peut-être étaient-ils seuls au monde. Tout mouvement ne serait-il qu’un conte forgé de toutes pièces par le mouvement lui-même ? En vérité, leur état n’était pas simple à comprendre, car il leur tombait des poches de petites créatures, de petits animaux transparents et ailés que l’on retrouvait plus tard sous forme d’éclats de verre, le long de la promenade. »

« Cette étonnante poussière qui se déposait partout. Si riche en nuances bleues, d’où venait-elle ? Elvira, baignée d’une lumière dorée, se détachait du mur bleu. Il donnerait sa vie pour s’unir à elle. Une fois pour toutes devenir son ombre, sa silhouette, une substance que l’on pourrait extraire de sa danse, de son passage sur terre. Si quelque chose avait un sens, c’était sans doute celui-là : disparaître, devenir une part de ce que l’on aimait, de l’aimée. D’autrui, de l’autre. »

« La fuite se poursuivait ; l’oubli se retirait un peu plus chaque seconde, et les réalités sortaient de leur cache avec une accablante violence. Elles illuminaient la pièce de leurs yeux de chats infâmes, ou bien était-ce les lanternes sourdes de la nuit ? Rien n’y faisait, ni orgasme, ni tendres baisers. Aussitôt après, une armée de messagers, d’impitoyables pinailleurs, venait immanquablement frapper à leur porte. Ils devaient s’acquitter par la mort, avec les intérêts des intérêts. »