Le lieu perdu
de Norma Huidobro

critiqué par Falgo, le 3 février 2009
(Lentilly - 85 ans)


La note:  étoiles
Révélateur singulier et prenant de l'âme humaine
Argentine, 1977. Débuts de la dictature militaire qui causera (chiffre plausible mais invérifiable) 30 000 morts et disparus. Quatre personnages dans un petit village du Nord-ouest du pays. Une absente qui les relie et noue le drame qui se pressent dès la première page.
Il y a deux femmes âgées, l'une protectrice, l'autre malveillante, autour du pivot de l'intrigue, Maria, qui est l'objet d'une enquête de la part d'un policier - tortionnaire venu de Buenos Aires, Ferroni.
Celui-ci est lancé, contre son gré, sur les traces d'un supposé gauchiste en fuite. Il vient dans ce village perdu rechercher des lettres que la compagne de celui-ci, Matilde, originaire du village et partie vivre l'aventure de la capitale, aurait adressées à son amie d'enfance, Maria. On pense trouver dans ces lettres des indications permettant de localiser le couple envolé de son domicile.
Sur l'intrigue de base qui révèle la trouble personnalité de Ferroni se greffe l'histoire de l'amitié entre les deux jeunes femmes: l’exilée qui découvre la vie urbaine, la recluse qui se morfond entre son bar, les deux vieilles et sa tristesse, mais conserve espérance et limpidité.
Ce texte à la fois réaliste et intensément poétique dévoile des mouvements noirs et blancs de l'âme humaine. Il est ancré dans le Nord-ouest de l'Argentine, on y déguste "empanadas" et "tamales", on y prépare la "chicha", mais ce qui s'y passe a une vocation universelle. Rien d'extravagant ne vient perturber un récit qui nous dit combien la vie quotidienne peut receler de tensions, de déceptions et d'aspirations.
Un grand bouquin par une jeune auteure inconnue qui ne devrait plus l'être rapidement.