Primo
de Maryline Desbiolles

critiqué par Alma, le 28 janvier 2009
( - - ans)


La note:  étoiles
le tombeau d'une grand-mère
« Depuis quelque temps le personnage de ma grand-mère italienne, ce que je savais d'elle, mais surtout ce que je ne savais pas, pas bien, me tirait par la manche, faisait des apparitions dans mes livres . J'ai voulu voir de plus près . Je suis allée à Turin, où elle s'était rendue dans les années 30, en plein régime mussolinien, pour accoucher de son deuxième enfant, accompagnée du premier-né, Primo, qui disparut alors mystérieusement . Je suis allée à Annecy où l'empoigna un autre drame, à la Libération, en pleine fête du 14 Juillet……... C'était un mouvement qui m'emportait, qui m'inventait, ……… » écrit Maryline Desbiolles dans les premières pages de son roman . Celui-ci se présente comme un moyen permettant de faire émerger des brumes du passé une vérité familiale longtemps tue ou distillée à demi-mot .

En mettant ses pas dans ceux de sa grand-mère, elle fait de celle-ci la figure centrale de son œuvre . Elle est à plusieurs titres un personnage essentiel :

d’abord dans la formation affective de l’auteur puisque c’est elle qui, dans son enfance, l’a familiarisée avec la notion de mort, lui racontant la guerre . Le roman croise le domaine de la famille et de l’histoire, le contexte historique apparaissant, dans certains passages, par des informations précises et chiffrées sur ce qu’a connu la Savoie de 1940 à 1945 .

Mais c’est surtout dans la seconde moitié de l’ouvrage que la grand-mère prend une dimension symbolique . Elle devient la figure allégorique des mères éplorées tenant dans leurs bras leur enfant mort . Dans une longue phrase sinueuse qui, telle une incantation, emmène le lecteur dans sa spirale envoûtante, Maryline Desbiolles donne de sa grand-mère revenant au village son enfant mort dans les bras, l’image d’ une piéta, qu’elle associe à toutes les mères victimes de la guerre « « la femme noire du Libéria portant la fillette au crâne ensanglanté, et aussi les femmes arméniennes, ukrainiennes, cambodgiennes, tchétchènes… ….et puis la file des femmes juives dont les enfant sont morts un peu avant elles dans les chambres à gaz … »

Roman d’une famille dont le destin s’inscrit dans le cadre historique de la guerre , portrait d’une femme digne dans l’épreuve, ce roman magnifique , écrit dans un style souple, élégant et toujours chargé d’intense émotion ,constitue en même temps un tombeau : un hommage littéraire à la mère, blessée dans sa chair et dans son cœur .