Le square des héros
de Eva Kavian

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 26 janvier 2009
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Savoureux mélange d’humour et d’émotion
Le premier adjectif qui me vient à l’esprit pour décrire « Le square des héros » est : savoureux. Léa, héroïne et narratrice âgée de 12 ans, pré-adolescente qui n’a rien de « gnangnan », a de grandes ambitions : elle voudrait écrire un livre. Sa maman lui apporte son aide en lui distillant des conseils avisés puisqu’elle est elle-même écrivain. Ecrivain en panne, mais écrivain dans l’âme. On reconnaîtra évidemment Eva Kavian sous les traits de la maman, les allusions sont claires.

Un deuxième adjectif, tout de suite, succède au premier, presque aussi intensément : humoristique. Cette petite Léa, du haut de ses 12 ans, a parfois des réactions d’adulte dans un vocabulaire de pré-ado, ou à d’autres moments un regard d’enfant (c’est-à-dire tantôt lucide, judicieux, sans préjugés, tantôt naïf) sur le monde des grands. Cela donne des réflexions drôles, légèrement décalées. Elle décrit les habitants du quartier dans lequel elle vit : ses copains, leurs mères (pour la plupart célibataires), un père (homosexuel), la grand-mère de l’un, le grand-père de l’autre, … Tout ce petit monde se côtoie régulièrement, les barbecues fleurissent pour un oui ou pour un non, le quartier devient une gigantesque famille. Moi qui vis sans aucun contact avec mes voisins, dans une maison retirée à la campagne, j’ai découvert avec envie cet univers d’échanges improvisés, ce foisonnement d’activité.

Mais ce livre est aussi l’évocation plus poignante d’une famille qui vit dans un total dénuement et qui vient d’emménager dans le quartier. Intrigués, les enfants seront les initiateurs d’une prise de contact, relayée ensuite par les adultes, adultes bouleversés par l’état de crasse et de pauvreté dans lequel survit cette famille.

Quel trait de génie de la part d’Eva Kavian que d’avoir choisi une fillette de 12 ans comme narratrice. Cela lui permet d’aligner côte à côte la candeur et la clairvoyance sans que cela semble contradictoire. Et puis, une lecture pendant laquelle le sourire ne quitte pas vos lèvres, c’est tellement rare que cela mérite le détour !