Les seins de café : Edition intégrale
de Jean-Claude Servais

critiqué par Shelton, le 24 janvier 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une petite tasse de café ?
J’ai déjà présenté l’auteur principal de cette série, Jean-Claude Servais. Je me permettrais de compléter en citant les mots qu’il donne lui-même quand il parle de son univers, de ses créations, de ses histoires : la nature, les femmes, sa Gaume, les contes, les légendes, le monde fantastique… je crois que c’est un résumé, une synthèse de très bonne qualité.
La nature est présente par la forêt, les animaux, le temps. Oui, chacune de ses histoires ne fonctionne que parce que les arbres sont là. Ils permettent de se cacher, de faire de l’ombre, de donner à ses histoires des décors somptueux.
Les femmes sont plus que présentes. Ce sont elles les héroïnes des récits. Les hommes ne sont souvent que passifs, victimes, consentantes ou pas, voir, parfois, les traîtres. Ses femmes ne sont pas des mannequins blonds en attente d’amour… Non ! Ce sont des actrices qui prennent leurs destins en mains et se construisent des vies fortes même quand tout se termine en drame avec la mort…
La Gaume – que les Belges m’excusent, mais je ne connais pas cette région cher au cœur de Jean-Claude Servais – représente pour lui le cœur du monde. Pas un lieu refermé sur lui, car ils sont nombreux ceux qui y passent dans ses histoires, une terre équilibrée, une terre magique, une terre qui sait donner le bonheur de l’instant présent à celui qui accepte de le cueillir. Le baiser entre deux êtres, derrière un arbre, sans arrière pensée sur ce qui pourra advenir demain… c’est tout le bonheur de la Gaume !
Conte, légende et monde fantastique… En fait, on devrait dire réalisme de l’auteur qui est persuadé que le bonheur saisi dans sa Gaume était le fruit, le don d’un ange ou d’une fée qui passait par-là… Quant au drame, à la violence, à la méchanceté, ils seraient le fruit du…
Oui, c’est cela l’univers de Jean-Claude Servais, un monde qui nous surprend, nous séduit et nous invité à regarder différemment la forêt, les arbres, les femmes, le bonheur…
Les seins de café, pour parler de cette deuxième histoire de La mémoire des arbres, a pour cadre les grandes forêts ardennaises qui séparent la Belgique de la France. C’est là que pendant des années, surtout au début du vingtième siècle, les trafiquants œuvraient pour tromper la vigilance des douaniers, les noirs comme on les appelait.
Nous allons découvrir des femmes passant du café en dissimulant les paquets dans leur corsage : cela leur donnait de plus belles poitrines et était très efficace…
On va donc suivre ce groupe de contrebandières, y compris lors de la guerre de 14-18, quand les soldats allemands viennent mettre leur petit grain de sel, aidés par certains traîtres…
Encore une très belle histoire d’amour, de très grandes scènes prenantes dans une forêt dont chaque arbre, chaque piste, chaque recoin sont connus de nos jeunes femmes qui font tout pour déjouer ceux qui n’ont rien compris : la vie sera toujours plus forte, plus dynamique et humaine quand on cherche à s’entraider…
Vraiment, j’aime beaucoup ces histoires racontées par Jean-Claude Servais dont la narration graphique est presque parfaite, avec une position intermédiaire entre la gravure ancienne et la bande dessinée la plus moderne. Oui, nous sommes en présence d’un géant de la bédé, le Balzac du neuvième art !