Le bal des vipères
de Horacio Castellanos Moya

critiqué par Dirlandaise, le 20 janvier 2009
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Le type de la Chevrolet jaune
Eduardo Sosa, un sociologue au chômage habite chez sa sœur et son beau-frère en attendant que sa situation s’améliore. Le quartier est relativement tranquille et notre homme n’a pas grand-chose à faire de la journée sinon lire et regarder la télé. En allant acheter quelques provisions, il apprend de l’épicière qu’une vielle Chevrolet jaune stationne depuis quelques semaines dans une rue proche et qu’un étrange clochard répugnant y habite. Eduardo prend alors la résolution de faire connaissance avec le mystérieux personnage et d’en apprendre plus sur lui. Il se met donc à accompagner l’homme chaque fois que celui-ci se rend dans un bar proche afin de faire remplir sa bouteille vide. Après de nombreuses rebuffades, Eduardo réussit à apprivoiser et découvrir qui est cet homme et quelle a été sa vie passée.

Devrais-je continuer à vous raconter l’histoire ou bien m’arrêter ici ? Je peux dire que survient alors une série d’évènements qui provoqueront une immense chasse à l’homme qui monopolisera toutes les forces policières et anti-narcotiques dont la ville dispose et que tout cela atteindra des proportions telles que la situation deviendra vite incontrôlable entraînant Eduardo dans une descente aux enfers digne de l’imagination débridée et machiavélique de Moya.

Le livre est remarquablement bien construit et avec Moya, on ne sait jamais ce qui se prépare ni où cela va nous mener mais une chose est sûre, la déception n’est pas au rendez-vous et il est inutile d’essayer de fermer le livre avant d’être parvenu au bout de cette folie, de cette histoire insensée, étrange, dérangeante, qui laisse un profond malaise mais aussi une joie de lecture incommensurable. Le premier et le dernier chapitre sont des petits chefs-d’œuvre d’imagination et de narration. L’enquête policière est rondement menée et c’est un feu roulant d’action qui ne nous lâche pas une seconde car avec Moya, pas de temps morts ni de longueurs. Il tient son lecteur en haleine du début à la fin et moi, je n’y résiste pas. Attention, ce n’est pas un polar ordinaire. De nombreux éléments inhabituels viennent ajouter une touche de grande originalité au roman en particulier dans le dernier chapitre qui réserve au lecteur des scènes érotiques pour le moins surprenantes et assez particulières. Âmes sensibles, s'abstenir...

« Et tout le long du trajet le type n’arrêta pas de me demander quelles étaient mes intentions, ce que je cherchais, d’où me venait cet intérêt à l’accompagner, à connaître sa vie ; je devais avoir quelque chose de malsain en tête, dit-il, pour perdre mon temps de cette façon, mais lui, il n’avait plus rien à perdre, ce tas de ferraille qu’il avait acheté juste au moment où il avait décidé de tout balancer par-dessus bord et de se consacrer à la simple survie, avec la bagnole comme seule propriété, dormant par période dans des secteurs différents de la ville, loin de la saloperie que nous autres appelions famille, prestige, travail. »
Un univers de bande dessinée 4 étoiles

Désolée de mêler ma voix discordante au chœur d’éloges précédent.

Je concède que j’ai lu avec intérêt les 20 premières pages, jusqu’à la mort de Don Jacinto : sorte d’illustration du célèbre refrain « non, les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux … », mais ensuite, je n’ai rencontré que de la violence gratuite, du style massacre à la tronçonneuse. On trouve, certes, une certaine satire sociale, mais elle m’a paru bien conventionnelle, égratignant ceux qui disposent d’une forme de pouvoir, mais n’ayant rien de bien corrosif . A la fin, une scène « hot » inattendue : la « gâterie » des vipères au narrateur, qui ne semble là que pour justifier l’expression : vipère lubrique…..

Un personnage déjanté dans un univers de BD, auquel je suis restée étrangère

Il me faudra lire un autre roman de Castellanos Moya si je veux me mettre au diapason des Cliens inconditionnels de cet auteur avec lesquels j’ai pourtant partagé nombre de coups de cœur . Mais quel roman ?

Alma - - - ans - 9 mars 2012


Un rythme effréné ! 9 étoiles

Ce n'est que le deuxième livre de Moya que je lis mais je retrouve cette fièvre créatrice qui nous embarque et qu'on ne peut que suivre, présente dans "la mort d'Olga Maria". Le livre est court : impossible de le fermer avant la fin.... On est happé, dérangé et fasciné à la fois ....Des moments d'un réalisme sordide alternent à d'autres où s'étale l'imaginaire le plus débridé !
Je n'ai pas envie de qualifier ce livre de "polar", bien sûr le héros et ses "filles" sont recherchés, avec raison, mais le fond du livre se situe plus, pour moi, dans cette folie érotique et destructrice qui envahit soudainement un monsieur extérieurement "Monsieur tout le monde" !
Contrairement à Septularisen, j'ai accepté de rentrer dans ce que l'auteur veut bien nous donner à voir et à comprendre et j'ai adoré la fin, pour le moins déconcertante ....
La construction du livre : parfois le héros parle, parfois c'est l'univers journalistique et policier qui prend le relais,et cette écriture apporte une richesse supplémentaire au lecteur.
Moya, dans ce livre écorne sérieusement une société pas très jolie mais sait y mettre la touche d'humour qui nous enchante !
En résumé : un livre fou à découvrir absolument !

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 5 janvier 2012


EDOUARDO SOUSA ET SES "FILLES" 6 étoiles

Je ne reviendrai pas ici sur l’histoire de Edouardo Sousa, déjà amplement décrite plus haut. Disons simplement qu’un jour ce jeune désoeuvré «pète un câble», et pour on ne sais quelle raison d’ailleurs, il tue et usurpe l’identité d’un clochard, Don Jacinto Bustillo, afin de vivre sa vie, de faire la connaissance des personnes qu’avait connu et fréquenté le clochard, et bien sûr de… les tuer !..
Le tout à bord d’une Chevrolet jaune d’un autre âge et surtout accompagné de Loli, Beti, Carmela et Valentina, dont je vous laisse découvrir l’identité en lisant ce livre…

Très vite la ville se retrouve à feu et à sang. L’armée et les forces de police sont impuissantes à endiguer la vague de violence qui s’abat sur la métropole, car personne ne peut prévoir où et quand le clochard en Chevrolet jaune et ses quatre «filles» vont encore frapper…

Ce livre peut être bien sûr lu comme un polar, puisque basé sur un série de crimes et de l’enquête qui s’ensuit pour les élucider. Il s’agit toutefois avant tout d’une satire sociale plus ou moins réelle et parfois assez burlesque il faut le dire. Tout le monde en prend ici un peu pour son compte, l’armée, la police, les politiciens, les corrompus, les corrupteur, les journalistes, les bourgeois, les médecins, les pharmaciens… L’auteur n’épargne rien, ni personne, n’hésitant même pas à se moquer du président et de sa «cour»…

L’écriture d’Horacio CASTELLANOS-MOYA est toujours aussi belle, facile à lire, rapide, nerveuse, avec ses phrases simples mais très bien ciselées, très stylisées. Rien à redire, il y a là un style MOYA, et la patte d’un grand écrivain… L’imagination de l’écrivain ne semble d’ailleurs avoir comme limite que celle de l’imagination de ses lecteurs, et on se prend à tourner, tourner et encore tourner les pages pour savoir où l’écrivain veut en venir, et où il veut nous entraîner…

Malheureusement, je dois dire que la fin de l’histoire m’a déçu. Trop rapide, trop bâclée, pas claire du tout. On ne comprend absolument pas certaines choses, ni certains événements, ni les motivations profondes du personnage principal et l’auteur ne se donne absolument pas la peine de nous les expliquer… A la fin on a l’impression que l’auteur lui-même ne sait pas ce qu’il veut faire de ses personnages. Il disparaissent simplement ! L’auteur ne nous en parle plus et essaye juste d’en terminer au plus vite avec son livre…L’histoire tourne donc un peu en rond et se finit en queue de poisson…

En conclusion je dirai qu’il s’agit ici d’une très belle et très agréable lecture, si on ne tient pas trop compte de la fin du livre.

Septularisen - - - ans - 30 novembre 2011