Où qu'on va après ?
de Chantal Dupuy

critiqué par Sahkti, le 9 janvier 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Les mots pour le dire
Psychologue clinicienne et poète, Chantal Dupuy-Dunier a animé pendant des années un atelier d'écriture et de lecture poétiques à Clermont-Ferrand. Elle est également membre du Comité de rédaction de la revue poétique ARPA.
Sa passion l'amène à régulièrement intervenir dans les classes et à donner des spectacles-lectures. Une approche de l'enfant qui se retrouve au centre de ce recueil tendre et doux, comme un fruit dont on dégusterait les quartiers afin d'en déceler les saveurs secrètes. Amères, piquantes, tristes et pourtant pleines de lumière, ces nuances se déclinent au fil des pages en autant de fragments poétiques mis subtilement en valeur par les illustrations d'Elena Ojog.
Il s'agit de raconter la mort aux petits, plus jeunes, aux grands aussi. De baliser quelques pistes qui permettront d'aborder le sujet en poésie, comme une comptine murmurée dans l'oreille pour expliquer les grands départ. Dire que "La mort, c'est simplement: Ça dort. (...) Ça dort profondément. mais ça ne se réveille pas".
La simplicité et les mots de Chantal Dupuy-Dunier m'ont séduite pour la sincérité qu'ils dégagent et la complicité qu'ils font naître. Il y a des petits traits d'humour, des instants de lucidité, de la gravité mêlée à la légèreté, c'est musical et aérien... de quoi faire passer en douceur un thème bien compliqué et émotionellement chargé.


"Les animaux,
les petits,
les gros,
ils meurent pas toujours des mêmes causes
mais ils meurent tous,
même le loup,
même les puces sur le dos
du loup de la chèvre de Monsieur Seguin.

(et même Alphonse Daudet,
l'inventeur de la chèvre,
il est mort.
Mais j'anticipe...) "
C'est cru, c'est net, c'est dit. Mais c'est aussi plein d'humour et de belles images 9 étoiles

Quarante sept pages de bonheur. Je ne sais si c'est vraiment bien de commencer ainsi pour vous parler de la mort ; mais si vous ouvrez Où qu'on va après ? il y a de grandes chances pour que vous pensiez comme moi.

Chantal Dupuy-Dunier, elle, ne se pose pas la question. Elle fonce. Elle n'a pas tort, vous me direz. La vie c'est court. Et :

"La mort,
c'est simplement : Ça dort.

Tout ce qui vivait,
tous ensemble
les fleurs
les chats
les hommes...
(...)
Cette sorte de sommeil
d'où on ne se réveille jamais."

Ce genre de choses qu'on ne dit jamais aux mômes. C'est trop petit un enfant. Ça peut pas comprendre. Et puis, c'est fragile. Faudrait pas le casser, l'abîmer, le fêler... Parce que bien sûr, quand on est grand, la mort, ça passe tout seul. Pour ceux qui restent, bien sûr, ça coule et ça ruisselle sans traces et sans bosses sous la carapace. D'un coup, on comprend tout. C'est sûr !

Si vous ne croyez pas à cela, il vous reste Où qu'on va après ?

Pour la rose, la chèvre de Monsieur Seguin, le vieux monsieur du 5ième, le petit gosse d'en face et même Monsieur Seguin : C'est idem.

"Ils meurent tous les hommes.
Ils se retrouvent un jour tous ensemble.

Ça me fait tout drôle quand j'y pense :
rejoindre au creux d'une poignée de terre
des gens qui auraient jamais voulu
me serrer la main de mon vivant"

Mais n'allez pas croire qu'avec ça, vous allez traumatiser la petite prunelle de vos yeux. C'est cru, c'est net, c'est dit. Mais c'est aussi plein d'humour et de belles images (superbes illustrations d'Elena Ojog, tout en finesse, couleur sépia) qui n'enlèvent rien à la poésie et au petit brin de philosophie qui pointe le bout de son nez.

"Et la mémoire dans tout ça ?
La conscience ?
L'esprit ? L'âme ?"

Et c'est à la fois tellement plus que tout ça, que j'ai l'impression de survoler toute la richesse de ces quarante sept petites pages.
Alors... vous laissez les découvrir.

"Je vous l'ai déjà dit :
j'suis poète, moi, pas scientifique.
Voudriez pas que je sois philosophe en plus !"

Dixie39 - - 54 ans - 28 avril 2017