Alors heureuse... croient-ils ! : La vie sexuelle des femmes normales
de Elisa Brune

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 30 novembre 2008
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Pas un roman, pas un essai, une œuvre de salubrité publique !
Voilà un livre à mettre entre toutes les mains. Enfin, entre les mains de ceux qui sont intéressés par la sexualité, ce qui doit représenter les neuf dixièmes de la population… Femmes et hommes y trouveront de quoi avancer sur ce terrain miné, non qu’Elisa Brune donne des recettes, non qu’elle revisite le Kamasutra, mais parce que son livre, en donnant la parole aux femmes (et parfois aux hommes), dresse un portrait de la réalité. Loin des hommes qui se gaussent de leurs exploits devant leurs copains, loin des femmes qui rougissent mais ne disent mot, il s’agit ici d’une collection de situations réelles, avec des personnes qui se racontent sans détours, sans fanfaronnade ni fausse pudeur. Ce qui donne, comme le précise le titre du livre, une idée exacte de la vie sexuelle des femmes normales. Et le résultat fait peur… Il semblerait que l’orgasme soit pour beaucoup de femmes une « inaccessible étoile », en tout cas en duo : le but est atteint de manière beaucoup plus efficace en solo…

Les femmes y trouveront leur compte car elles liront des situations qui leur rappelleront inévitablement quelques épisodes de leur propre vie. Avec le soulagement subséquent : je suis normale ! Ne pas jouir comme dans les films, c’est normal !

Il va sans dire qu’Elisa Brune égratigne quelque peu la gent masculine au passage… Et c’est précisément pour cette raison, messieurs, que vous tirerez peut-être avantage de la lecture de ce livre, si toutefois vous acceptez de mettre vos convictions au placard, de ne pas prendre la mouche et de revoir quelques-unes de vos pratiques. Il ne s’agit pas de lancer la pierre aux hommes, mais de leur faire voir à quel point ils sont parfois à côté de la plaque. Elisa Brune se garde bien de dire que les uns ont tort et les autres raison, elle reste au niveau des faits. Et là, difficile de la contredire…

Si toutes ces raisons n’étaient pas suffisantes pour vous faire lire ce morceau d’anthologie, j’ajouterais que tout cela est traité avec un humour savamment dosé : on se moque parfois, mais toujours gentiment. Les propos sont parfois vifs, mais jamais vitriolés. J’ai ri à de nombreuses reprises et rien que pour ça, le livre en vaut la peine. Il s’agit avant tout d’un livre qui ne se prend pas au sérieux même s’il porte sur un sujet qui devrait être pris plus au sérieux ! Un livre qui fait du bien, ce serait bête de passer à côté…
50 - 50 9 étoiles

Commençons par rendre à César ce qui lui appartient. Ce livre est bien écrit, facile à lire, il y a une certaine dose d’humour et, heureusement, il n’est pas trop féministe, il n’égratigne, in fine, que fort peu les hommes (enfin, ceux qui prennent la peine de réfléchir et qui sont honnêtes envers eux-mêmes).

Après une brève introduction sur la vie préadolescente des petits garçons et des petites filles, Elisa nous présente, dans la première moitié de son livre, c’est-à-dire sur environ cent pages, toute une série d’anecdotes qu’elle a glanées au fur et à mesure de ses « interviews », ces anecdotes venant de femmes de 15 à 45 ans qui ont eu plusieurs amants, maris ou autres dans leur vie. Donc, estimant qu’il y a eu environ cinquante-soixante interviews, pour des femmes qui ont connus en moyenne dix-douze aventures, nous obtenons à peu près six cent histoires à raconter… il est clair que sur le nombre, en retirer une quinzaine originales doit être aisé ! Et nous voyons ainsi Marie, Laeticia, Josephina, Laurence, Virginie et autres qui nous racontent leur aventure avec un sale macho qui l’a troussée à peine la porte fermée, avec celui-ci qui avait un petit zizi, avec untel qui était éjaculateur précoce, avec celui-là au contraire qui tenait tellement longtemps qu’il provoquait des cystites régulières, avec cet autre chauffeur grec qui était beau comme Apollon et qui provoquait des choses incroyables (surtout en pleine canicule adossée au bus), celui-là qui baise comme il range ses chaussettes, celui-là qui est trop amoureux pour que ce soit excitant, celui-là qui est trop macho pour que ce soit bon, celui-là qui est trop ceci ou trop peu cela et, ces quelques autres, qui ont réussi à provoquer quelque chose… Bref, comme le dit Elisa : 10 % sont impuissants (mais ils n’y peuvent rien), 50 % sont incapables (ils devraient apprendre) et 40% sont utilisables… Cette première partie relate donc ces expériences, le tout écrit avec humour en très courts chapitres, ben oui… cela fait partie de la vie, je suppose qu’un homme pourrait faire la même chose en interviewant d’autres hommes… cela entre dans les statistiques des rencontres… et surtout, cela me semble tout à fait réel, je me suis même surpris à me dire « euh oui, j’ai dû faire ça ou ça aussi une fois ou deux ! ». Bref, que les hommes en prennent de la graine.

Ah oui, sauf quand elle écrit, à la page 148, que 80 % des hommes ne savent pas ce qu’est un clitoris, ne savent pas où il est ou ne savent pas à quoi il sert ! Permettez-moi de m’insurger, mais bon…

C’est donc une bonne petite mise en bouche… si je puis dire !

La suite reprend des anecdotes plus positives, plus « chaudes » sur des actes, des positions, des idées mais surtout sur des femmes qui savent ce qu’elles font, qui savent ce qu’elles doivent faire et qui le font bien ! Et là je dois dire que, diantre, Elisa connaît bien les hommes… Nous voyons ainsi ces femmes, sûres d’elles, qui essaient les hommes, qui les entraînent, qui se les passent et qui, somme toute, les transforment en d’excellents amants !

La conclusion de tout cela est malheureusement assez claire : les hommes ne savent pas comment « manipuler » une femme pour lui faire grimper les étages et les femmes ne savent pas comment donner envie à l’homme d’avoir envie de les faire grimper ! Et on se retrouve comme deux cons (pardonnez l’expression mais c’est exactement ça) avec d’un côté un homme frustré de ne pas avoir ce qu’il veut et de l’autre côté… une femme frustrée de ne pas avoir ce qu’elle veut ! Alors qu’il serait si simple de dire « j’aime ceci et cela mais moins cela… ! »… Oui, mais ! Oui mais… pour que ça marche il faut que les deux partenaires acceptent de « faire » ce que l’autre veut… Et donc, même s’il est vrai que la majorité des hommes sont rustres (et quand je dis majorité, je n’avance pas de pourcentage) et que la majorité des femmes sont frustrées (à noter la similitude des lettres dans ces deux mots), je pense aussi qu’il y a aussi un sujet évoqué en filigrane dans ce livre (mais sans doute est-ce moi qui l’ai lu ainsi) et qui parle des femmes inhibées et des hommes frustrés… et dans ce cas aussi, aux femmes qui lisent ce livre, prenez-en de la graine !

Conclusion de la conclusion : tant les hommes que les femmes sont « fautifs » (et que ce soit par nature ou par éducation m’importe peu et je ne désire pas entrer dans ce débat car, in fine, l’origine importe peu, seule l’évolution compte) et si aucun des deux sexes ne se rapproche du désir de l’autre, cela ne risque pas de s’arranger…

Pendragon - Liernu - 54 ans - 24 février 2009


Essentiel... alarme ! 8 étoiles

Ce livre me paraît essentiel à lire, en tout cas pour les hommes. Nous en avons bien besoin ! Le "Alors, heureuse ?" me paraît le comble des illusions et du machisme.

Je lisais dans une revue que 70% des femmes n'avaient jamais connu la jouissance et que la masturbation était évidement bien plus courante chez elles.

Et nous, les hommes, nous continuons de faire circuler des blagues dans lesquelles nous accusons les femmes d'avoir toujours mal à la tête ! Quelle inconscience !... Quelle serait l'utilité de se faire chahuter pour le seul et unique plaisir de Monsieur tout en regardant les mouches au plafond ?...

Mais d'où vient cette méconnaissance du corps féminin chez les hommes ? Comment n'ont-ils pas encore découvert que le plaisir de chacun était bien plus grand quand il est partagé ?... Avoir envie est une chose, mais il me semble élémentaire que de donner envie à l'autre aussi. Il n'est pas une simple machine. Avec le temps, l'homme doit quand même savoir que si chez lui les choses sont plus mécaniques, chez les femmes elles relèvent davantage des sentiments et du cerveau.

Je crois que nous devrions plus nous remettre en question et tout faire pour que ces chiffres ne soient plus ce qu'ils sont...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 22 janvier 2009


La vie sexuelle des femmes normales. 7 étoiles

Manifestement Elisa Brune ne se considère nullement comme une experte de la vie sexuelle, mais plutôt comme une femme excédée de constater ce sujet éludé la plupart du temps ou truffé d’idées fausses ou reçues (ou les deux à la fois !).

“Au moment de publier, je m’interroge. Est-ce bien à moi de taper du poing sur la table ? Au fond, je ne vois pas pourquoi. Je devrais faire comme tout le monde et disserter sur la mondialisation.
Seulement voilà, le travail est fait et, pour l’avoir fait, autant le transmettre à ceux qui voudraient apprendre en s’amusant au lieu de filer à l’aveuglette (en général du bien mauvais coton).
Que les experts me pardonnent. Il faut parfois que quelqu’un se dévoue.”

Et donc Elisa Brune s’est dévouée, elle a laissé tomber la mondialisation, et s’est livrée à une vaste enquête auprès de femmes et d’hommes ; amies, volontaires, amis, amants.

“Les résultats furent effarants. Deux hommes sur dix conçoivent un tant soit peu l’anatomie des femmes, six sont satisfaits quand ils arrivent à bon port, les deux derniers ratent même leur propre plaisir. Côté femmes, c’est pire. Deux sur dix s’éclatent avec leur partenaire, quatre ou cinq se débrouillent toutes seules, et les dernières cherchent encore ce que jouir veut dire.”

Constat désarmant, constat désolant, qui recoupe sur un versant moins poétique ce que disait Georges Brassens dans sa chanson :”Quatre vingt quinze pour cent”. Constat indéniablement vrai surtout.
L’ouvrage est conçu en 4 époques ; “des difficultés de l’apprentissage”, “des surprises à l’usage”, “de la grande embrouille” et “des joies du dialogue”. Chacune de ces époques étant l’objet d’une quinzaine de courts sketches, qui retracent une situation donnée et en donne tenants en aboutissants.
Elisa Brune aura 2 types de lecteurs, basiquement. Les femmes et les hommes. Je suis persuadé que la lecture en est différente selon le côté où vous vous trouvez !
Je commenterai côté hommes. Pas trop confortable, il faut bien le dire. Le coup de gueule que pousse Elisa Brune, car c’en est un en fin de compte, nous incrimine de manière sérieuse. Même si les responsabilités côté ignorance du plaisir de la femme par l’homme sont largement du ressort de notre éducation judéo-chrétienne (musulmane ce serait certainement du même tonneau voire pire), il n’en reste pas moins vrai … il n’en reste pas moins vrai que les faits sont têtus ; 95%, Brassens le disait déja …
Au fur et à mesure de l’avancement de ses époques ; de l’apprentissage vers la fin des illusions, Elisa Brune resserre le sujet comme en cercles concentriques pour devenir non plus allusive ou maniant l’hypothèse, mais de plus en plus catégorique. Et la pénétration, considérée communément comme l’acte ultime et celui duquel le plaisir commun doit résulter prend une vieille claque.

“Dans le film “L’ennui”, tiré du roman d’Alberto Moravia, on voit le héros besogner sa partenaire de la plus belle façon, mettant toutes ses forces dans la bataille, avant de s’écrouler dans un râle d’agonie. Il reçoit alors ce commentaire ébloui : “Tu sais combien de fois j’ai joui ? Trois fois.”
On imagine la fierté de l’athlète.
On imagine surtout le désarroi des spectateurs et spectatrices.
…/…
La force du cliché est telle que, par moments, on recommence à douter. Par exemple, chaque fois qu’on voit s’ouvrir des yeux éberlués quand on parle de tout cela avec les hommes. Nous ne sommes pourtant pas folles. Nous n’avons pas rêvé. De toutes les femmes qui nous ont parlé dans l’intimité, aucune ne jouit par la pénétration. Est-ce que cela peut vraiment être un hasard ?”

Toujours ce hyatus inhibant, issu de notre éducation initiale et développé, amplifié, déformé par les médias courants, particulièrement le cinéma. Il faudrait que la chose soit dite, redite, affirmée. Elisa Brune le fait !
En tant qu’homme, on ne peut s’empêcher de se sentir mis sur la sellette, tant Elisa Brune donne vraiment l’impression de s’adresser aux femmes. Le côté un peu … technique, étude sociétale, pourrait nuire au propos mais le parti-pris d’histoires courtes, de cas concrets, à chaque fois concentrés sur 3-4 pages, et le traitement distancié, marqué par l’humour nous fait sourire … jaune !
Je l’imagine bien, à la conclusion de la lecture de son bouquin nous questionner :
“Alors, fier ?
A recommander en tout cas à quiconque ne considère pas le plaisir des femmes comme accessoire.

Tistou - - 68 ans - 21 janvier 2009