La pugnace révolution de Phagor
de Daniel Walther

critiqué par ArzaK, le 25 novembre 2008
( - 46 ans)


La note:  étoiles
La mouche et le bazooka
Au sein de la collection Anticipation, Daniel Walther fait un peu figure d’extra-terrestre. Alors que ses confrères ont plutôt à cœur, ou la recommandation, de faire simple, le style de Daniel Walther est quasiment précieux. Tout est à l’image du titre : « La pugnace révolution de Phagor ». Pour un peu ce dernier passerait complètement inaperçu au sein de la collection, mais le mot « pugnace » donne une image assez juste du style de ce roman. Daniel Walther a du vocabulaire, et il le montre. Il faut quelques pages d’acclimatation avant de se faire à son style, sa manière de tourner autour du pot, d’aligner les effets littéraires somme toute un peu gratuits.

Par contre, sur le fond, et c’est là le paradoxe, « La pugnace révolution de Phagor », c’est du Fleuve noir Anticipation tout ce qu’il y a de plus standard. Une histoire de révolution contre un pouvoir dictatorial sur une planète aux mœurs redevenues quasi moyenâgeuse pour ne pas dire antique. Ce qui nous vaut des scènes de franche sauvagerie (batailles, jeux de cirque) et les inévitables scènes de luxure. L’ensemble n’est pas déplaisant à lire mais, c’est la limite de ce roman, le style précieux nous met à distance des évènements racontés en quasi permanence.

Et on a un peu l’impression que l’auteur nous raconte de manière inutilement compliquée des choses relativement simple. Un peu tout le contraire des meilleurs raconteurs d’histoire de la collection (Serge Brussolo, Stefan Wul, Gilles Thomas) qui racontaient de manière simple des histoires sur le fond bien plus riche, dans leur thématique, que ce que l’on pouvait en penser au premier abord.

Ce qui rend la chose moins évidente c’est aussi la disproportion inexplicable qui existe entre certains évènements et d’autres. Walther peut nous raconter pendant tout un long chapitre (le roman n’en comporte que cinq) ce qui se passe dans une chambre entre trois individus, et nous narrer le siège d’une ville en quelques pages. Comme si ce qu’il racontait n’était qu’une simple convention, que l’histoire finalement n’avait pas beaucoup d’importance et que seul comptait le style. Si prises individuellement certaines scènes sont superbes, l’ensemble peine à maintenir un vrai suspense. Du coup, on a quand même un peu la sensation d’avoir affaire à un écrivain au style riche qui se forcerait, se briderait à faire de la SF populaire, sans pour autant renier sa manière d’écrire. Et le résultat, s’il n’est inintéressant, semble tout de même un peu vain. Daniel Walther tue les mouches au bazooka. Il y a une telle disproportion entre la finalité et les moyens utilisés. Un peu comme si on avait demandé à Gustave Flaubert d’écrire un épisode de SAS ou à Victor Hugo de nous pondre un Bob Morane.