Le tigre blanc
de Aravind Adiga

critiqué par Aliénor, le 11 novembre 2008
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Un roman amoral
Le tigre blanc en question est le héros de ce roman, Balram Halwai. L’un de ses professeurs l’a surnommé ainsi en raison de sa grande intelligence, qu’il a rarement rencontrée chez ses élèves. Une intelligence aussi exceptionnelle que ce félin. Il grandit dans une Inde pauvre et triste, doit interrompre ses études pour travailler, et ne rêve que de se sortir de cette misère. La chance lui sourit un jour, et il est engagé comme chauffeur. Il doit conduire son patron, M. Ashok, et son épouse Pinky Madam, dans les rues de Dehli, loin de la campagne dont il est originaire. Il découvre alors une autre Inde, où se côtoient les plus grandes richesses et la plus grande pauvreté. Il vit dans une cave emplie de cafards mais emmène M. Ashok dans les hôtels et les établissements les plus luxueux. Si bien que Balram finit par rêver de ce luxe pour lui-même, est ébloui par tant de faste et de lumière. Mais la richesse de son patron est en réalité le fruit d’une grande corruption, et le jour où Balram verra se présenter à lui l’occasion de changer de vie, il n’hésitera pas se monter aussi malhonnête que ce dernier. Malhonnête et meurtrier.
Ce n’est pas vous dévoiler l’intrigue que de vous révéler cela, car nous l’apprenons dès le début. Le lecteur sait tout de suite ce que Balram a fait, et apprend petit à petit ce qui l’a amené à cette extrémité. Mais ne vous attendez pas à le trouver sympathique ou à lui trouver des excuses. Ce roman étonnant est amoral de bout en bout, et son personnage principal n’est guère aimable. Bref cette lecture m’a déconcertée et me laisse une impression plus que mitigée.
La loi de la jungle 7 étoiles

Gagnant du prix Booker en 2008, « Le tigre blanc » présente une Inde gangrénée, corrompue, où l’extrême pauvreté côtoie l’extrême richesse. Balram Halwai, habitant du village rural de Laxmangarh, obtient un poste de chauffeur privé pour une famille privilégiée de New Delhi et décide de commettre un geste d’une grande violence contre son employeur pour tirer son épingle du jeu et se défaire des chaînes de la pauvreté. C’est cette histoire qu’il raconte dans une série de lettres adressées au Premier ministre chinois de l’époque, Wen Jiabao, dans le but de lui donner une leçon sur l’entreprenariat indien.

Roman cynique, sombre et amoral où l’on ne s’attache à personne, « Le tigre blanc » n’en demeure pas moins une lecture captivante. Balram Halwai n’agit que pour son propre intérêt, sacrifiant sa famille sans grande difficulté, propulsé par un puissant instinct de survie et une certaine fascination pour le capitalisme sauvage, mais on continue malgré tout de tourner les pages à plein régime pour savoir quelle sera sa prochaine machination. Aravind Adiga adopte un style simple, épuré et qui va droit au but, à l’image de son anti-héros. Son point de vue sur l’Inde est tranchant, brutal. On est loin d’une publicité pour le tourisme indien. Mais malgré tout l’intérêt intellectuel que j’ai eu pour cette histoire, je l’ai terminée sans grande émotion. C’est le désavantage de n’avoir pour personnages que des archétypes et des sociopathes.

ARL - Montréal - 38 ans - 18 mars 2019


Comment un chauffeur de maître est devenu maître de chauffeurs 8 étoiles

Ce roman de l’Inde moderne nous raconte l’itinéraire d’un homme peu ordinaire qui a décidé de prendre en main son destin, plutôt que de le subir, et ce à contre-courant de millions de ses compatriotes.

L’auteur nous familiarise ainsi avec le sort des petites gens, taillables et corvéables à merci, qui sont nés pour servir un patron, et qui envoient la majeure partie de leurs gains au village pour aider leurs familles à survivre.

Au prix d’un meurtre, le héros de cette histoire amorale a choisi de sacrifier l’existence de sa famille et de s’extraire ainsi de cette malédiction millénaire, la servitude des Ventres Creux à l’égard des Gros Ventres.

En parallèle avec un autre grand roman sur l’Inde (‘Shantaram’ de G.D. Roberts), ‘Le tigre blanc’ restitue avec un réalisme cynique, non dépourvu d’humour, l’immense misère, pécuniaire et morale, de ces oubliés de la prospérité.

Ce Booker Prize 2008 est à lire absolument !

Ori - Kraainem - 88 ans - 30 décembre 2012


Pas d'accord du tout! 5 étoiles

Cette lecture m'a déçue: une enième dénonciation du clivage des classes sociales en Inde; de l'universelle corruption qu'imposent les politiciens élus "démocratiquement" de ce pays, parmi ceux qui ont le plus profité ainsi que la Chine de la mondialisation des marchés; du joug familial toujours aussi dominateur et manipulateur, par un jeune auteur qui de son côté a reçu une éducation des plus complètes à Columbia et à Oxford, me laisse plus que perplexe.
Une Inde où les classes sociales se frôlent encore et toujours sans jamais se toucher, où les nantis vivent dans la Lumière tandis que les pauvres se noient dans les Ténèbres, au milieu des cafards, des taudis, des immondices.
L'auteur démontre la logique implacable d’un jeune homme devenu tueur, puis entrepreneur. Celui d’un modèle de réussite qui a su se défaire de ses scrupules, se libérer des chaînes imposées par des traditions ancestrales. La fin veut les moyens: ceux qu'a utilisés Balram sont nécessairement amoraux, cruels.
Le style épistolaire utilisé, soit ces missives personnelles adressées au Premier ministre chinois, permet à Balram de confesser ce parcours hors normes..., sans aucun remords!
Conte moderne, irrévérencieux, amoral, sans aucun doute!
Lecture édifiante, attachante, inoubliable, pas d'accord du tout...!

FranBlan - Montréal, Québec - 81 ans - 22 juillet 2009


Sortir des slums à tout prix 9 étoiles

Il est difficile de ne pas comparer ce roman avec celui de Vikas Swarup. Les deux optent pour un ton sarcastique dans leur démonstration du clivage des castes en Inde. Ici, les confessions du narrateur - un charmeur égoïste devenu chauffeur – donnent une touche d’authenticité à l’intrigue. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un divertissement. Le portrait de la société indienne contemporaine présenté, ne va pas vraiment plus loin que celui de Swarup.

Et tout comme chez ce dernier, c’est l’efficacité dans la livraison du récit qui est son principal atout. On ne s’ennuie pas. Notre ami Balram est drôle, incisif et un raconteur né. Ses aventures, autant fabuleuses, nous gardent en haleine du début à la fin.

- lu en version originale -

(Prix Booker, Prix Nibbie auteur de l’année)

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 23 avril 2009


Remarquable peinture de la vie quotidienne en Inde contemporaine 10 étoiles

Ceux qui ont eu la chance de visiter l'Inde, ses grandes métropoles, ses campagnes vertes ou désolées se sont souvent demandé comment pouvaient coexister une si profonde misère dans les rues des grandes villes et un luxe arrogant et insolent.

Dans un premier roman, l'auteur nous donne quelques clés en contant l'épopée du tigre blanc, c'est à dire le jeune Balram jeune paysan dans le centre de l'Inde (les "ténèbres") habitué à accepter sa misère rurale et à contempler les riches "dans la lumière" avec résignation. Il finira par rejoindre le monde des nantis par un itinéraire peu recommandable mais qui nous permettra de mieux comprendre cette société complexe.

Ce livre est en fait une confession sincère mais sans guère de remords que le narrateur adresse... au Premier Ministre chinois Wen Jiabao, considérant que l'Inde et la Chine sont confrontées au même problème, la différence étant le communisme à la place de la démocratie (la corruption généralisée faussant le constat dans les deux cas !).

J'ai énormément apprécié ce roman lucide et écrit sans fioritures.

Tanneguy - Paris - 84 ans - 4 avril 2009