Stockholm noir, tome 1 : L'argent facile
de Jens Lapidus

critiqué par BONNEAU Brice, le 8 novembre 2008
(Paris - 40 ans)


La note:  étoiles
Une excellente surprise !
A l’annonce d’une trilogie tout droit débarquée de Suède, on peut frémir et craindre le phénomène commercial qui laisse certains dubitatifs, provoqué par la série Millénium de Stieg Larsson. De l’auteur de Stockholm Noir, qui n’a de nordique que la géographie, nous ne savons pas beaucoup de choses : Jens Lapidus est un ancien avocat qui présente bien, et se retrouve en couverture d’une flopée de magazines suédois dont le sens nous échappe. Qu’importe, jugeons plutôt l’ouvrage…

Dans un Stockholm divisé par les gangs mafieux, où chacun règne en maître sur son secteur et son domaine d’activité, se retrouvent trois personnages qui vont, inévitablement, être amenés à se rencontrer. Mrado est une armoire à glace qui entretient son corps dans sa salle de musculation avec ses camarades yougoslaves, et est chargé du secteur des vestiaires, l’une des branches d’activité du gang dirigé par Radovan. Avec ses hommes de main, il s’occupe de vendre la protection de sa mafia aux patrons des bars et des boîtes, mais également de donner des corrections à ceux qui ne respectent pas les règles.

La nuit, JW conduit un taxi au black. La journée, il est un jeune étudiant en économie, qui tente de réussir ses études. Mais JW mène une double vie. Pour ce fils de gens simples, venu du fin fond de la campagne suédoise, s’intégrer à l’élite de Stockholm impose de se créer une nouvelle identité : il est ainsi devenu, au yeux de la jeunesse dorée du Stureplan, celui qu’il rêvait d’être. Un mec cool, de bonne famille, bien fringué, et digne de faire partie de leur jet-set privée.

Enfin, Jorge est un gangster latino abandonné par le gang de Radovan lors de son procès, qui croupit en prison, se comporte en prisonnier modèle et prépare déjà son évasion, afin de se venger de Mrado et Radovan… Tous trois seront emportés dans les spirales de la criminalité, celle qui fait que l’on perd rapidement le contrôle, et qu’on doit s’adapter pour survivre. Mrado tâchera de garder sa place auprès de Radovan, tout en essayant d’être un père modèle pour sa petite fille. JW ne résistera pas à l’appel de l’argent facile et de la poudre blanche. Jorge devra réviser ses plans, conclure des pactes et se transformer pour survivre.

Véritable polar à l’occidentale, comme on en lit des plus grand auteurs américains du genre, ce premier tome de Stockholm Noir vous plonge dans un récit passionnant et saisissant de réalisme, au coeur de la criminalité d’une métropole, sur les traces de trois personnages aux aventures tumultueuses. Si l’idée de vous attaquer à de la littérature suédoise vous effraie un peu, soyez rassuré : il suffirait de changer les noms des localités pour que vous n’y voyez que du feu. Dans un style fluide et maîtrisé, Jens Lapidus nous offre là un excellent roman, le début d’une trilogie qui s’annonce prometteuse. Et qu’on ne manquera ni de suivre, ni de vous recommander !
Monde glauque avec quelques éclairs de générosité 6 étoiles

Il y a beaucoup de jeux d’intimidation et de testostérone dans l’air. La femme est la mère, la sœur ou la fille. Les « autres » ne sont que de la chair qu’on utilise. Quelques éclairs de générosité et quelques aspirations timides à la « normalité » dont le sens est différent selon les individus parsèment le livre.

Le style est parfois hyper-relâché avec beaucoup d’abréviations qui veulent certainement donner l’impression d’une connivence avec ces milieux.

Le livre parle d’un jeunesse bourgeoise insouciante qui a besoin de drogue pour se sentir exister. JW est un jeune provincial qui vient étudier à Stockholm à la suite de sa sœur aînée venue chercher fortune à la ville et disparue sans laisser de trace. Il veut participer à la vie nocturne avec ses riches camarades et travaille comme taxi. Un collègue, Abdoulkader l’introduira dans la revente de substances illicites. Mais JW voit grand et pense aussi au blanchiment d’argent.
Dans les des bas-fonds de la ville, c’est la guerre des gangs. Mrado est un truand d’origine serbe insensible sauf envers sa petite fille de 7 ans. Jorge, malfaiteur chilien qui vient de s’évader de prison a un certain code de l’honneur car il n’a pas dénoncé ses complices mais estime qu’on l’a lâché et veut se venger.

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Isad - - - ans - 21 août 2011


Plongée dans la pègre de Stokholm 10 étoiles

A l'inverse de la plupart des romans policiers, Jens Lapidus, avocat, nous fait vivre du côté des truands. On les suit avec un intérêt soutenu dans la fabrication de leurs turpitudes. Mais on éprouve cependant un certain attachement pour quelques uns de ces bandits, Jorge le Chilien, Mrado le Serbe, JW le Suédois, à qui l'auteur arrive à conférer comme une sorte d'humaine fragilité. Cette plongée est étonnante par plus d'un trait, il n'est pas si courant de pouvoir entrer ainsi dans la tête de criminels endurcis ou débutants. Ce roman me fait penser au film de Jacques Audiard, le Patriarche, qui nous faisait vivre du même côté de la ligne noire du crime avec un réalisme que le naïf que je suis peut prendre pour de la réalité. Et je rejoins en tous points les critiques précédentes: ceci est un excellent polar, d'une grande originalité.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 20 août 2011


Les 3 Mousquetaires de la coke 9 étoiles

Lapidus pose sa patte sur Stockholm comme Ellroy sur L.A. et Pelecanos sur Washington D.C. Premier thriller pied au plancher, mais pas si noir. Formaté, paraît-il pour une trilogie, tous les personnages clés en sortent vivants, ce qui n’arrive jamais dans la vraie vie du crime organisé. C’est presque attendrissant de voir Radovan, le boss du gang serbe, rétrograder Mrado et Nenad, plutôt que de les liquider. On est plus proche des Sopranos que des Affranchis ou de Kitano.

Pendant + de 500 pages, l’auteur maintient la pression au moyen de plusieurs collisions et contrastes. Le cliché de la blondeur suédoise pétant de santé face à la noirceur du crime et du vice. Les peuples du Nord face à l’immigration des yougoslaves et des arabes. Le suédois plouc lambda face à l’élite sociale.

Avocat pénaliste, Lapidus introduit dans le récit des procès- verbaux, des jugements de tribunaux et des memorandum de police qui accentuent le réalisme en montrent que les truands sont sous surveillance constante et qu’ils sont infiltrés.

Ce livre laisse une trace : 4 portraits bien trempés qui ont de l’avenir. Jorge le chilien, J.W. le suédois et Abdulkarim l’arabe, kings de la coke, et Mrado le serbe, gros bras du gang yougo.

Les 3 Mousquetaires de la coke en somme. C’est sûr, on va se revoir.

Ciceron - Toulouse - 76 ans - 10 avril 2009