La maison de la mort certaine
de Albert Cossery

critiqué par CptNemo, le 29 octobre 2008
(Paris - 50 ans)


La note:  étoiles
Encore un petit chef d’œuvre de subversion
La maison de la mort certaine, comme la plupart des romans de Cossery a des allures de fables.

Nous sommes dans un quartier très pauvre du Caire. Dans ce quartier de miséreux existe une maison habitée par quelques familles. Une maison vieille, décrépie, fissurée et qui est au bord de l’écroulement. Malheureusement les habitants ne peuvent pas aller ailleurs car ils sont trop pauvres. Ils ne veulent pas aller à la rue, ne peuvent pas trouver d’autre logement et de plus si ils partaient le propriétaire leur demanderait les loyers en retard, qu’ils ne pourraient pas payer. Alors ils restent faisant preuve d’un fatalisme très oriental.

Sous ces dehors tragiques c’est en fait un petit chef d’œuvre d’humour que délivre Cossery pour se livrer à une très puissante satire sociale.

Le propriétaire de la maison qui symbolise les puissants est ainsi ridiculisé à plusieurs reprises par ces locataires auxquels il ne reste que l’humour. La visite de l’immeuble par le propriétaire est une scène tordante, homérique et inoubliable.

Les familles habitant l’immeuble forment une incroyable galerie de personnages pleins de verve, de dérision, de fatalisme.

Dans son style inimitable simple mais pas simpliste, avec un sens de la formule (et de l’insulte) tout oriental, Cossery fait oeuvre de subversion et s’amuse à tourner en dérision les puissants de ce monde.

La maison de la mort certaine montre une fois de plus que Cossery est un écrivain qu'il est urgent de redécouvrir tant son oeuvre (courte) est cohérente et allie à la fois le fond et la forme.
Une puissante allégorie du monde actuel 10 étoiles

Premier ouvrage publié (en 1942 ou 1944, selon les sources) par Cossery, ce livre contient d'emblée tout ce qui fera le succès de ses parutions ultérieures.
La fable est bien décrite par CptNemo, mais ce n'est pas seulement comme cela que j'ai lu le livre. Je me suis dit dès les premières pages qu'il était une allégorie du monde actuel. Du coup, il prend un prodigieux intérêt. Cossery a écrit un ouvrage prémonitoire. Lorsque l'on repense aux évènements des divers "printemps arabes", on y retrouve les éléments rassemblés par Cossery dès 1942: un gouvernement lointain et sans consistance, une vie quotidienne régie par des gens avides de pouvoir et d'argent, la révolte qui monte peu à peu parmi les gens concernés au delà des peurs et des individualismes de chacun, le rôle d'un leader charismatique (ici le charretier), celui des enfants et l'importance décisive de la solidarité (ici le refus de payer le loyer) pour vaincre les pouvoirs en place. Tout y était prévu de Solidarnosc à Tahrir en passant par mille autres lieux. Et la France actuelle dans tout cela....
A condition de le prendre ainsi, c'est un très étonnant et formidable récit que nous livre Cossery. J'ai en plus remarqué encore une fois que la religion, hors la présence physique des minarets, ne joue pratiquement aucun rôle dans cette fable égyptienne et orientale. J'adhère pleinement à cette vue des choses, mai n'ai pu trouver d'explication directe chez Cossery. Encore que la lecture de ses autres livres permet d'imaginer ce qu'il en pense. J'ajoute que l'ouvrage en question a été réédité chez Joëlle Losfeld depuis 1994 et se trouve dans les oeuvres complètes de Cossery chez le même éditeur.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 11 août 2014