Les territoires du Nord-Ouest
de Laurent Chabin

critiqué par Grass, le 18 octobre 2008
(montréal - 46 ans)


La note:  étoiles
trop d'intellect tue
Comme quoi il ne faut pas toujours se fier à son instinct. Alors que le Coups de tête précédent me laissait d’abord indifférent pour finalement m’offrir un superbe moment de lecture, le cinquième numéro de la série m’inspirait au plus haut point. Ça, c’était principalement avant de le lire.

La quatrième de couverture, peu bavarde, laisse entendre qu’il sera question de combats d’ours avec des hommes. Puis, qu’à force de manquer d’ours, on se retrouve avec des chiens. Puis qu’on en vient à inventer un monde auto-suffisant dans ce territoire reculé, où tout devient possible. Et c’est bien ce qui se passe dans le livre. Le narrateur a été engagé pour régulariser cette société de travailleurs venus d’un peu partout. Ils avaient bien, pour se défouler, ces combats d’hommes avec les animaux, où le gagnant se méritait la chance inouïe de se représenter dans l’arène, jusqu’à ce qu’il y laisse sa peau. Mais il fallait plus.

Ainsi, en engageant un artiste issu de la télévision plutôt qu’un gros bonnet de la gestion, les patrons des compagnies ont pris une chance. Et l’artiste aussi. Qui a fait en sorte que le divertissement ne se limite pas qu’au samedi soir, et que son territoire ne se limite pas à une arène. Le terrain de jeu serait les Territoires au grand complet, et l’horaire 24 heures sur 24. Tout le monde participe, et change de rôle comme bon lui semble. Un jour tortionnaire, l’autre jour travailleur soumis. Et toujours aux aguets, car celui qui était votre ami peut bien se retourner contre vous le lendemain. En dressant chaque travailleur contre l’autre, on élimine les risques de révolte, d’associations, de syndicats, et, de façon surprenante, le rendement s’est accru de 60%. Quand divertissement et travail vont de pair…

L’idée est plutôt intéressante, mais étrangement menée. Comme j’ai dit plus tôt, je voulais l’aimer, ce roman, mais il m’en a empêché. Peut-être si je l’avais lu dans un autre contexte que celui des Coups de Tête, qui sont, rappelons-le, censés être des romans brefs, intenses, violents, vulgaires et entraînants. Mais dans ce roman, Laurent Chabin ne nous offre que très peu d’action, très peu de dialogue. Tout est dans l’installation du système utopique que le narrateur met en marche. Les tentatives précédentes des autres utopistes et agitateurs de foule (éradiquer la pauvreté et le problème de la faim : Tuons et mangeons les pauvres!) et leurs conséquences, le passé télé du narrateur comme concepteur d’un reality show plutôt malsain, et la lente installation du système en marche.

Jusqu’à maintenant, c’est le seul Coups de Tête que je n’aie pas dévoré. Je n’ai quand même pas pris quatre jours pour le lire, mais ça s’est fait lentement. Manque de rythme (quelques répétitions, en 80 pages…), langage lourd, peu d’action, trop de théorie, en plus d’une fin plutôt précipitée, tant d’éléments qui, à mon avis, ne font pas honneur au code de la série Coups de Tête.

Mais bon, on s’essuie et on recommence.