La ligne de chemin de fer qui relie Paris à Lyon est appelée la ligne Impériale, car elle fut empruntée par l’Empereur en 1852 (à ne pas confondre avec la route Napoléon qu’emprunta l’autre Empereur en remontant de l’île d’Elbe et par laquelle ne passent pas de trains). Ce fut la première ligne d’importance ; avant elle les lignes de chemins de fer ne comptaient que quelques dizaines de kilomètres. Elle traverse la Bourgogne et passe par Dijon. Ainsi, elle marie les deux passions de Vincenot.
Ce chemin de fer, le colonel Joubert, ancien officier des armées impériales (le premier), n’en veut pas. Elle symbolise la mort de sa civilisation, celle de l’homme à cheval ; elle incarne un progrès qui ne libère pas, mais qui asservit. Tout le contraire pour Lazare Denizot, gueule noire sur une Crampton. Entre les deux, le combat s’engage.
Et dans ce roman qui se passe autour des années 1850, tout est encore possible : bien sûr le chemin de fer a besoin d’ouvriers, peu à peu le savoir-faire de l’artisan est remplacé par le savoir-calculer de l’ingénieur, ceux qui ne sont qu’exécutants sont tenus pour quantité négligeable. Mais certains pensent qu’au progrès technique doit répondre le progrès social : Lamennais, les Saint-simoniens, Prosper Enfantin.
Il y a chez Vincenot cette ambivalence irrésolue : à un siècle de distance, il partage avec Joubert cette conviction que le progrès asservit, mais il est véritablement amoureux des locomotives. D’où cette impuissance rageuse qui est celle de Lazare Denizot : il manœuvre un outil magnifique, quintessence de la technologie d’alors, un outil qui rapproche les hommes et devrait contribuer à les libérer. Mais il sent bien, au fond, que Joubert a raison.
Il s’en tirera, comme Candide, par des activités potagères.
Guigomas - Valenciennes - 55 ans - 8 mars 2013 |