L'Intégrale, Maus : un survivant raconte
de Art Spiegelman

critiqué par BMR & MAM, le 27 septembre 2008
(Paris - 64 ans)


La note:  étoiles
Des souris et des hommes
On avait bien lu de nombreux éloges sur cette BD mais le dessin nous avait jusqu'ici rebuté.
Il aura fallu que Frédéric nous prête son Maus pour qu'on regrette nos hésitations et qu'on achète sans plus tarder cette incontournable BD.
Non seulement on s'habitue très vite au dessin, pourtant bien loin de la ligne claire à laquelle on est habitué, mais on tient là un excellent album.
C'est autobiographique et Art Spiegelman nous raconte son histoire, ou plus exactement celle de son père, juif en Pologne au pire moment et rescapé d'Auschwitz.
Enfin, Art Spiegelman nous raconte aussi son histoire à lui aussi : et c'est même là tout l'intérêt du bouquin, pardon de la BD (ça se lit comme un roman).
Art, le fils, part à la recherche de la mémoire de Vladek, le père.
Le plus vieux et le plus jeune se chamaillent sans cesse et les deux histoires s'entremêlent habilement : les dialogues entre père et fils où le jeune essaie de soutirer la mémoire du vieux et bien sûr les terribles souvenirs du père, broyé par la Grande Histoire.
Un peu comme dans le récent dessin animé de Ari Folman, le dessin semble être là pour à la fois mettre un peu de distance entre nous et d'effroyables événements mais aussi pour nous y attirer avec encore plus de force et conviction.
Tout le monde connait ces terribles événements dont on nous a rebattu les oreilles, les yeux et la conscience.
Mais il n'est jamais inutile de rouvrir les yeux de temps à autre et de renouveler la conscience justement.
La vie du père Spiegelman, marchand juif plus vrai qu'une caricature, est décrite sans complaisance. Ses petits trafics pour échapper aux rafles, puis pour survivre dans les camps, ... il n'en est que plus humain dans ce monde qui ne l'était plus. Et au passage, Spiegelman épingle l'anti-sémitisme polonais.
Comme dans Le Pianiste, on approche encore une foisle mystère incompréhensible de ces gens qui n'ont pas fui et attendu presque patiemment la solution finale, encadrés par leur propre milice.
Bien sûr l'allégorie est évidente lorsque les chats nazis traquent les souris juives (reprise dans Fievel).
Mais si Spiegelman a choisi une souris (Maus en allemand) c'est aussi en hommage à une célèbre Mouse américaine puisque le petit Mickey avait été mis à l'index des nazis.
Et Spiegelman de citer un journal des années 30 : «[...] le plus grand porteur de bactéries du règne animal ne peut être le type animal idéal. Finissons-en avec la tyrannie que les Juifs exercent sur le peuple ! À bas Mickey Mouse ! Portez la croix gammée !».
Maus sera récompensée plusieurs fois à Angoulême et Spiegelman recevra le prix Pulitzer en 1992.
Il est grand temps de (re)découvrir cette BD (idéale pour les ados).
Pour celles et ceux qui aiment savoir.
Flammarion édite ces 296 pages (l'intégrale des 2 volumes) traduites de l'anglais par Judith Ertel.
Marquant. 9 étoiles

Art Spiegelman raconte en détail l'épopée de sa famille au travers l'enfer nazi, l'époque du ghetto en Pologne, puis celle infernale des camps, en particulier du plus sinistre d'entre eux: Auschwitz.

Il est toujours important de se remémorer ces histoires, jusque dans les détails pour mesurer l'horreur absolue de cette période. Le génie de Spiegelman est de ne pas trop en faire et de mettre en rapport les souvenirs de son père et ce qu'il est vraiment.

Avare, égoïste, parfois cruel avec ses proches (Mala), Vladek Spiegelman est certes un survivant, un être digne de compassion. Cela ne le rend cependant pas intouchable. Une scène particulière a retenu mon attention à la lecture de cette intégrale: alors qu'il se fait reconduire en voiture par Art et Françoise, celle-ci s'arrête pour prendre un auto-stoppeur noir. Et là, toute la bassesse de l'homme se révèle: bien qu'étant la victime du racisme par excellence, Vladek se répand en injures et remarques odieuses...
Quelle honnêteté dans le travail, quelle rigueur morale. Pour cela, qu'Art Spiegelman soit remercié de ce travail...

Un bémol, qui revient au travers d'autres critiques: le dessin, très particulier dérangera sans doutes les lecteurs plus habitués à la clarté de la BD franco-belge qu'à la noirceur de la bande dessinée indépendante américaine.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 21 avril 2013


Mémoire 8 étoiles

Encore une BD que je n’avais pas franchement envie de lire. Un sujet lourd et tellement exploité que malheureusement j’ai l’impression qu’on en a fait depuis longtemps le tour et qu’à part le devoir de mémoire que l’on doit à cette période atroce de l’histoire, il n’y a plus rien à ajouter. Et puis ce dessin minuscule et pas très attirant ne m’incitait pas non plus à franchir le pas. Mais parfois il faut se faire un peu violence et chercher ce qui a pu plaire à tant de monde.
Contrairement aux autres récits sur cette période que j’avais déjà lu, ici ce sont les mémoires d’un survivant racontées par son fils qui n’a pas connu ces évènements. C’est à la fois une enquête sur le passé familial et un témoignage poignant des rapports difficiles entre deux générations qui ont une histoire bien différente. Ajouté à cela les doutes de l’auteur sur son travail et on se retrouve avec un mélange extrêmement touchant et plein d’humanité. La période couverte est assez longue et commence bien avant la déportation ce qui permet de comprendre le long cheminement vers l’enfer qu’ont dû subir les Juifs de cette époque. Ça aussi c’est très intéressant. L’auteur garde beaucoup d’objectivité sur une histoire qui le touche de près et ne fait pas de son père un héros qui grâce à son courage et à Sa Grandeur d’âme aurait survécu. Il nous raconte quelle période terrible c’était et les combines incessantes qu’il fallait déployer pour survivre. Il raconte aussi tous les travers de son père, son avarice, son racisme envers les noirs et comment c’est surtout la débrouillardise et la chance qui l’ont maintenu en vie. Et pourtant malgré tous les défauts de ce vieux monsieur parfois difficile à vivre, on ressent très bien l’amour qui unit ces deux êtres.
J’ai l’impression de bien connaître cette face sombre de l’histoire mais je suis toujours saisi par l’ignoble vérité qui a pu aboutir à une telle abomination. Comment l’humanité a-t-elle pu en arriver à un si haut degré de haine et d’horreur ? C’est une question qu’il faut se poser encore et encore jusqu'à trouver la solution pour que cela ne se reproduise plus jamais. Je comprends maintenant pourquoi cette petite BD est absolument indispensable.

Kabuto - Craponne - 64 ans - 17 juin 2012


Maus 10 étoiles

Chaque fois que je lis ou vois des récits sur l'holocauste, j'ai toujours un gros sentiment de malaise. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment on peut en venir à détester collectivement une ethnie au point de vouloir l'éliminer physiquement. J'ai beaucoup de difficulté à croire que c'est arrivé li y a moins de cent ans.

Maus, c'est le récit de cette barbarie du point de vue des Juifs. Je devrais plutôt dire d'un juif qui a survécu à cet enfer. Le camp d’Auschwitz a inventé l'industrialisation de la mort. Autre chose que j'ai de la difficulté à comprendre c'est comment les survivants ont fait pour garder l'espoir de survivre malgré tant de mort autour d'eux. Cette BD nous permet d'avoir une infime partie de la réponse avec l'histoire de Vladek Spiegleman.

Le seul point négatif s'il en est un, c'est la qualité des dessins que je n'ai pas aimé. Cependant, ça n'affecte aucunement la qualité de l'histoire.

Tout ce que j'espère après avoir lu cette BD c'est que l'humanité à retenu sa leçon. Malheureusement, ce qui s'est produit dans les Balkans et au Rwanda dans les années 1990, j'ai bien peur que non.

Exarkun1979 - Montréal - 45 ans - 10 janvier 2012


Histoire d'Hommes 9 étoiles

Débarrassons nous tout d'abord de ce que que je n'ai pas aimé dans Maus :
- Le dessin est moche et grossier,
- la représentation des personnages par des animaux est à mon goût un peu trop simpliste.

Pour le reste, je dois dire que cette bande dessinée m'a beaucoup plu et impressionné. L'histoire, tout le monde la connaît et je n'ai pas besoin d'en rappeler les horreurs dans cette critique. En revanche, ce qui est admirable, c'est la façon qu'a Art Spiegelman de raconter la tragédie de ses parents. L'émotion est bien entendu présente tout au long de ces deux ouvrages, mais sans basculer dans le manichéisme qu'il eut pourtant été si facile et si évident d'utiliser pour raconter une telle tragédie. L'auteur ne cache pas les "détails" embarrassants de cette histoire et de l'Histoire. Je ne sais plus qui a dit "l'homme est un loup pour l'homme", mais c'est le sentiment que j'ai eu en lisant ce livre, puisque tout le monde en prend pour son compte, sans qu'il soit réellement porté de jugement explicite sur les uns ou les autres. En définitive, je suis d'accord avec ce qu'il m'a semblé que Spiegelman suggérait au travers de ce récit : l'homme n'est rien d'autre qu'un animal et l'homme n'est pas bon par nature.

Je trouve que Maus est un grand livre.

Gnome - Paris - 53 ans - 5 mai 2011


Reconstruire une réalité pire que nos cauchemars les plus noirs 10 étoiles

Peu habituée à lire des BD que j’associe- à tort- à l’humour et à la caricature, encore moins habituée à en faire une critique, je viens exprimer ici le choc ressenti à la découverte de ce monument qu’est MAUS .

Une page de l’Histoire de l’Europe est racontée au travers d’une histoire familiale , celle de Juifs victimes du nazisme . Cette BD nous emmène au plus près du vécu quotidien de l’ensemble de cette famille depuis les premiers pogroms jusqu’à la libération des camps et à la réinsertion des survivants dans l’ économie de l’après-guerre .

Les drames vécus par ces personnages emblématiques de tout un peuple , qui constituent le récit du passé , sont rendus encore plus poignants par le fait que ils alternent avec des épisodes du présent de l’écriture où le narrateur ne nous cache rien . Il rend sensible son mal-être à se sentir un étranger à ce drame, une sorte de privilégié, « je dois me sentir coupable quelque part d’avoir eu une vie plus facile qu’eux », à se considérer comme un fils mal aimé « le casse-pieds » par opposition à Richeu, le « le frère-fantôme »considéré comme un« l’enfant-modèle », à la difficulté qu’il rencontre à traduire en mots et images ce qu’il a arraché à son père , « une partie de moi ne peut pas dessiner Auschwitz ni même y penser », enfin aux traces indélébiles que l’enfermement dans les camps a laissés dans la vie des survivants ( la pingrerie de son père semble y puiser sa source…. )

Le choix du dessin en noir et blanc , couleurs de la nuit et du brouillard, pour rendre compte de la barbarie, a un énorme pouvoir de suggestion . On croit voir défiler les images d’un film déjà connu mais les dessins de vignettes qui figent l’action comme dans un arrêt sur l’image, en dramatisent certains épisodes . Ah, cette image d’un jeune enfant séparé de ses parents à l’arrivée à Auschwitz , qui crie et dont s’empare un SS qui le balance par les pieds contre un mur ……

Un ouvrage indispensable dans la bibliothèque de l’honnête homme du 21e siècle au même titre que SI C’EST UN HOMME de Primo Lévi .

Alma - - - ans - 20 août 2010


Dans la souricière nazie... 10 étoiles

Les mots manquent devant ce courageux travail de mémoire, à la fois un hommage à l’ensemble des Juifs morts dans les camps mais aussi au père de l’auteur, ce dernier ayant cherché à coller au plus près de la vérité en intégrant l’Histoire (avec un grand h) dans l’histoire, celle de son père qui a survécu valeureusement à cet enfer, puis est parti vivre aux USA après la guerre, mais ne s’est jamais réellement libéré, prisonnier de ses propres obsessions et sa peur de manquer, rendant la vie impossible à son entourage.

C’est aussi tout cela que Spiegelman fils raconte, sans concession et sans manichéisme, comme une sorte de psychothérapie et une tentative de comprendre les rapports difficiles qu’il a eu avec ses parents, mais s’il parvient à aller aussi loin en décrivant les pires travers de Vladek, son père, désormais veuf - que l’on découvre radin, égocentrique, possessif, odieux vis-à-vis de sa compagne et même raciste envers les noirs - c’est parce que sans doute il y a mis aussi énormément d’amour, et c’est aussi cela qui est émouvant à l’extrême. Si l’auteur n’essaie pas de faire de son père un héros, il révèle aussi ses propres faiblesses et ses propres blessures, avec cette culpabilité lui interdisant de montrer ses souffrances, car né dans ce pays de Cocagne qu’étaient encore les USA après la guerre, alors que ses parents sortaient de l’enfer absolu.

Le graphisme ne plaira peut-être pas à tous, car plutôt minimaliste et d’un trait en apparence grossier, mais le but n’était pas de faire quelque chose de joli…. Il viserait peut-être à exprimer la fragilité de l’enfance plutôt qu’à étaler une quelconque prouesse artistique, évitant ainsi tout nombrilisme. En fait il colle très bien à l’histoire, tout comme le choix du noir et blanc. Le scénario est très bien mené, naviguant entre deux époques, où le Vladek jeune et héroïque et le Vladek vieux et mesquin se répondent en permanence… C’est souvent très émouvant (cette photo du petit frère !), et les personnages sont tous attachants, y compris le père, si invivable soit-il…

Près de vingt ans après sa sortie, un classique incontesté (et incontestable) de la BD…

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 8 juin 2010


Authentique 9 étoiles

« Les Juifs sont indubitablement une race, mais ils ne sont pas humains. » - Adolf Hitler

Singulière bande dessinée, inventive dans sa forme, les illustrations. Au début, j’avais quelques appréhensions, j’avais peur que ça soit réducteur, mais j’ai découvert un récit unique et sincère, un témoignage très personnel. J’avais de grandes attentes sur ce livre, beaucoup de doutes et j’ai été surprise, agréablement.

Nance - - - ans - 13 novembre 2009


Incontournable Maus 8 étoiles

J'ai beaucoup apprécié la lecture de la bande dessinée intégrale de Maus, d'Art Spiegelman. J'ai trouvé ce livre à la fois choquant et émouvant. De plus, je souligne le fait que les animaux choisis par Spiegelman pour les Allemands, les Juifs, les Polonais, etc. sont une façon originale de les représenter. Bref, après avoir lu Maus, j'ai eu envie d'explorer davantage l'oeuvre d'Art Spiegelman.

Steph-9 - - 34 ans - 15 juin 2009


La Shoah des souris 9 étoiles

C'était risqué de vouloir traiter de la Shoah en BD. Surtout en y opposant des souris à des chats, comme dans un bon vieux Tex Avery, ça aurait pu conférer à l'événement un caractère léger, presque comique. Ce pari risqué, Art Spiegelman le transforme en un véritable chef-d'oeuvre. Cette BD est saisissante par l'originalité de sa construction, son sens de la narration, l'efficacité de son dessin, la façon dont elle mêle habilement petite et grande histoire en abordant aussi bien les relations houleuses de l'auteur avec son père que les événements dramatiques vécus par celui-ci des années auparavant.
Quand on rentre dans Maus, on se retrouve face à une grande bande dessinée, face à un véritable témoignage historique. Des plus bouleversants.

Stavroguine - Paris - 40 ans - 2 octobre 2008


Superbe 10 étoiles

Un choc, cette BD. Je l'ai découverte à l'âge de 12 ans (j'en ai 26 now), et ça reste une des BD les plus belles, puissantes, émouvantes, et bien entendu, cruellement vraies que j'ai lues. MONUMENTAL !

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 29 septembre 2008