Axelle
de Pierre Benoit

critiqué par Antinea, le 26 septembre 2008
(anefera@laposte.net - 45 ans)


La note:  étoiles
L’amour comme à la guerre
Pierre Dumaine a été fait prisonnier presque au tout début de la grande guerre. Depuis, il attend comme ses compagnons d’infortune la fin d’un conflit enlisé dans les tranchées pour les autres, dans l’ennui et les souffrances de leur condition de prisonniers pour eux. Envoyés en « représailles » dans un camp perdu de Prusse orientale, aux bords de la Baltique, Pierre et ses acolytes affrontent le froid, la maladie et les mauvais traitements. Après les corvées épuisantes, ce sont des nuits à enterrer les amis qui n’ont pas tenu le coup. Le moral décline face à cette vie dure et absurde qui semble ne devoir jamais finir. Parce qu’il parle allemand couramment, Dumaine échappe aux pénibles travaux physiques et sert de secrétaire à un pasteur qui écrit ses mémoires. Electricien hors pair, il se verra par la suite assigné à la rénovation du système électrique du château de Reichendorf, situé à quelques kilomètres du camp. Il y fera la connaissance des ses habitants, méfiants mais toujours respectueux envers l’ennemi que les déboires sur le front, relayés par la presse, annoncent déjà comme vaincu. Dans l’atmosphère pesante et sombre du château, Dumaine se prend d’amitié pour le vieux Général, vainqueur de Borny, et tout entier dévoué au souvenir de ses grandes batailles, afin de se rapprocher d’Axelle, l’inaccessible nièce. Sur la maison pèsent les fantômes des fils du Général, tombés au front mais surtout de Dietrich, le seul d’entre eux encore vivant et fiancé de la jeune femme.
Plus qu’un simple roman, Axelle est un témoignage de la Grande Guerre vécue dans les baraques, et une réflexion sur le comportement humain. La condition de prisonnier de guerre est assez ambigüe : bagnards vivant dans le froid, ils ont tout de même le droit de recevoir leur courrier - source indispensable pour une alimentation correcte. Le camp fera même l’objet d’une visite sanitaire et médicale par des observateurs internationaux et « neutres », qui ont le pouvoir d’envoyer les plus faibles dans des cliniques en Suisse. Le chef du camp, militaire caricatural défiguré par un obus, n’en reste pas moins un tortionnaire qui n’a de pitié pour personne, pas même pour les tirailleurs sénégalais qui meurent de froid. Malgré sa condition, Dumaine n’a d’yeux que pour Axelle. Mais deux nations ennemies, une vie de devoirs et de redevance, un engagement, la fierté peut-être, et les millions de corps qui alimentent les tranchées de part et d’autre font de cet amour une véritable bataille dont l’auteur, avec ses mots toujours si enchanteurs, nous laisse une fois de plus imaginer l’issue.