L'Oiseau est malade
de Arnon Grunberg

critiqué par Débézed, le 23 septembre 2008
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Illusion des illusions tout est illusion
« L’Oiseau est malade », l’Oiseau va mourir ! L’Oiseau c’est la femme de Beck mais ils ne sont pas mariés. Ce « n’était pas seulement sa femme, c’était aussi sa sœur, sa mère, sa tante, sa grand-mère, sa meilleure amie, son enfant. » Mais, avant de mourir, l’Oiseau veut épouser un demandeur d’asile pour faire une dernière bonne action ? Peut-être, mais peut-être pas seulement car Beck: « tu ne m’as pas touchée depuis quatre ans. » Et, Beck raconte l’histoire parallèle de ces deux êtres si différents mais inséparables qui mènent chacun une vie libre et indépendante, elle chercheur et lui écrivain raté qui « est là pour voir vivre l’Oiseau c’est sa raison d’être ». Beck se souvient aussi qu’ils étaient en Israël, à Eilat, quand elle observait les animaux dans le désert pendant qu’il hantait le bordel du coin. Et l’histoire de cet exil va revenir comme l’annonce de la déchéance de leur couple, mué en trio, qui emprunte le chemin du calvaire de l’Oiseau.

Dans ce long récit touffu, dense, improbable et tortueux, Grunberg évoque toute la vacuité de l’humanité où tout n’est qu’illusion. « Quand, …, on a démasqué non seulement toutes les illusions de la politique, mais aussi celles de l’amour, de la famille et de Dieu, de l’art et de la méditation, et qu’on a dû les condamner, …, on a démoli toutes les certitudes de l’humanité… ». Et même si en contrepoint au désespoir nihiliste de Beck, L’Oiseau déploie une charité christique qui confine à la pitié, partageant même des instants d’amour avec des rejetés de la société ou des amochés des accidents aveugles qui ensanglantent les rues d’Israël.

Je ne savais plus comment Arnon Grunberg étais arrivé dans ma liste d’auteurs à lire, je ne savais plus rien de lui quand j’ai commencé la lecture de ce bouquin et après avoir lu une centaine de pages, j’ai eu l’impression de reconnaître ce type d’écriture ressassant, rabâchant, revenant sans cesse sur les mêmes constats, les mêmes arguments, de peur que le lecteur n’ait pas bien compris toute la portée de la démonstration. Et, j’ai retrouvé la filiation de cet écrivain dans la littérature israélienne et plus particulièrement à travers David Grossman et « Le livre de la grammaire intérieure » et, à un degré moindre, peut-être, à travers Yeoshua Kenaz dans « Retour des amours perdues ». Et, j’avais bien remarqué Grunberg dans un article consacré à la littérature juive par le magazine « Lire ».

« Dans ce roman génial, d’une virtuosité et d’une intelligence rares », je n’ai pas trouvé tout ça, tout ce que la quatrième de couverture promet. Certes, c’est l’œuvre d’au auteur très cultivé, doué pour la littérature mais qui, à mon avis, en fait trop, les fameux « chargeurs réunis » de cet ancien chroniqueur de la télévision suisse. Il veut mettre trop de choses dans un seul livre et ses personnages deviennent tout fait impossibles mais il parvient tout de même à les rendre attachant malgré le nihilisme ambiant qui colle jusqu’au bout des doigts poisseux comme une barquette que le Thaïlandais leur vend pour leur dîner à Göttingen que Barbara a si bien chanté :

Nous, nous avons nos matins blêmes
Et l’âme grise de Verlaine,
Eux, c’est la mélancolie même
A Göttingen, à Göttingen.
Arnon Grunberg, un auteur atypique 7 étoiles

Subjugué par « Tirza », histoire atypique de l’auteur néerlandais, « L’oiseau est malade », traduction de « De asielzoeker » (Le demandeur d’asile), j’avoue que l’effet de surprise n’est plus le même.

L’histoire quant à elle, est plus intérieure et donc moins racontée, voire dérangeante. Le héros est un homme difficilement cernable, et sensiblement désœuvré.

On passe pendant les trois quarts du livre d’une époque à l’autre, l’une où Beck, hollandais vivant à Göttingen en Allemagne évoque via des flashback, une époque se situant au moment de la guerre en Irak, où il vit à Eilat, ville israélienne sur la Mer Rouge.

On croit aussi au début du livre qu’on sera dans une triangulaire, le héros, sa compagne (l’Oiseau) et le mari algérien de sa femme (le demandeur d’asile), mais, ce troisième larron, qui donne son nom au titre original du livre s’efface et reste plus un figurant. La relation ambiguë que Beck entretien avec sa compagne est décrite de long en large et le lecteur sera plusieurs fois bousculé par des propos, des attitudes et des réactions de ce personnage mal dans sa peau.

Un livre difficile mais qui bousculera le lecteur

Pacmann - Tamise - 59 ans - 22 janvier 2018